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Plein été

Nous avons assisté cette saison à une véritable éclosion de tissus d'été, cotonnades, shantungs, alpagas de rayonne, tissus de nylon, unis ou imprimés, blancs ou de couleurs claires et vives, mais aussi plus faciles à porter et plus pratiques : noires, brunes ou bleues. Éclosion de tissus d'été, certes, mais donnant naissance à des modèles particulièrement bien conçus, puisque à manches courtes ou nulles, à corsages largement ouverts. Pas une robe, pas un ensemble qui ne comporte un corsage bain de soleil, peu de jupes qui ne cachent un short, un maillot ou un slip ! D'autre part, les manteaux, courts ou longs, sont ce que nous n'avions pas vu depuis longtemps ; de véritables manteaux d'été, sans cols, sans doublures, parfois sans manches aussi.

Le tailleur blanc connaît un succès renouvelé, tailleur lavable, classique dans la forme, mais non entoilé ; certains couturiers nous le présentent de deux façons, aussi élégantes l'une que l'autre d'ailleurs : tout blanc avec la jupe blanche ou jaquette blanche avec la jupe et les détails, gants et chapeau, noirs, ce qui fait vraiment deux toilettes absolument dissemblables. Bordé de ganse, ou orné au col et au revers de velours noir ou bleu, le tailleur blanc est très distingué, mais évidemment on ne peut plus envisager de le faire laver !

Par le truchement de poches rajoutées et assez importantes, de fausses basques, la robe prend souvent l'apparence d'un deux-pièces, et ceci plaît toujours aux femmes pour la ville ; pourtant, cette année, la robe chemisier a connu le grand succès : « C'est presque un uniforme ! » ai-je entendu dire autour de moi dans les collections, mais, il faut le reconnaître, un uniforme bien séduisant et fort alerte ; ces robes, entièrement ou en partie plissées, sont jeunes d'allure et, faciles à porter en toutes circonstances, le chapeau, les gants, les souliers, tous les détails qui les accompagnent, en changeant de genre, de couleurs, lui conférant des élégances très diverses.

Avec un corsage décolleté bain de soleil ou dos nu, sur lequel s'ajoute à volonté un court boléro, une grande berthe, une capette, voici de charmantes robes à danser, qui deviendront facilement robes de casino selon qu'on leur adjoindra une ou plusieurs tuniques facultatives en cotonnade fleurie, en tulle, en mousseline ou en organdi copieusement froncé ou plissé soleil.

Tous ces tissus d'été sont à ce point réussis et en vogue que toutes les modistes les ont adoptés pour, tendus, en faire capelines et canotiers ; ils ont deux concurrents sérieux, la paille d'Italie et le crin, qui fait des chapeaux transparents et si légers qu'aucune femme n'aura d'excuse si elle sort tête nue, fût-ce durant la canicule !

Que les messieurs ne se croient pas négligés par nos fabricants de tissus ; la laine étant la seule matière qui leur convienne, gardant en toutes circonstances la correction, la netteté désirables pour un vêtement d'homme, ils ont tissé cette saison pour les tailleurs des lainages « poids plume » : mousseline de laine, popeline, toile de laine d'une telle perfection qu'ils ont pu les employer sans les doubler ; ces lainages sont de couleurs agréables, que dominent les bleu pétrole et ardoise, les marron clair, les gris et tous les prince de Galles ; les vestons sont de coupe ample et non croisés, sans exagération aucune, d'un goût et d'une mesure dignes d'éloges ; en même temps, les chapeliers concevaient pour eux des chapeaux souples d'un feutre fort léger pour la ville, de toile piquée pour la campagne, de nylon pour la mer.

L'élégance vraie ne se conçoit pas plus pour un homme que pour une femme sans chapeau et sans gants.

G.-P. DE ROUVILLE.

Le Chasseur Français N°641 Juillet 1950 Page 435