Cette étude nous a été demandée spécialement par un abonné
du Chasseur Français. Le cadre forcément restreint d'une causerie ne
nous permet pas de l'aborder au fond, et nous sommes obligé, à notre grand
regret, de nous borner à des renseignements généraux. Ce qui va suivre ne
concerne, au surplus, que les contributions directes.
Tout d'abord, il y a la prescription de l'assiette, ensuite
celle du recouvrement ; toutes deux profitent automatiquement aux
contribuables. Quant à la prescription concernant les réclamations, quoique
légale, elle peut, dans certains cas, subir quelques adoucissements. Pour cette
dernière partie, nous renvoyons nos lecteurs à un de nos prochains entretiens
traitant des réclamations tendant à obtenir des remises ou modérations d'impôts.
Aujourd'hui, nous nous bornerons à examiner rapidement les prescriptions
concernant l'assiette et le recouvrement, et pour les principales catégories de
taxes et impôts seulement.
1° Prescriptions concernant l'assiette des impôts
directs.
— Elles sont de deux sortes : 1° celles concernant
les taxes établies au profit des départements et des communes, et 2° celles
visant spécialement la taxe proportionnelle (anciens impôts cédulaires) et la
surtaxe progressive (ancien impôt général sur le revenu). Notons, en passant,
que, pour ces deux dernières catégories d'impôts, le décret de réforme fiscale
du 8 décembre 1949 a renvoyé aux articles correspondants du Code général
des impôts directs sans modifications spéciales.
Dans le premier cas nous avons :
a. La contribution foncière des propriétés bâties ;
tout propriétaire est admis à réclamer contre l'évaluation attribuée à son
immeuble dans les six mois suivant celui de la mise en recouvrement du premier
rôle et pendant trois mois suivant celui de la mise en recouvrement du rôle
suivant. En cas de perte durable de revenus pour causes exceptionnelles (4/5 au
moins), le délai est de trois mois suivant celui de la mise en recouvrement du
rôle de chaque année. Les insuffisances d'évaluation constatées après la révision
exceptionnelle et résultant du défaut ou de l'inexactitude des contribuables
peuvent être réparées à toute époque ; les rehaussements font l'objet de
rôles particuliers en attendant d'être incorporés dans le rôle principal. Ces
rehaussements sont calculés d'après les taux en vigueur pour l'année en cours,
mais ils sont multipliés par le nombre d'années écoulées, sans toutefois être
plus que quintuplés (voir articles 179, 179 bis, 180 et 180 bis
du Code général des impôts directs).
b. Contribution foncière des propriétés non bâties :
mêmes principes de réclamation contre les évaluations et mêmes délais. Les
changements de nature de culture n'ayant pas un caractère temporaire sont
constatés annuellement, soit d'office, soit sur déclarations des propriétaires
(articles 206 à 211 du Code général des impôts directs). En dehors des cas
visés à l'article 206, les réclamations ne sont recevables que si la propriété
cesse de faire partie de la matière imposable.
c. Contribution mobilière : les contribuables
peuvent réclamer contre leur omission au rôle dans un délai de trois mois
suivant celui de la mise en recouvrement du rôle ; dans le même délai, ils
peuvent contester les bases de l'imposition. La loi ne prévoit pas la faculté
pour l'administration de réparer les omissions ou insuffisances constatées par
voie de rôles supplémentaires. En ce qui concerne la taxe de compensation sur
les locaux insuffisamment occupés, des rôles supplémentaires peuvent être
établis jusqu'au 30 avril suivant celle de l'année d'imposition ;
cette disposition tend notamment à atteindre les contribuables qui se sont
abstenus de souscrire une déclaration ou qui ont souscrit une déclaration
inexacte.
d. Contributions des patentes : les omissions
totales ou partielles constatées dans les rôles de la contribution des patentes
peuvent être réparées par voie de rôles supplémentaires jusqu'au 30 avril
de l'année suivant celle de l'imposition. Les contribuables peuvent réclamer
dans les trois mois suivant celui de la mise en recouvrement du rôle.
Le deuxième cas ne vise que la taxe proportionnelle (anciens
impôts cédulaires) et la surtaxe progressive (ancien impôt général sur le
revenu). Comme nous l'avons indiqué précédemment, le décret de réforme fiscale
renvoie purement et simplement aux articles correspondants du Code général des
impôts directs.
Les omissions totales ou partielles, ainsi que les erreurs
commises dans l'application des tarifs, peuvent être réparées jusqu'à
l'expiration de la quatrième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition
est due. Lorsqu'une décision a prononcé la décharge de l'impôt, la
régularisation peut s'opérer jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la
décision qui a prononcé la décharge. En cas de décès, les impôts dus pour
lesdites années peuvent être mis en recouvrement jusqu'à la fin de la deuxième
année suivant celle de la déclaration de succession ou de la date du paiement
des droits de mutation par décès par les héritiers. Rappelons que toute
omission ou insuffisance d'imposition révélée par une instance devant les
tribunaux répressifs peut, sans préjudice du cas général de répétition, être
réparée jusqu'à l'expiration de l'année suivant celle de la décision qui a clos
cette instance. L'Administration, dans les mêmes délais et conditions, peut effectuer
toutes compensations entre les impôts cédulaires et l'impôt général sur le
revenu (actuellement taxe proportionnelle et surtaxe progressive).
En cas de déficit (impositions d'après le bénéfice réel)
subi par un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice
suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice
n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée,
l'excédent du déficit est reporté successivement sur les exercices suivants jusqu'au
cinquième exercice qui suit l'exercice déficitaire. En outre, les déficits en
cas de cession ou de cessation d'entreprise peuvent être déduits au § 2 du
n°5 de la déclaration concernant l'établissement de la surtaxe progressive du
même exercice.
2° Prescriptions concernant le recouvrement.
— La prescription s'établit de deux manières : 1°
à partir du jour où le rôle est mis en recouvrement ; 2° à partir du jour
où les poursuites, d'abord commencées contre le contribuable, ont été
suspendues. La prescription se compte par jours, et non par heures (article
2260 du Code civil) ; elle est acquise lorsque le dernier jour du terme
est accompli (article 2261 Code civil), le jour du point de départ n'étant pas
compris dans le calcul, alors que le jour du délai est compté dans le terme
sans qu'il y ait lieu de s'arrêter à ce que ce jour soit un jour férié. Les
frais suivent le principal, et le tiers responsable bénéficie de la
prescription, sauf répétition.
Depuis la loi du 12 juillet 1922 (article 2), les
percepteurs qui ont laissé passer quatre années, à compter du jour où les rôles
leur ont été remis, sans faire de poursuites contre un contribuable, ou qui,
après avoir commencé des poursuites, les ont abandonnées pendant quatre ans,
sont déchus de leurs droits contre les redevables. Passé ce délai, toutes
poursuites sont interdites. La prescription peut être interrompue par la
citation en justice, le commandement, la saisie, la reconnaissance de dette,
les offres réelles ; elle n'est pas suspendue par le décès, la faillite,
la liquidation judiciaire, l'indigence. Une étude complémentaire visant le
privilège du Trésor et les détails de la procédure nous entraînerait beaucoup
trop loin aujourd'hui, et cette partie fera l'objet d'une causerie spéciale.
Ernest-Bertin MARILLER.
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