Le gréement le plus couramment employé est celui de cotre ou
bateau à un mât. Si, sur l'arrière, derrière la mèche du gouvernail, on fixe un
petit mâtereau, dit mât d'artimon, on a un gréement de yawl ou cotre à
tape-cul. Si le mât d'artimon est un peu plus important et fixé non plus
derrière, mais devant la mèche du gouvernail, nous avons un ketch, Enfin, avec
deux mâts sensiblement identiques et divisant la longueur de flottaison en
trois parties approximativement égales, on a le gréement de goélette.
Ces différents gréements reçoivent des voiles d'étai
triangulaires : focs, trinquettes, flèches, voiles légères, généralement
non gréées sur un espar, et des voiles enverguées, utilisant directement les
mâts, qui se subdivisent elles-mêmes en voiles bermudiennes, dites aussi
marconi, de forme triangulaire, et en voiles auriques de forme quadrangulaire.
Nous ne citerons que pour mémoire les voiles carrées et les voiles latines
rarement employées pour la navigation de plaisance. La voile aurique elle-même
se raréfie et elle n'est plus guère employée que par les bateaux de pêche. Si
des yachtsmen lui restent encore fidèles, c'est surtout par sentiment, par
amour des choses du passé. On sait que le bermudien est bien plus efficace au
plus près. Son gréement est plus simple, et une seule drisse suffit pour hisser
la voile. Les cercles de racage sont remplacés par un chemin de fer placé en
arrière du mât, sur lequel courent des griffes amarrées à la ralingue de la
voile. Ainsi, le haubanage est facilité et on peut fixer haubans et galhaubans
aux endroits les plus propices et consolider fortement le mât dans le plan
transversal. Le mât marconi sera donc mieux tenu que le mât du gréement
aurique. Mais, par contre, il doit être plus élevé, la voile bermudienne exigeant
que le rapport de sa hauteur à sa base soit de 2,5 au moins. Pour obtenir
légèreté et rigidité, on fait des mâts creux de grand diamètre. Les mâtures
bermudiennes actuelles sont d'une solidité à toute épreuve, comme en témoignent
les performances réalisées dans les courses-croisières transocéaniques. Par
vent arrière, les voiles auriques et bermudiennes ont à peu près le même
rendement, mais le marconi présente moins de risques en cas d'empannage. On
évite la secousse donnée par le choc du pic, et la borne est plus courte et
plus légère.
Il est incontestable que le cotre reste le meilleur des
gréements. Pour une réduction maxima des voiles, espars et manœuvres, il donne
le rendement optimum. Mais son emploi est limité par le tonnage du bateau.
La plupart des plaisanciers naviguent sans équipage ou avec
un seul marin. Ce sont les membres de la famille ou les invités qui aident à la
manœuvre. Pour un équipage normal de deux hommes, une voile bermudienne ne doit
pas dépasser 40 mètres carrés en moyenne pour qu'elle puisse être maîtrisée par
mauvais temps. Cette surface correspond à un yacht de 12 à 13 mètres de long,
de 9 à 9m,50 de flottaison et de 8 à 10 tonnes de déplacement
environ. Donc, au delà de 10 tonnes, difficultés de manœuvrer la grand' voile,
impliquant un équipage plus nombreux. Mais le gréement de cotre reste encore
possible jusqu'à 20 tonnes. Cependant nombre de plaisanciers préfèrent diviser
la voilure à partir de 10 tonnes, ce qui évite des fatigues à l'équipage et
assure la maîtrise des voiles par gros temps. On choisit alors le gréement de
yawl et au-dessus de 30 tonnes, celui de ketch ou de goélette.
Nous ne nous étendrons pas sur les avantages et
inconvénients de ces divers gréements. La question a toujours été et restera
probablement longtemps encore âprement controversée. Rappelons simplement
quelques généralités qui s'adressent surtout aux débutants.
L'efficacité d'une voile unique est toujours supérieure à
celle de plusieurs voiles totalisant une surface identique, surtout au plus
près. La forme et le mode d'attache des voiles influent sensiblement sur leur
rendement. L'expérience montre par exemple que le meilleur foc aura une bordure
égale à une fois et demie la base du triangle avant. Certains focs recouvrent
une partie de la grand' voile, ajoutant à l'efficacité de cette dernière. Cet
avantage est d'ailleurs contesté. Mais les grands focs, dits focs de Gênes,
assez plats, sont d'excellentes voiles pour les vents faibles. Les focs doivent
être bordés, ni trop près de l'axe du bateau, ni trop en abord. Pour connaître
la bonne direction des écoutes, un essai à la mer s'impose. Attendez cette
épreuve pour fixer vos pitons. On estime que plus le foc est grand, plus la
voile doit être plate et plus elle doit être bordée dans l'axe du bateau
— pour le plus près évidement. Les filets d'air doivent suivre des
trajectoires courbes. Lorsqu'une grand' voile est lacée sur la borne, la partie
inférieure de la voile, étant rectiligne, est assez inefficace. Et c'est là un argument
en faveur de la bordure libre dans laquelle la grand' voile n'est fixée sur la
borne qu'à ses deux extrémités, c'est-à-dire aux points d'amure et d'écoute. Il
est ainsi facile, en mollissant le point d'écoute, de donner plus de courbure à
la voile, ce qui devient particulièrement nécessaire quand la brise faiblit.
Quand, par contre, elle augmente, on reprend du mou pour avoir une voile plus
plate. Mais ceci n'est valable que pour une petite surface, 30 à 35 mètres
carrés environ. Au delà, la tension trop élevée aux points d'attache amènerait
une déformation de la voile.
Quand, sur un cotre, le vent augmente, on réduit la voilure
en amenant le foc ou en le remplaçant par un autre plus petit. On diminue
ensuite la surface de la grand' voile soit en faisant tourner la borne qui
enroule la toile, soit en prenant des ris avec le système classique des
garcettes. Des deux solutions, borne à rouleau ou ris à garcettes, quelle est
la meilleure ? Les avis sont très partagés. On reproche à la borne à rouleau
de déformer et de salir la toile. C'est par contre le moyen le plus simple et
le plus rapide. Il a donné satisfaction à des navigateurs comme Alain Gerbault
et Bernicot. Mais c'étaient des solitaires, et leur condition impliquait des
exigences exceptionnelles. Il semble que le vieux système des garcettes
modernisé et bien en place soit préférable pour le bon établissement de la
voile et sa conservation.
Parfois, les focs et trinquettes sont bômés sur un espar
appelé balestron. La voile ne demande alors qu'une seule écoute et le virement
de bord se fait pratiquement sans y toucher. C'est un avantage pour un équipage
réduit, mais la voile ayant une bordure rectiligne est moins efficace, comme
nous venons de le voir. L'installation nécessite une barre d'écoute sur le pont
et une balancine pour soutenir le balestron, d'où encombrement du pont au
mouillage. Remarquons enfin que le virement de bord par temps moyen peut se
faire avec le foc seul ; on change les écoutes de trinquette une fois le
virement effectué.
Pour le vent arrière, on emploie une voile creuse en tissu
léger appelée spinaker. Sa grande surface exige un tangon pour la maintenir en
travers. C'est une voile nécessaire, surtout en Méditerranée, où les vents sont
souvent très forts ou très faibles, mais elle constitue un danger dès que le
vent forcit. Il faut donc la rentrer avant qu'il ne soit trop tard, sous peine
de perte de la voile et d'avaries graves.
Rappelons qu'une voile neuve doit être « rodée »
comme un moteur. On dit que la voile se fait. Cette opération exige un
petit temps et de grandes précautions. Une voile qui se fait mal est vite
déformée et inefficace. C'est une perte très sensible, étant donnés les prix
actuels. Attention à la moisissure, autre danger grave pour vos voiles. Ne les
rentrez jamais sans les faire bien sécher. Pour les longues croisières, il vaut
mieux faire tanner la voile. La force de la toile est indiquée par un numéro
qui correspond au poids du mètre carré. Une voile ne doit être ni trop légère,
ni trop lourde, son poids variant avec sa surface et sa destination. On
comprend qu'une voile de gros temps, comme la voile de cape, sera d'un
échantillonnage bien plus fort que celui convenant pour un spinaker ou un foc
de Gênes. Pour tout ce qui concerne la voilure, méfiez-vous de vos innovations
personnelles. Faites confiance à votre architecte et à votre voilier. Tout ce
que vous pourrez faire par la suite, c'est réparer un accroc. Bornez là vos
ambitions, toutes les tentatives faites par des amateurs pour confectionner
leurs voiles ayant été absolument désastreuses.
A. PIERRE.
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