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Les mystères de la voûte céleste

Le bleu du ciel

L'habitude est une seconde nature ... et nous lui devons maintes ignorances, faute de savoir lever la tête vers les splendeurs célestes. Passe encore pour le Parisien, passant sa vie dans un bureau ou dans le métro, qui fait de lui le troglodyte des temps modernes, mais il y a tout le reste du pays.

Combien de gens se demandent pourquoi le ciel est bleu ? D'où provient cette magnifique coloration, que l'on retrouve sous toutes les latitudes et longitudes ? Elle va, selon les saisons et les heures, de l'azur sombre au bleu pâle le plus lumineux.

Le tout est qu'elle est permanente et comme elle disparaît avec le soleil, quand arrive la nuit, il faut en conclure qu'elle est un don gratuit de l'astre du jour.

Il ne suffit pas de constater un fait et dire que le ciel est bleu parce que telle est la couleur de l'atmosphère. Ce serait du reste une grossière erreur : l'air constitutif de l'atmosphère est incolore et la lumière solaire est blanche ...

Blanche ou obscure, du reste, car les savants sont gens aimant parfois le changement, et la toute dernière hypothèse suppose que le soleil est un globe obscur, un corps noir, mais émanant cependant des radiations multiples qui deviendraient lumineuses au contact des particules moléculaires de l'atmosphère.

Cette théorie provient de la célèbre ascension du professeur Piccard, dans la stratosphère, le 18 août 1932. Il constata, en effet, que plus sa nacelle gagnait en altitude, plus le disque solaire prenait un aspect livide, jusqu'à paraître violet extrêmement foncé.

À tout prendre, scientifiquement, cela ne change rien. La couleur noire — si l'on peut alors parler de couleur — est justement fournie par l'absence de colorations, et la couleur blanche, à son inverse, est provoquée par le mélange des trois couleurs de base : rouge, bleu et jaune, et des trois couleurs complémentaires : vert, orangé, violet. L'indigo n'est qu'une nuance du violet.

On ne sait pas grand' chose des hautes couches de l'atmosphère. Le premier ballon sonde fut lancé en 1897 par Hermitte et Besançon et atteignit 16 kilomètres. Depuis on est monté à 30 et 32 kilomètres avec des appareils enregistreurs ou prélevant des échantillons d'air. Il est vrai que les Américains, tout dernièrement, avec des fusées V2 équipées pour la recherche scientifique, ont atteint plus de 120 kilomètres d'altitude. Mais la vitesse d'avancement comme l'absence de moment de stabilisation en font des engins aucunement propres aux sondages atmosphériques.

Dans l'état actuel de la science, on sait trois choses. D'abord, jusqu'à 11.000 mètres, on se trouve dans la troposphère, où les vents effectuent un brassage permanent de l'air dont la composition reste constante, identique à celle de la surface du sol, hormis la pression, bien entendu. Ensuite la température décroît de 6° par kilomètre pour se stabiliser entre -50° et -60° à une hauteur de 11 kilomètres. Un fait digne de remarque est à noter : la température baisse moins à la verticale des pôles, comme s'il y avait une influence de la distance moindre du centre de la terre, puisque le globe n'est pas rond. Enfin, au-dessus de 11.000 mètres, on est dans la stratosphère, qui tire son nom du fait que l'on a longtemps pensé que les couches d'air étaient stratifiées, ne se mélangeant pas, par suite de l'absence de vents, surtout verticaux.

Quant à la limite supérieure de cette atmosphère, on ne sait presque rien. Les étoiles filantes s'enflamment par friction de leurs surfaces extérieures avec l'air, et les calculs d'altitudes indiquent de 150 à 80 kilomètres. On peut donc affirmer la présence d'un air assez dense.

Mais les aurores boréales, si elles sont observées aux mêmes altitudes, sont aussi mentionnées jusqu'à 500, 600 et 700 kilomètres. Leur présence implique encore l'existence d'une atmosphère assez conséquente pour pouvoir être ionisée.

On suppose que l'atmosphère doit atteindre un millier de kilomètres, en contenant les mêmes gaz que ceux qui donnent la vie aux humains, aux animaux et aux plantes.

Ceci est très important, car cette fameuse couleur bleue du ciel n'est rien d'autre qu'un effet de l'air en couches épaisses, en présence du soleil.

Mais l'air ne crée pas la couleur, pas plus que la lumière ; il se contente de la diffuser.

Cette lumière, comme le son ou l'électricité, est formée d'ondes se propageant dans une direction rectiligne par vibrations. C'est dans le vide que cette propagation est la plus simple et la plus aisée. Dès qu'il y a des grains de matière — et l'air est formé de grains, molécules et atomes d'oxygène, azote, hydrogène etc., etc. — il n'en est plus de même.

Tout corps interposé sur le trajet d'un rayon lumineux diffuse une partie du rayonnement, et ce phénomène est d'autant plus intense que le corps est volumineux. S'il est infiniment petit, le phénomène existe cependant et l'on revient au même point si ces corpuscules très petits se trouvent aussi être très nombreux.

Cependant il y a une différence, et ici elle est très importante, la lumière étant formée d'un mélange de diverses ondes dont la longueur est fonction des couleurs. Les plus courtes sont les violettes, et les plus longues les rouges. Or, avec des molécules d'air extrêmement petites, il est évident que les grandes ondes passeront plus facilement à côté, sans les toucher, que les courtes.

Les molécules constitutives de l'air diffuseront donc — chacune individuellement — beaucoup plus de radiations de la gamme chromatique vers le violet que vers le rouge. Or la diffusion est proportionnelle à la quatrième grandeur ou puissance de la longueur d'onde. Comme elle diminue du rouge au violet dans une proportion de moitié, on aura une diffusion seize fois plus grande en bleu violet.

C'est toute l'explication de la couleur bleue du ciel. La contre-épreuve se vérifie chaque soir, quand le soleil baisse vers l'horizon et que ses rayons reçus en oblique ont le double-environ d'épaisseur d'air à traverser ; son disque paraît alors rouge. Il en est du reste de même au matin, mais la nuance est différente, car l'air de la nuit n'est pas vicié par les suies et poussières comme durant le jour, et la fraîcheur nocturne accroît en même temps les précipitations solides.

Et c'est ainsi que l'astre roi nous offre son éclatante et rayonnante splendeur sous un dôme d'azur.

Louis ANDRIEU.

Le Chasseur Français N°641 Juillet 1950 Page 442