Pour en terminer avec les rivières du Massif central
(1), il nous reste à citer celles coulant sur les versants est et sud,
certaines prenant leur source, plus exactement, dans la chaîne des Cévennes.
À l'est, citons, en premier lieu, le plus long de nos
fleuves, la Loire, aux aspects si changeants. Le touriste la connaît
surtout sous la forme d'un fleuve large, au courant généralement fort, coulant
pendant plusieurs centaines de kilomètres parmi les bancs de sable, au milieu
d'un paysage de plaine et de collines. Elle traverse ainsi des provinces et des
villes réputées parmi les plus belles de France et offre au canoéiste un moyen
facile et agréable de les visiter.
Dans les montagnes où elle prend sa source, creusant tour à
tour des gorges ou d'étroites vallées, entre les monts du Velay et ceux du
Vivarais, le visage de la Loire est tout différent. Là aussi, des châteaux
s'élèvent sur ses rives, mais ce ne sont plus les riches monuments de la
Renaissance que nous rencontrerons beaucoup plus loin, mais de fiers vestiges
féodaux, dressés sur les sommets. Leur visage est celui de la rivière qui coule
à leur pied ; il révèle la puissance, la sauvagerie et la solitude.
La Loire, ainsi, depuis Goudet jusqu'à Saint-Just, offre au
canoéiste des difficultés de classes 2 à 4 pendant 130 kilomètres, et cette
distance permet d'en réserver la descente pour les vacances, d'autant plus
qu'elle reste intéressante pendant 90 kilomètres encore jusqu'à Roanne
(cl. 1, 2).
Le principal affluent de la Loire, dans cette région, est,
lui aussi, l'une de nos plus belles rivières de sport, et les voyageurs qui
empruntent la ligne de Paris à Nîmes ont un bel aperçu des gorges profondes et
boisées au fond desquelles coule l'Allier, sur un lit extrêmement
rocheux. Il est généralement descendu de Chapeauroux à Prades. Avant guerre,
c'était, dans cette partie, une succession de seuils et de rapides très
manœuvriers, interrompue par de courts planiols. Le barrage de Pantès est venu
contrarier cette belle harmonie, coupant le haut Allier en deux parties
sensiblement égales, d'une vingtaine de kilomètres chacune, et obligeant à un
long chariotage pour retrouver l'eau restituée 10 kilomètres en aval du
barrage. En amont de celui-ci, l'Allier est une rivière de classe 3 ;
entre le barrage et Prades, les difficultés sont plus sérieuses (cl. 4,
5). L'Allier se calme ensuite, mais reste une rivière de classe 2 intéressante
jusqu'à Brioude (50 km.). La partie haute, en amont de Chapeauroux, a été
descendue, mais présente les plus sérieuses difficultés (cl. 5, 6), et il
est rare d'y trouver la hauteur d'eau favorable.
L'Alagnon, entre Neussargues et Massiac, est une
rivière très difficile (cl. 4, 5, 6) ; en aval, les rapides ne
dépassent pas la classe 3.
Plus au nord et sur la rive droite de l'Allier, la Dore
offre des difficultés de classes 3 et 4 entre Vertolaye et Courpierre
(30 km.). En amont, depuis Ambert, qui est le point de départ habituel, la
navigation est plus facile (cl. 2).
Citons encore deux rivières tributaires du Rhône : le Doux
et l'Eyrieux, dont la descente a été rarement effectuée. Elles sont très
difficiles (cl. 4 à 6) et sujettes à des différences de niveau
considérables mais passagères.
Passons maintenant au versant sud du Massif central, où nous
trouvons quatre rivières présentant sensiblement le même caractère :
belles gorges boisées, rapides difficiles et très rocheux.
D'une part, le Lot est l'une de nos plus longues
rivières sportives, avec un cours de 140 kilomètres de Mende à Entraygues
(cl. 3, 4, 6). Son affluent, la Truyère, présente des difficultés
de même importance et un cours sensiblement égal jusqu'au Lot. Malheureusement,
le barrage de Sarrans, avec son lac artificiel de 25 kilomètres, a largement
amputé cette intéressante rivière, dont les gorges, dans la partie amont,
conservent un caractère particulièrement sauvage.
D'autre part, l'Aveyron présente une gamme de
difficultés plus capricieuse. De Rodez à Villefranche-de-Rouergue (80 km.), la
cote ne dépasse pas 3, avec quelques passages infranchissables ; ensuite
et jusqu'au Viaur (40 km.), la cote générale tombe à 2, mais l'on rencontre
quelques rapides de classe 4. Ceci montre l'impossibilité de définir la
catégorie d'une rivière avec un seul chiffre.
Le Viaur, affluent principal de l'Aveyron, est une
rivière très sportive pendant 45 kilomètres de Bannes au pont de Navek. C'est
ensuite une intéressante rivière de classe 2 jusqu'au confluent.
Dans la même région, citons encore un petit affluent du Lot,
le Célé, pittoresque et facile (cl. 2).
Plus au sud, nous trouvons une rivière, le Tarn, dont
la renommée touristique est depuis longtemps établie. La route en emprunte les
gorges, et le touriste le moins intrépide peut en franchir les rapides en
barque du pays sous la conduite de guides avertis.
Pour le canoéiste, le Tarn est une croisière classique
(cl. 2). Il peut être descendu avec intérêt pendant 200 kilomètres de
Florac à Albi. La physionomie du Tarn et des affluents du Rhône issus des
Cévennes diffère de celle des autres rivières du Massif central. On y rencontre
des gorges calcaires aux falaises souvent à pic, parfois en surplomb,
curieusement découpées ; la végétation est plus rare.
Les galets et le sable constituent le lit de la
rivière ; les rochers, modelés par l'érosion, sont d'un contact beaucoup
moins rude pour les coques que les dures arêtes du granit.
Versant Rhône, l'Ardèche est considérée comme la
perle des rivières françaises aux yeux de la majorité des canoéistes. Elle est
généralement descendue depuis Vogué jusqu'au Rhône (80 km.). Vous n'y trouverez
pas de difficultés sérieuses (cl. 2), mais une eau limpide, des plages de
sable ou de galets baignées de soleil méridional. En aval de Vallon, cette
merveille naturelle qu'est le pont d'Arc constitue l'entrée majestueuse des
gorges. Je vous conseille de vous y engager avec plusieurs jours de
vivres ... et d'y flâner longtemps.
Le Chassezac est beaucoup plus aride et demande à
être descendu au printemps, en période de fortes eaux. Il présente des
difficultés de classe 4 dans la partie supérieure de son cours ; la cote
tombe à 2 entre le pont des Gravières et l'Ardèche.
Les caractéristique du Gard sont les mêmes que celles
de l'Ardèche, avec des gorges moins belles et aucune chance d'y trouver
suffisamment d'eau en été.
La partie haute de l'Hérault a été quelquefois
descendue avec son affluent, la Vis (cl. 3, 4), mais le manque
d'eau, les barrages et passages infranchissables sont autant d'obstacles à
l'accomplissement d'une croisière intéressante sur cette rivière, d'autant plus
que le cours inférieur, en plaine, n'offre aucun intérêt.
Telles sont les rivières du Massif central, nombreuses,
vivantes, variées, et je vous souhaite d'en descendre Beaucoup en canoé.
G. Noël.
(1) Voir Le Chasseur Français de juin 1950.
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