Le vignoble

Nous avons passé en revue dans nos précédentes études (Le Chasseur Français de janvier 1950 et les numéros suivants) les accidents et les maladies propres aux vignobles en indiquant succinctement pour chacun d'eux les moyens de lutte.

Nous croyons utile de compléter ces exposés par des suggestions tirées des derniers perfectionnements de la technique.

Nous assistons, en effet, actuellement, à une véritable évolution des pratiques de l'agriculture en général et du vignoble en particulier ; évolution qui, dans certains cas, a l'aspect d'une révolution.

Si, d'autre part, on veut bien constater que le vignoble existe sans exception dans tous les pays où la vigne peut fructifier, nous en déduisons que ces pays ont fait leur plein et que nous ne pouvons que leur vendre nos vins fins à la condition qu'ils n'en produisent pas eux-mêmes.

Nous avons assisté à la création des vignobles de Mendoza en Argentine, à ceux du Chili et de bien d'autres. La Russie soviétique a su très judicieusement utiliser ses terres à vignoble et, par une sélection très poussée, obtenir toute une gamme de vins. Leur production leur suffit amplement, car ces peuples slaves boivent surtout du thé et ... de l'alcool.

Enfin, les vignobles du Cap ont été constitués par les protestants chassés de France, après la révocation de l'Édit de Nantes. D'autres beaucoup plus anciens seraient contemporains de ... Noé.

Ce qui précède aidera le lecteur à mieux comprendre ce qui va suivre, qui s'adresse surtout à la polyculture, où la variété des travaux entraîne souvent une diminution des soins apportés à la production du vin.

En ce qui concerne les produits anticryptogamiques, on employait autrefois le soufre précipité plus ou moins sec et la fameuse bouillie bordelaise que l'on fabriquait soi-même ou que l'on achetait toute faite.

Comme soufre, il faudra employer maintenant des produits dits « micronisés » ou « colloïdaux » ayant subi une préparation spéciale. Ils demandent à être épandus avec de bonnes poudreuses.

Ces soufres peuvent être additionnés d'un insecticide, ce qui en fait un produit bivalent.

Pour les bouillies cupriques, on utilise déjà depuis quelque temps l'oxychlorure de cuivre, qui s'emploie tel qu'il est livré ; sa préparation est faite de telle façon qu'on obtient une émulsion stable. Nous avons aussi à notre disposition l'hydrate de bioxyde de cuivre. Le grand avantage de ces produits est de ne pas obstruer les papillons.

Pour l'épandage des bouillies, il faudra réformer les appareils individuels, donnant la pression à l'aide d'un levier à main et les appareils tractés donnant la pression par l'intermédiaire de l'essieu.

Ces appareils ont rendu des services inestimables en sauvant le vignoble de sa destruction, mais ils ont fait leur temps et ont droit à toute notre reconnaissance.

On emploiera comme appareil individuel le modèle cylindrique à pression constante donnée avant la mise à dos au moyen d'une pompe latérale.

Les appareils tractés devront posséder une motopompe à air et être construits pour obtenir une pression élevée.

N'oublions pas, à ce sujet, que les vignobles et vergers de Californie utilisaient, il y a quarante ans, des appareils pulvérisateurs donnant une pression de 7 kilogrammes.

Évidemment, on comprend que beaucoup ne voudront pas se séparer d'appareils « qui vont bien » et auxquels ils sont habitués (question financière mise à part), mais qu'ils se disent bien que ce qu'ils ne feront pas le voisin le fera, et qu'ils seront mis en état d'infériorité pour leur prix de revient. Car qu'on le veuille ou non, nous assistons actuellement à une lutte pour ces prix de revient. Diminuer la main-d'œuvre est une nécessité pour la viticulture comme pour toute autre branche de la production, que ce soit de la main-d'œuvre salariée ou familiale.

En ce qui concerne les insecticides, nous savons qu'il est sorti pendant ces dernières années toute une gamme de produits qui donnent entière satisfaction ; plusieurs sont polyvalents.

Là encore, bien suivre le mode d'emploi donné avec chaque produit, et se conformer aux époques d'épandage, afin de ne pas détruire trop d'insectes utiles, employer des poudreuses efficaces et des pulvérisateurs à haute pression.

N'oublions pas que ce n'est pas la quantité du produit utilisé qui est efficace, mais la surface réellement traitée ; plus cette dernière est importante, meilleur est le travail.

Il est, dans certains cas, possible que les chenilles des papillons de nuit (Cochylis, Eudémis, Pyrale) ne soient pas, pour une cause quelconque, entièrement détruits par les insecticides, et qu'il faille revenir dans certaines régions à la méthode du papillonnage, qui a été à l'honneur au temps jadis.

Dans ce cas, s'abonner d'abord à la Station d'avertissements, qui indiquera, outre les renseignements utiles, les périodes de vols nocturnes, lesquels, en général, ont lieu vers fin avril-mai et fin juin-juillet.

Ensuite procéder au papillonnage à l'aide de pièges lumineux. Autrefois on se servait comme moyen d'éclairage d'une lampe d'écurie à huile, placée au centre d'un cube creux de papier englué. Avec l'électricité on peut faire mieux. Afin d'éviter la déchirure du papier englué par des coups de vent possibles, on utilisera avec avantage une surface à peu près arrondie.

Il suffira, à l'aide de quatre cadres en fil de fer rigide, de constituer une carcasse à huit faces, ces cadres ayant environ 0^m,40 de diamètre et autant de hauteur. Ils seront fixés ensemble à leur croisement en haut et en bas de la carcasse.

L'équidistance des brins verticaux sera obtenue par deux cercles en fil de fer fixés, l'un en haut, l'autre en bas ; ces cercles enroulés par un fil de fer de ligature assurent à l'ensemble une rigidité absolue.

Du papier englué (sulfurisé de préférence) sera fixé autour et au-dessus de la carcasse par un moyen quelconque, il sera englué au pinceau avec le produit suivant :

Dans les grands vignobles, placer un piège lumineux tous les 50 mètres, au sommet d'un piquet. L'éclairage se fera avec une ampoule de 75 watts.

Dans les petits vignobles, placer les pièges à 0^m,60 du sol, employer des ampoules de 40 watts.

Les vols ne se font pas par grand vent. Le piégeage est nul par ciel clair avec lune.

Quant aux lignes volantes pour la distribution du courant, la question est résolue depuis longtemps.

Cette méthode du papillonnage n'exclut pas les autres traitements.

Dans cet exposé, un peu décousu, nous avons essayé d'attirer l'attention du vigneron sur quelques questions d'actualité.

Quand paraîtront ces lignes, la plupart de ces traitements auront été faits. Néanmoins il faut penser à l'an prochain, et il n'est pas trop de plusieurs mois pour réfléchir.

V. ARNOULD,

Ingénieur agronome.

Le Chasseur Français N°641 Juillet 1950 Page 424