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A propos de l'"aggravée".

Nous ne nous proposons pas d'apporter de renseignements ni d'enseignements nouveaux au sujet de cette maladie, particulièrement fréquente chez les chiens de chasse, dont les propriétaires savent généralement de quoi il s'agit et ce qu'il faut faire pour y remédier. Mais une trouvaille imprévue, parmi de vieux « bouquins », datant de 1793, d'instructions vétérinaires la concernant, nous pensons que tous les amis des chiens prendront connaissance des quelques extraits ci-dessous avec curiosité, sinon avec intérêt.

Causes et symptômes.

— « Un chien aggravé est celui dont les pieds sont fatigués par une marche longue pendant les chaleurs et une grande sécheresse ; par des chasses dans des terrains sablonneux, pierreux, échauffés, etc., ou pendant la neige et les glaces, qui sont devenus douloureux, raides, très chauds, engorgés, rouges, enflammés, crevassés, dont les soles sont usées, amincies, saignantes, etc.

Cette maladie peut être comparée aux « cloques » qui, chez l'homme, se forment sous la plante des pieds après une marche pénible ; elle a aussi beaucoup de ressemblance avec la fourbure des chevaux, et elle produit les mêmes effets. Les suites n'en sont cependant jamais aussi dangereuses pour le chien que la fourbure pour le cheval ; mais elles ne le mettent pas moins hors d'état de marcher pendant plus ou moins longtemps, si le mal est considérable (sic) ou si on ne se hâte d'y remédier. »

Traitement.

— Lorsque ce mal est léger, la nature a pourvu le chien d'un baume efficace pour le faire disparaître promptement ; il reste-constamment couché, il lèche continuellement ses pattes, l'inflammation et la douleur diminuent, les crevasses se dessèchent, et l'animal est bientôt guéri. Mais si les accidents sont plus considérables, si la chaleur, la douleur, l'engorgement et la tension sont excessifs, il faut avoir recours à des remèdes plus actifs, qui varient selon les auteurs qui les ont prescrits, mais les uns et les autres sont toujours tirés de la classe des « tempérants », des « discussifs » (?), des restrictifs et des résolutifs ...

Prenez douze jaunes d'œufs, délayez-les dans quatre onces (20 grammes) de jus ou de décoction de piloselle ou oreille de rat (Hieracium pilosella), ou dans la même quantité de jus ou de décoction de pommes de grenade dans le vinaigre, ou enfin dans du vinaigre ordinaire ; vous y ajouterez quelques pincées de suie de cheminée en poudre très fine ; vous mêlerez bien cette espèce de liniment, vous en frotterez les pieds du chien, vous en imbiberez les linges avec lesquels vous les envelopperez ; il ne tardera pas à être guéri.

Du Fouilloux a prescrit ce remède il y a plus de deux siècles, et il a été copié par tous ceux qui l'ont suivi sans être cité par aucun (La Vénerie, Poitiers, 1561, in-folio, p. 197).

M. Le Verrier de la Conterie, après avoir copié Du Fouilloux, prescrit encore le suivant : prenez de l'huile de tartre (dissolution de potasse dans l'eau jusqu'à saturation, pouvant être remplacée par une très forte lessive de cendres) et appliquez, en dessus et dessous les pieds, particulièrement autour des doigts et autour des ongles ; le lendemain, l'animal est guéri. Il ajoute que, pour empêcher le chien d'arracher avec les dents les linges avec lesquels on aura enveloppé les pieds aggravés, il suffit de les imbiber entièrement d'huile de tartre et qu'il n'y touchera point (Vénerie normande, ou L'École de la Chasse aux chiens courants, Rouen, 1778).

M. Goury de Champgrand en indique aussi un autre : pilez un oignon blanc dans un mortier avec une poignée de sel de cuisine et autant de suie ; exprimez-en le jus sur les crevasses, après les avoir lavées avec du vin tiède qui, le plus souvent, peut suffire (Traité de Vénerie et de Chasse, Paris, 1769, 1re partie, p. 23).

MM. Desgraviers substituent les blancs d'œufs aux jaunes et rejettent l'emploi de ces derniers ; ils mettent le mélange dans un pot, dans lequel ils font tremper les pattes du chien (Essai de Vénerie, Le Parfait Chasseur, Paris, 1810).

Plusieurs piqueurs et valets de chiens font fondre 60 grammes de sel ammoniac dans un litre d'eau, et ils y ajoutent un quart de litre d'eau-de-vie ou de vinaigre ; ils bassinent souvent les parties malades avec cette liqueur active, dont la première application est très douloureuse, mais dont l'effet est très prompt. Enfin, quelques propriétaires emploient les lotions fréquentes d'eau de Rabel étendue dans plus ou moins d'eau ; dans tous les cas il est nécessaire de mettre une muserolle aux chiens malades non seulement pour qu'ils n'arrachent point les linges dont on leur enveloppe quelquefois les pattes, mais encore pour qu'ils ne lèchent point les liqueurs avec lesquelles on les bassine.

Il faut rejeter tous les corps gras et caustiques, recommandés par quelques auteurs tel que l'huile de vers (?), de laurier, le baume vert (?), etc., ces substances, qui ne font presque jamais de bien, peuvent souvent faire beaucoup de mal.

Pendant le traitement, le chien doit être tenu à la diète ; on lui donnera du petit lait, du lait de beurre, ou du lait coupé de moitié d'eau à discrétion, pour toute nourriture pendant quelques jours ; si la fièvre est accompagnée de constipation, on lui fera prendre des lavements émollients.

Il ne faut pas se hâter de faire chasser les chiens, de crainte d'une récidive qui rendrait la guérison plus longue et plus difficile ; il faut au moins une quinzaine de jours avant que le chien soit en état de courir (Traité de Vénerie, par M. d'Yauville, Paris, Imprimerie Royale, 1788, p.  264).

... Autres temps, autres médicaments, autres façons de voir les choses. En notre temps de sulfamides et d'antibiotiques, de vitamines et d'hormones, de vaccins et de sérums, etc., nous ne doutons pas que les prescriptions ci-dessus vont être jugées rétrogrades, empiriques, et sans intérêt pratique, mais nous pensons, pour notre part, que, si elles renferment du meilleur (causes et symptômes) et du pire (médication), elles méritent d'être jugées avec plus d'indulgence, en pensant que c'est seulement en 1762 que Bourgelat fonda, presque entièrement à ses frais, la première école vétérinaire où il n'était pas question de former des « docteurs » qui, depuis, soignent l'aggravée ... chacun à sa manière !

J.-H. BERNARD.

Le Chasseur Français N°642 Août 1950 Page 468