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Le blason

Le blason tire son origine de l'écu armorié des chevaliers, aussi sa forme varie-t-elle selon les pays d'origine en fonction des coutumes, de l'armement, de la tactique et selon la tradition de combattre à pied ou à cheval.

Les formes essentiellement militaires remontent au XIIe siècle avec le bouclier en forme d'amande qui s'est conservé longtemps en Italie, avec en plus celui en ovale, inspiré de Byzance. Au XIIIe siècle, il est triangulaire et donne le type de France avec des variantes en forme de triangle tronqué. Au XIVe siècle il est plus large avec la pointe arrondie dans les pays du Midi. C'est ainsi qu'il se maintient en Espagne et, par les Pays-Bas, gagne l'Allemagne et la Suisse. L'Angleterre y ajoute en haut deux cornes latérales triangulaires. L'Espagne adopta simultanément un écu rond venant de la tradition arabe. En Allemagne, la faveur des joutes et tournois fit longtemps conserver une échancrure latérale symbolisant le passage de la lance.

Quand, au XVe siècle, l'armure tombe en désuétude, l'écu d'origine militaire cède la place à l'écu décoratif et purement héraldique. On voit des formes nouvelles, comme la forme carrée, voulant rappeler la bannière des chevaliers, ou celle en losange pour les femmes qui ne pouvaient logiquement user d'une tradition uniquement militaire. On assiste aussi à des figurations en perspective et en oblique, bien qu'elles soient rares.

Les couleurs de l'écu dérivent de son origine. En métal, le fer devient gris, l'argent blanc et l'or jaune dans les figurations. On voit aussi des écus revêtus d'émaux : bleu ou azur, rouge ou de gueules, vert ou de sinople, chair ou de carnation. Les fourrures sur cadre de bois passent dans l'usage sous le nom de pannes : la zibeline est figurée en noir uni, l'écureuil en vair ou clochettes bleues alternées de blanches inversées ; l'hermine en fond blanc avec des taches noires. Toutes ces pannes peuvent être inversées et donnent : contre-vair, contre-hermine, etc.

Pour la figuration sur papier, on use de stylistique : l'argent est nu, l'or pointillé, l'azur en lignages horizontaux, le sable en croisillons, le sinople en diagonales. Mais une grande règle subsiste : jamais on ne doit faire figurer métal sur métal, émail sur émail, fourrure sur fourrure, sauf cas extrêmement impérieux et donc rarissimes.

Neuf positions existent dans l'écu, et elles résultent d'un double tracé de trois traits Verticaux et horizontaux constituant un quadrillage à neuf cases. L'écu est toujours considéré comme porté par un chevalier, et il en résulte une inversion des côtés, exactement comme lorsque l'on regarde dans une glace. Le haut est dit chef ; le bas, pointe ; le milieu, cœur ; les droite et gauche, dextre et sénestre.

Il faut distinguer des positions, les partitions, qui sont supposées des bandes venant s'appuyer sur l'écu, alors que les premières sont des lignes déterminant des espaces. Ce sont des surfaces. Ces bandes prennent des noms spéciaux selon leurs emplacements, et on les désigne toujours par un simple adjectif. Si la totalité de l'écu est recouverte, on dit qu'il est plain, ce qui est rarissime. La bande verticale est partie dans l'écu. Si elle est horizontale, l'écu devient « coupé » ; en diagonale, il est « taillé » depuis sénestre en chef, ou inversement « tranché ». Deux bandes verticale et horizontale se coupant le font « écartelé » et, si elles sont diagonales, le rendent « gironné ». Mais il existe une foule d'autres dispositions : palé, burelé, coticé, bandé, tiercé, etc.

Sur cet ensemble, viennent figurer des charges de divers ordres. Ce sont d'abord les pièces honorables ; on les désigne toujours, à l'inverse des précédentes, par un substantif. On a en chef, en haut et bas ; en flanc, sur les côtés ; en pal, au milieu ; en sautoir pour deux diagonales ; le chevron, le pairle en forme d'Y, en losange, etc., etc.

Ces pièces honorables peuvent se voir modifiées par déplacement, nombre ou dimensions.

Mais il existe aussi des pièces de second rang, ou meubles, ce sont des annelets, des anneaux, des croix, des billettes, etc. Elles peuvent être sans nombre ou semées, telles les étoiles multiples sur un fond uniforme, ou en nombre, c'est-à-dire facilement dénombrables et généralement de deux à cinq.

Les écus peuvent aussi être ornés de figures, et celles-ci sont des représentations stylisées de corps humains en entier ou en partie, des animaux (chiens, lions, tigres, oiseaux, reptiles), des êtres mythiques (licorne, harpie, sphynx, centaure), des fleurs (rose, lys), des astres (lune, soleil, terre), des éléments (feu, eau, ciel), des bâtisses (chapelle, fortifications, tours), des armes (arcs, tromblon, arquebuse), des choses les plus diverses (bateaux, ancres, cor, harpe, chaîne, outils), etc., etc.

L'écusson, objet de reconnaissance, appartenait en propre au chef de famille ou parfois était porté par des sujets, en signe d'allégeance ou d'hommage. Les héritiers devaient, du vivant du titulaire, mentionner sur leur écu qu'il y avait simple appartenance et non possession d'armoiries. Cela se faisait au moyen d'une pièce dite brisure. Elle disparaissait quand l'aîné devenait titulaire, mais subsistait toujours chez les enfants puînés. De même, les bâtards portaient une barre.

À côté de ces ornements internes de l'écu, il y en avait d'externes.

D'abord, le timbre, qui est une coiffure, un casque, une mitre, un chapeau surmontant l'écu, ou un casque fermé pour le nouvel anobli.

Ce casque indique le titre de noblesse de l'intéressé. Rois et empereurs ont un casque d'or ouvert avec une grille à onze barres, tandis que les princes du sang l'ont à demi ouvert. Les princes non souverains n'ont que neuf barreaux, les marquis sept. Les comtes ont un casque de trois quarts avec également sept grilles, celui des bâtards est de profil et tourné vers la gauche. La couronne, depuis le XIVe siècle, entoure le heaume. Celle impériale est fermée et surmontée d'une croix. Celle royale fut d'abord ouverte, puis fermée au XVe siècle et bouclée d'une fleur de lys. Les unes ont cinq feuilles d'ache, et les marquis trois, alternant avec des fleurons de perles tréflées, les comtes neuf perles, les barons un tortil sur un cercle.

Les magistrats mettaient un mortier; les Grands Électeurs en Allemagne et le Doge à Venise un chapeau ; les ecclésiastiques une tiare, une mitre et un chapeau, depuis qu'en 1245 le pape Innocent IV l'attribua aux cardinaux.

Il y a encore les insignes de dignités : un connétable, deux épées potencées, un maréchal, deux bâtons, un amiral, deux ancres. Les hauts dignitaires de décorations faisaient figurer également celles-ci : Saint-Esprit, Saint-Louis, Toison d'Or, etc.

Parfois on figure l'écu soutenu par des figures : si elles sont humaines, ce sont des tenants ; avec des animaux, des supports ; et des choses, des soutiens.

Enfin, sur des banderoles ou phylactères, on plaçait : en tête, les cris et, en bas, les devises.

Tout cela était très beau, et il est fort heureux de voir qu'en 1950, par l'effet d'une mode, on revoit la confection des blasons subir un renouveau. Il faut rappeler que c'est là un fait licite et libre, mais il faut aussi souhaiter que ces réalisations modernes sachent conserver les vieilles traditions de la Grande France.

Janine CACCIAGUERRA.

Le Chasseur Français N°641 Juillet 1950 Page 441