Le terme d'apoplexie, qui implique l'idée d'une attaque,
d'une chute soudaine, est employé comme synonyme de celui d'hémorragie
cérébrale qui en est la cause.
L'apoplexie est un état morbide caractérisé par l'abolition subite
des fonctions cérébrales : perte de connaissance du sentiment et du
mouvement volontaire, avec conservation de la circulation et de la respiration.
Quelquefois l'attaque est précédée par des signes
prémonitoires : céphalalgie, vertiges, troubles de parole, éblouissements,
tintements d'oreilles, fourmillements à la main ou au pied. Le plus souvent, le
malade tombe comme assommé ; même s'il est averti par un vertige, il
cherche vainement à éviter la chute.
La perte de connaissance peut être absolument complète
d'emblée ; parfois le malade réagit encore au pincement, à
l'interpellation à voix haute ; il ébauche un mouvement des membres, une
contraction de la face ; il essaye d'ouvrir la bouche, de tirer la langue,
d'émettre des sons généralement inarticulés.
Les membres sont paralysés d'un côté (hémiplégie), du côté
opposé à celui du siège de la lésion.
À la face, on dit que le malade « fume la pipe » ;
les traits sont déviés vers le côté sain, les paupières à demi closes ; la
bouche, entr'ouverte, laisse écouler la salive.
Il y a parfois des contractures précoces ; celle du cou
fait tourner la tête et s'oppose à un redressement.
Les réflexes cutanés, rotuliens ou plantaires sont abolis.
Il peut y avoir rétention d'urines nécessitant un sondage ou, au contraire, une
incontinence, et même une incontinence de matières ; les vomissements sont
rares.
L'aphasie est la perte ou la perversion de la faculté
d'exprimer sa pensée ; certains malades arrivent quelquefois à pouvoir
écrire les mots qu'ils ne peuvent pas prononcer.
On ne confondra pas une apoplexie avec une syncope, où la
circulation et la respiration présentent des troubles pouvant aller jusqu'à la
suppression définitive. Pas davantage on ne fera d'erreur avec un état de
démence, de surdité, avec une somnolence hystérique, un coup de chaleur ou de
froid.
On a discuté sur le diagnostic avec une attaque due au
ramollissement, affection rare avant quarante ans, due souvent aux mêmes causes
que l'hémorragie, soit à un athérome artériel ou à une maladie du cœur ;
les symptômes seraient moins brusques, parfois précédés de prodromes ; l'abaissement
de la température serait plus prononcé dès le début et l'hémiplégie peut
manquer. Mêmes incertitudes pour le diagnostic d'une hémorragie du cervelet,
qui s'accompagne de douleur occipitale, de raideur de la nuque, de troubles
oculaires avec absence de troubles intellectuels. On n'invoque plus la
congestion ou l'anémie cérébrales, les symptômes qu'on leur attribuait étant
ceux de l'hémorragie cérébrale.
Le terme de commotion cérébrale mérite d'être
conservé ; il implique une contusion du cerveau par une chute autre que
sur le crâne ou une compression par une hémorragie extra-méningée.
Le diagnostic avec les comas non apoplectiques est
plus important.
Le terme de coma désigne un état sensiblement le même
que celui de l'apoplexie, avec cette seule différence qu'il manque la
soudaineté des accidents. La température est souvent abaissée (jusqu'à 35°) au
début ; les accidents sont rarement foudroyants et nombre de comas peuvent
guérir. Ils peuvent être dus à l'urémie, au diabète, dont on recherchera les
symptômes ; ils peuvent aussi être dus à certaines intoxications, comme
l'ivresse, comme l'intoxication par l'opium, la belladone.
On sait que la lésion siège du côté opposé à celui de
l'hémiplégie ; des diagnostics de localisation sont bien souvent des
diagnostics de probabilité. Broca avait affirmé que l'aphasie était due à une
lésion du pied de la troisième circonvolution ascendante de l'hémisphère droit.
Comme cause de l'apoplexie on a invoqué les émotions violentes,
les efforts musculaires ; la seule condition réside dans l'état des parois
artérielles permettant leur rupture, et la nature de cette artérite n'a rien de
mystérieux.
Le pronostic est rarement immédiatement fatal ; on
considère comme fâcheux une élévation de température au-dessus de 40° et une
prolongation de l'état de coma dépassant quarante-huit heures.
Le traitement est, avant tout, simplement hygiénique ; le
malade sera maintenu dans une pièce bien aérée et il faut ne pas manquer de
surveiller ou même de prévoir ses besoins ; les purgatifs (calomel, huile
de ricin ou lavement purgatif) sont souvent indiqués ; les émissions
sanguines (saignée, ventouses scarifiées, sangsues) sont abandonnées, la vessie
de glace ou des compresses froides à la tête n'ont guère d'effet ; on peut
dire à peu près la même chose des essais de stimulation cérébrale (acétate
d'ammoniaque, injections d'éther, d'huile camphrée) ; la révulsion cutanée
est plus recommandable, sous surveillance (sinapismes, cataplasmes sinapisés ;
le vésicatoire est abandonné).
Une infirmière expérimentée ne manque jamais de surveiller
la propreté du malade et inspectera surtout le siège, sur lequel le malade
repose constamment ; la moindre escarre de cette région est d'un très
fâcheux pronostic.
Il faut également laisser le malade au repos, au calme et au
silence, n'oubliant jamais que ce malade en apparence tout à fait inconscient
entend souvent fort bien ce qui se dit autour de son lit et souffre de ne pas
pouvoir exprimer sa pensée.
On ne doit pas oublier qu'avec des soins constants,
attentifs et — si possible — affectueux, on peut espérer voir revenir
le malade à une existence voisine de la normale.
Dr A. GOTTSCHALK.
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