Accueil  > Années 1950  > N°642 Août 1950  > Page 482 Tous droits réservés

Épinards d'automne

Parmi les légumes cultivés pour la consommation de leurs feuilles, l’épinard est, sans contredit, l'un des plus importants. Très riche en fer, et par suite très apprécié dans la lutte contre l'anémie, sa culture a donné lieu à de grandes exploitations et à une véritable industrie qui en fait de grandes quantités de conserves.

Deux saisons s'offrent à la culture de ce légume : le printemps et l'automne, car, en été, malgré des arrosages fréquents et 6abondants, il est difficile d'obtenir de belles feuilles larges et épaisses. Mais comme, d'autre part, les résultats entre les semis de printemps et ceux d'automne diffèrent profondément au point de vue rendement, et comme l'épinard ne gèle pas, les semis d'automne sont les plus conseillés.

Conduite rationnelle de la culture de l'épinard d'automne.

1° Au point de vue sol :

pour son fort développement foliacé, l'épinard a nécessairement besoin d'azote : c'est pourquoi, fort souvent, on le sème en sol léger, mais riche organiquement. Mais l’épinard aime les terres fortes, franches, à tendance argileuse, fraîches, mais l'excès d'humidité est à redouter.

2° Au point de vue nourriture :

l'épinard est très sensible à une bonne fumure et aux engrais azotés : le fumier de poules est vivement recommandé, car ce fumier froid dans sa décomposition ne dégage qu'une faible quantité de chaleur, et sa richesse en tous éléments fertilisants le rend supérieur à tous fumiers ; mais, à défaut, tout autre fumier bien décomposé donne de bons résultats.

La formule de fumure suivante donne de très bons résultats :

Fumier bien décomposé 100 kilogrammes
Scories de déphosphoration 5 ==
Chlorure de potassium 2 ==

Enfouir trois semaines avant les semis et, après éclaircissage des plants, on pourra employer, en couverture, du nitrate de soude, à la dose de 3 kilogrammes à l'are, répandu en deux fois si possible.

3° Variétés recommandées :

le Monstrueux de Viroflay, à feuilles très larges, amples, charnues, lisses, rustique et de production soutenue ;

Le Viking, variété vigoureuse, vert foncé et très rustique ;

Le Vert de Massy, de grande rusticité hivernale ;

Le Géant d’hiver, qui possède la végétation la moins rapide de toutes les variétés connues, mais d'un fort rendement, rustique, et à repousse lente.

4° Comment semer ? Choix, et quantité de graines nécessaires.

— Les graines rondes dépassent la centaine au gramme et les graines piquantes se comptent par 80. Les graines de deux ans sont les meilleures, et il faut tabler sur 400 grammes à l'are pour les semis en lignes et 450 à 500 grammes pour les semis à la volée.

Le semis.

— Faire tremper les graines de quatre à six heures dans une solution de sulfate de cuivre (2 à 3 grammes de sulfate par litre d'eau) pour ramollir la graine, hâter la germination, prévenir le mildiou. Enterrez peu profondément, de 2 centimètres environ, plomber énergiquement, car l'épinard aime le sol ferme, ou piétiner sur les lignes ou passer la roue de la brouette vide en terrain humide et pleine plus ou moins, selon l'état de compacité et d'humidité du sol. Arroser et pailler, éclaircir une dizaine de jours après la levée du plant en laissant au moins 10 centimètres entre les pieds, afin d'assurer un bon développement des feuilles.

Une pratique donnant d'excellents résultats.

— Habillage et repiquage des plants.

Ne semer qu'une ou deux lignes d'épinards et, dès que les pieds ont de trois à quatre feuilles, procéder d'abord à l'habillage : composer une mixture de bouse de vache et d'eau, de façon à obtenir un liquide onctueux ; y tremper les pieds à repiquer après avoir franchement coupé l'extrémité de la racine. Repiquer ensuite dans des trous espacés de 30 à 35 centimètres en tous sens, convenablement arrosés et ne laisser à chaque plant que les deux feuilles du milieu seulement.

De cette façon, la reprise est assurée, l'ensemble de la végétation est d'une belle tenue ; la récolte est de beaucoup plus abondante qu'en opérant normalement.

Échelonner les cultures pour avoir de beaux épinards toute l'année.

Du 15 août au 1er septembre : premier semis, Monstrueux de Viroflay.
Du 1er au 15 septembre : semer le Viking ou le Vert de Massy.
Du 15 septembre au 1er octobre : employer le Géant d'hiver.

Recommandation pratique très importante :

même si on ne consomme pas les épinards, il ne faut pas manquer de les couper dès qu'ils sont bons à la cueillette ; de la sorte, on évite leur montée à graines.

Savoir cueillir les épinards.

— Il faut cueillir les feuilles à la main dès qu'elles ont atteint 6 à 8 centimètres de longueur, et surtout ne pas les arracher, mais couper le pétiole à l'aide de l'ongle. Avoir soin de ménager celles du cœur et les trop petites feuilles qui seront réservées pour une cueillette ultérieure. Ne pas négliger, avant les fortes gelées, de procéder à une cueillette pour éviter l'étiolement du pied, cause du pourrissement des feuilles, ou fonte.

Hivernage de l'épinard.

— L'épinard ne gèle pas, il est rustique pour résister à l'hiver. Aussi longtemps que le sol demeurera gelé et que les plants seront recouverts de givre, il ne faudra absolument pas y toucher et surtout bien se garder de les protéger par une couverture soit de feuilles mortes, soit de branches ou de paille : ils ne résisteraient pas. Mais, dès que les froids ne sont plus à redouter, répandre entre les lignes du nitrate de soude (1kg,500 à l'are) et biner soigneusement : cet engrais donne un « coup de fouet » à la végétation, qui reprend immédiatement avec vigueur : les feuilles verdissent, foncent, s'élargissent et s'épaississent. Bientôt une cueillette est possible.

Conservation de l'épinard.

— Le plus souvent ce légume vert se consomme aussitôt récolté. Cependant l'industrie en met de grandes quantités en boîtes de conserves. En outre, il se sèche admirablement bien : choisir de belles feuilles, larges, bien fournies, les laver soigneusement, les équeuter, les blanchir à l'eau salée durant cinq minutes au plus, les égoutter avec soin et les disposer sur des claies ou sur l'évaporateur si l'on en dispose. Sécher à une chaleur modérée et conserver dans des boîtes de fer ou bocaux hermétiquement clos. Mais, comme ce légume ne gèle pas, on ne le sèche pas souvent

Maladies de l'épinard.

— 1° Le mildiou, ou jaunisse de l'épinard, dû à un champignon : les feuilles se déforment, s'enroulent et bientôt apparaît un duvet blanchâtre devenant gris violacé, et les feuilles, jaunissant, ne peuvent plus être utilisées.

Remèdes.

Préventif : tremper les graines de semences, comme il a été dit, dans une solution de sulfate de cuivre. Désinfecter le sol à l'aide d'une solution de formol commercial.

Curatif : le traitement est délicat à cause de la consommation des feuilles ; cependant, sans aucune appréhension ultérieure, on pourra poudrer les jeunes semis à l'oxychlorure de cuivre à 1/2 p. 100, vendu dans le commerce.

— 2° Le blanc ou meunier sec, c'est l'oïdium de l'épinard : on lutte préventivement par des soufrages et, curativement, par une bouillie au permanganate de potasse (150 grammes de permanganate dans 5 litres d'eau tiède et, par ailleurs, faire un lait de chaux ; mélanger ensuite. On opérera dans un récipient de bois et on utilisera immédiatement la bouillie mixte obtenue).

— 3° La fonte, sans doute due au développement d'un champignon, sera évitée en semant en terrain pas trop humide, clairement, et en éclaircissant largement. On peut répandre du soufre dans les rayons des semis.

Ennemis.

— Les larves des noctuelles (la noctuelle des moissons) s'attaquent en septembre aux racines : les piéger. Courtilières, vers blancs et gris, limaces, qui coupent les pieds au collet, seront détruits par application nitratée ou à l'aide d'appâts.

Ainsi ce légume vert, intéressant, apprécié tant par sa valeur thérapeutique que pour son caractère appétissant, mérite de retenir notre attention et doit être l'objet d'une culture rationnellement conduite.

BOILEAU.

Le Chasseur Français N°642 Août 1950 Page 482