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L'aquarium d'appartement

Un méconnu : le "Chaperi"

Les aquariophiles de chez nous donnent l'impression qu'ils mésestiment, ou même qu'ils oublient, dans leur choix, l'un des poissons les plus intéressants : Epiplatys chaperi, appelé encore la plupart du temps sous son ancienne désignation : Panchax chaperi.

C'est un Cyprinodontidé originaire de l'ouest de l'Afrique, commun en Sierra Leone jusqu'à la Côte de l'Or. Il est ovipare.

Ce petit poisson, placide et richement coloré, était très répandu chez les aquariophiles il y a une vingtaine d'années. Depuis lors, il semble qu'il ait été oublié ... Il mérite pourtant d'avoir sa place chez chaque amateur, soit en aquarium mixte, soit tenu à part, par couple, en vue de sa reproduction.

Le Chaperi se contente d'un aquarium de quelques litres seulement, car le mâle n'excède pas 5 centimètres de long. Sa coloration est très vive, surtout au moment de la ponte : la teinte générale va du vert foncé sur le dos au marron clair sur le ventre. Le corps est barré de cinq bandes verticales, noires et nettes, qui tranchent agréablement. Les nageoires simples sont de même bordées de noir, et la queue, très large, forme une pointe élégante à sa partie inférieure. Les pectorales, toujours en mouvement, sont d'un jaune vif. Les lèvres sont noires et toute la gorge est rouge minium. Un point bleu brillant se trouve derrière l'opercule. Quelques points noirs peuvent moucheter de-ci de-là les nageoires simples.

La femelle est beaucoup plus terne. Ses nageoires sont moins longues et incolores. Le corps est barré verticalement de six bandes — au lieu de cinq chez le mâle — assez peu apparentes en temps normal. La tache rouge de la gorge manque. Il est ainsi fort facile de distinguer les deux sexes.

Ces poissons sont résistants et préfèrent l'eau vieille et claire, légèrement acide. La végétation de surface leur plaît, car ce sont des poissons de surface et d'affût. Toutes les nourritures vivantes, de taille appropriée, leur sont bonnes. Leur appétit est grand.

Il est essentiel de couvrir leur aquarium d'une plaque de verre, car ce sont des sauteurs émérites. La température de leur eau peut descendre jusqu'à 20° C. sans qu'ils se trouvent incommodés en rien et sans perdre leurs belles couleurs.

Si l'on désire observer la reproduction, je conseillerais de tenir un couple séparément, dans un petit aquarium de quelques litres, encombré de végétation de surface et de racines flottantes : dans ce but, les .plantes suivantes sont à recommander : Lemna trisulca, Riccia fluitans, ou quelques brins de l'une des espèces de Myriophyllum. Nourrir confortablement et porter progressivement la température jusqu'à 28° C. dès que l'on voit la femelle grossir.

La ponte est facile à observer.

Les jeux sont très caractéristiques et préludent par une poursuite assidue, mais sans méchanceté. Puis, les deux poissons, côte à côte, explorent ensemble toute la végétation de surface, semblant rechercher des endroits favorables au dépôt des œufs. À un moment donné, ils s'arrêtent et se cambrent ensemble pour se redresser en même temps : à chaque fois, un œuf est expulsé et fécondé, qui adhère aux plantes par les fines expansions dont il est pourvu.

Ce manège se répète alors continuellement. La ponte dure ainsi plusieurs heures ; si bien qu'un examen attentif montre des œufs très nombreux constellant partout les plantes ou les racines flottantes. Ces œufs fixés sont relativement gros et légèrement ambrés. Le développement de l'embryon peut être suivi, par transparence, en s'aidant d'une forte loupe. Il convient de protéger les œufs des rayons du soleil, comme chez la plupart des poissons de ce même groupe.

Il n'est même pas utile d'enlever aussitôt les reproducteurs de l'aquarium, car ceux-ci ne s'attaquent pas aux œufs, habitués qu'ils sont à ne saisir que des proies vivantes. Mais, précisément pour cette raison, il faudra éloigner les parents avant le début des éclosions, si l'on ne veut pas voir diminuer de jour en jour la troupe des nouveau-nés. C'est alors qu'il est bon de surveiller le développement de l'embryon dans l'œuf ! L'éclosion, à une température de 26° C., demande en moyenne six jours, mais certains œufs peuvent éclore avant ce délai ou après.

Lors de la naissance les jeunes Chaperi sont peu actifs, transparents et se tiennent en surface, attentifs à se dissimuler d'un danger possible et prêts à saisir les minuscules proies qu'ils guettent. Ils doivent être nourris avec des infusoires. Leur croissance est très rapide, lorsqu'ils sont soignés comme il convient, et, en quelques mois, l'amateur peut obtenir, sans difficulté, de très beaux mâles, aussi brillants que leur ascendant.

Le Chaperi a toutes les qualités. Ce poisson, à mes yeux, mérite bien la faveur des aquariophiles avertis.

J. GARNAUD.

Le Chasseur Français N°641 Juillet 1950 Page 443