La vogue du camping s'affirme d'année en année. C'est devenu
la façon la plus populaire de prendre ses vacances ; les raisons en sont
multiples ; l'essentielle est qu'auprès de sa tente on vit et on se
divertit économiquement au grand air. À l'origine, les campeurs étaient des
voyageurs plantant chaque soir leur maison en pleine nature et reprenant le
lendemain leur route vagabonde. De ces « itinérants », il en reste,
certes ; ce sont les purs, les amoureux de la marche, de la
débrouillardise et de l'aventure ; mais ils sont de plus en plus dépassés
en nombre par les campeurs sédentaires, les hôtes des camps organisés et des
villages de toile.
Cette évolution est favorisée, accélérée, par la
réglementation administrative du camping, qui devient de plus en plus
restrictive. Les porteurs de sac à dos sont parqués en des terrains aménagés et
obligatoires où ils retrouvent les contraintes « concentrationnaires »
qu'ils prétendaient fuir. Prendre ainsi ses vacances sur place, en montagne ou
au bord de la mer, c'est encore utile et agréable, mais ne peut procurer les
avantages physiques et moraux du camping itinérant. À vrai dire, bien des « vacanciers »
ne trouvent aucun plaisir à arpenter les routes avec au dos un sac pesant 15 à
20 kilos. Ils recourent à l'auto-stop pour atteindre quelque camp fixe dans
lequel ils s'installent pour un doux farniente d'une ou deux semaines. Mais
c'est grand tort de passer aussi paresseusement ses loisirs. Il est certain
néanmoins que la charge à porter devient pénible et encombrante quand elle réunit
tout ce qui est nécessaire pour voyager à l’aventure. C'est exploit d'athlète
que de venir à bout d'étapes quotidiennes d'une longueur suffisante pour voir
assez de pays. Et c'est bien pourquoi le vrai camping connaît moins de succès
que le séjour en villages artificiels.
Le cyclo-camping parait donc la meilleure solution au
problème des vacances touristiques. Il est assez pratiqué, mais pas autant
qu'il se devrait. Trop de gens méconnaissent encore l'avantage du cyclisme sur
la marche à pied, avantage qui s'accentue quand il s'agit de transporter une
charge par routes et chemins. La roue est précisément une des belles inventions
de l'homme, parce qu'elle lui a permis de transporter à bien moindre fatigue que
dans ses bras ou sur son dos. Et depuis que les routes sont devenues très
roulantes, il est devenu beaucoup plus normal, voire plus naturel, de les
parcourir à bicyclette qu'à pied.
Un matériel de camping, réparti sur la machine ou placé dans
une remorque, se transporte sans grande peine sur 50 à 100 kilomètres, ce qui
permet d'accomplir de bien beaux voyages. Cependant, à considérer le nombre des
cyclistes, la proportion de ceux qui pratiquent le camping reste infime ; le
nombre des porteurs de sac est bien plus considérable.
C'est sans doute que les cyclistes randonneurs tiennent pour
indiscutable l'axiome : Le poids, c'est l'ennemi. S'ils consentent
à emporter en voyage quatre à six kilos de vêtements de rechange, les 20 kilos
nécessaires au camping intégral leur paraissent transformer le cyclisme en « hard
labour » ; cela gâte le plaisir qu'ils ont à rouler.
Pour les faire revenir de cette prévention, il faudrait leur
établir un matériel spécial, adapté à la façon dont ils le transportent et en
usent. Tout d'abord, simplifier et alléger la tente, comme la bicyclette permet
de le faire. Celle-ci peut, en effet, servir de support à la toile, supprimant
les mâts. Maintenue debout sur le sol par sa béquille (un accessoire qui, comme
l'a dit H. de La Tombelle, devrait être d'usage courant) ou retournée roues en
l'air, guidon et selle au sol, elle serait à recouvrir par une toile coupée et
cousue de façon idoine, dont l'un des pans tomberait verticalement tout le long
de la machine, dont l'autre, dirigé obliquement, se fixerait à terre à deux
mètres environ de la bicyclette. On n'aurait ainsi qu'une petite tente
triangulaire, assez basse, montée seulement pour passer la nuit. Elle
abriterait la bicyclette elle-même, et le cycliste aurait un grand soulagement
à dormir au long d'elle, au lieu de la laisser dehors, comme les tentes
actuelles y obligent. Ainsi, poids très réduit de la tente et plus grande
sécurité pour la bicyclette.
Bien des cyclo-campeurs se contenteraient de ce matériel de
couchage ; car on peut maintenant se nourrir assez facilement à l'auberge,
tandis que le problème du toit et du lit pour la nuit devient de plus en plus
ardu à résoudre en période de vacances.
Enfin « le tourisme en étoile », plus facile à
pratiquer à bicyclette qu'avec tout autre mode de locomotion, permet au cyclo-campeur
de se libérer souvent de son bagage. Cette façon de voyager consiste à
s'établir pour quelques jours successivement dans divers centres de tourisme,
puis à faire chaque jour une excursion qui ramène le soir au centre. On peut
donc partir, chaque matin, sans autre bagage que celui qu'on emporte en sortie
dominicale ; on retrouve pour coucher la tente qu'on a dressée en quelque
camp organisé, une auberge de jeunesse, ou tout autre endroit convenable. La
région explorée, on remballe son matériel et on le transporte en quelque autre
endroit autour duquel on rayonne de nouveau pendant quelques jours. Ainsi,
pendant des vacances de plusieurs semaines, on n'aura que quelques transports
de matériel complet, tout en faisant une belle excursion quotidienne sur
bicyclette allégée.
Dr RUFFIER.
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