Les épreuves de chasse pratique avec gibier tiré et rapporté
organisées de façon brillante en automne dernier au Bruel, et en février 1950 à
Grandchamp, ont valu chacune aux Gordons un C. A. C. nouveau, sans
parler des autres prix, qui s'ajoutent à une belle collection de ceux-ci
récoltés depuis la Libération.
Aussi suis-je fier d'affirmer ici qu'il n'est pas une autre
variété de Setters, en France, comportant actuellement un important lot de trialers
de la qualité de tous nos Gordons de tête. Un match entre ceux-ci serait
vraiment un régal pour le sportif non chauvin.
Le Setter Gordon français sorti des premiers élevages
français est en tête de la race dans le monde pour son beau type sportif
combiné avec les qualités de travail les plus brillantes. Et je citerai ces
paroles émises au Bruel par un assis tant parlant de la Gordon gagnante devant
Pointers et Setters : « Je ne puis la comparer qu'à un homme
autoritaire qui sait commander, et ne se trompe jamais. »
Il apparaît donc intéressant de jeter un coup d'œil rapide
sur la race, à travers le monde.
Le Gordon, dont on trouve des gravures par Albert Durer, a
vu son premier élevage officiellement connu en 1526, en Grande-Bretagne, issu
de la grande famille Setters qui groupait autrefois des chiens de divers
coloris, tout comme nos Spaniels actuels. Point d'histoires de Bloodhound dans
sa création. Le Bloodhound n'est apparu qu'après l'élevage des ducs de
Gordon (1800-1836) et dans certaines branches seulement (Rosslyn notamment)
et a été rejeté très rapidement. Par contre, de 1873 à 1880, la retrempe Irish
Setter a été couronnée de succès par le Dr Salter d'une part, et
surtout par Robert Chapman à l'affixe le plus célèbre de tous : Heather.
Les ducs de Gordon n'ont donc été que des éleveurs d'importance. Les couleurs
du duc Alexander étaient variées, allant du lemon au noir blanc, noir tan et
tricolore, celles de son cadet George demeurant presque exclusivement
tricolores. La corpulence des animaux du premier étant massive, celle du second
plus légère, à taille moins haute. Depuis, Heather a complètement
supplanté le vieux sang, qui n'existe plus qu'en mélange avec lui. Et cette
souche a fourni les plus brillants Trialers de la race. Notre élevage français
en contient une dose importante. D'où l'apparition fréquente, dans tous les
élevages mondiaux, de chiens rouges unicolores, dans des conditions
parfaitement établies par les applications génétiques des lois mendéliennes.
Actuellement, seules la France et la Scandinavie pratiquent
en grand l'élevage du Gordon de taille moyenne, à galop ultra-rapide, ou
rapide. Mais le gros de l'élevage, situé principalement aux U. S. A.
d'abord, puis en Hollande et Grande-Bretagne, préfère la haute taille (je n'ai
pas dit « le petit veau ») et n'en veut pas d'autre.
Si nous examinons la raison de cet état d'esprit, nous
remarquons, en premier lieu, qu'au point de vue esthétique un grand Gordon,
supérieurement construit, non viandeux, bien dégagé, mais puissant, est le plus
flatteur de tous les Setters, quand il est vraiment de la plus haute qualité.
D'autre part, il s'avère imbattable en chasse pratique dans certains terroirs
interdisant la grande vitesse : hautes bruyères d'Écosse, grandes herbes
américaines — « Russian thistle » canadiennes — et y est
plus visible. Par ailleurs, Américains et Écossais savent sportivement se gêner
pour voyager avec leurs grands chiens, ce qui n'existe généralement pas en
France à l'heure actuelle.
La Scandinavie, dont les souches d'antan furent les plus
brillantes en travail (avec la famille écossaise stylish), procède d'une
considération tout autre. Il s'agit de briller au Derby Scandinave avec des
chiens ultra-rapides à grand nez. Le type en a souffert, et beaucoup de Gordons
n'en ont en réalité chez eux que la couleur. Une des meilleures souches
danoises fut la famille Rask. Le meilleur chien d'exposition et de
travail semble être le champion Thykjaers Tommy, à M. Viktor Olesen. La
taille est moyenne.
La France veut un chien brillant, mais fort en ossature et
non une claquette, pratique, au nez puissant, à l'équilibre nerveux parfait,
avec beaucoup de « caractère ». La taille est généralement moyenne,
tout en restant suffisamment haute, sans plus, permettant galop vif et grande
résistance. Les souches maîtresses sont La Gordonnière, à M. Busnel
Vallée, Pierret, à Mme de Malaret, et Roch' Kerquy, à
l'auteur de ces lignes. Assez différentes les unes des autres dans les
origines. Le dernier crack qui a droit à son titre de champion de beauté est Uxam
de la Gordonnière, C. A. C. en épreuve de chasse pratique. Tanite
de la Gordonnière, après son père Krack, est championne de travail
et de beauté.
La Grande-Bretagne, berceau de la variété, est en déclin.
Trop de femmes aimant uniquement l'exposition se sont occupées de ce réellement
beau chien, produisant un type trop lourd comme ce fut le cas en France jadis.
Mais parmi elles, citons d'excellentes éleveuses comme : Mrs. Debenham-Harper,
qui a produit le meilleur champion anglais actuel : Dellfort Gay Gordon ;
Mrs. Pease, à l'affixe récente, Westerdale, basé sur le travail et la
beauté. Sa meilleure chienne est la ravissante championne Gretel of Cairlie,
supérieurement élégante, pas trop haute, excellente en chasse. Mrs. Eden
(affixe Cromlix) et Mrs. Mac Intosh (affixe Boyndie), qui ont
conquis maints lauriers en field trials.
La Hollande, grâce à l'éminent savoir du généticien Verwey,
secrétaire du Nederlandsche Gordon Setter Club, possède des animaux assez
hauts, d'ossature puissante, extrêmement élégants, possédant d'excellentes
qualités de chasse, et tout spécialement au marais. À l'appui de ceci, ma jeune
Hollandaise Pamela of the Spey Grounds a, à dix mois, montré à Grandchamp,
en 1950, aux épreuves de chasse pratique, ses qualités très précoces. Elle est
fille du réputé raceur champion hollandais Lona's Ferdi. Ces chiens
possèdent un gros bagage du sang réputé écossais Crombie allié à des
origines nordiques à base Heather. Les Hollandais ont récemment importé
du sang anglais (Frithdown et Petersdale) et français (Roch' Kerquy).
Le plus beau champion hollandais est Mac Dhomnull of Sutherland.
Les U. S. A. possèdent un lot important de cette
race, dont la grosse majorité est utilisée uniquement à la chasse. Une minorité
représente la race dans les concours. Le chien est grand et fort, malgré cela
assez rapide, et très chasseur. La qualité du type ne vaut pas les fameuses
souches de 1925-1935, Inglehurst (sang danois à base de Rask), Clonmellerslie
et Avallon. Là aussi le sang Heather, par les Stylish
importés de Grande-Bretagne autrefois, a une grosse prépondérance. Le chien le
plus brillant des dernières années est champion Heslop's Courageous, à
Mr. Heslop. Le Canada veut avant tout un grand chien fort, mais rapide, très
allant, très courageux en raison de la végétation épineuse. Glentanar Kennels,
à Mr. Forbes, en tient le drapeau. La région australienne possède d'excellents Gordons
dont les plus renommés sont les Craighieburn (Nouvelle-Zélande).
L'Italie est pauvre en cheptel. Cependant, le chien Artu di-Villanterio
s'est classé 3e en 1949 dans un concours comprenant une classe de 45
Pointers et autres Setters. Il était seul Gordon engagé. La Suisse importe du
sang français. La variété prend donc dans le monde une extension de plus en
plus marquée.
Jean VÉTIER.
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