Accueil  > Années 1950  > N°642 Août 1950  > Page 487 Tous droits réservés

L'avenir du colza

Après avoir connu, au XIXe siècle, une réelle prospérité, le colza a vu sa culture diminuer, tomber au-dessous de 50.000 hectares en 1900 pour arriver, en 1939, au chiffre insignifiant de 5.543 hectares.

Mais, dans les années suivantes, les besoins impérieux en corps gras ont remis les oléagineux à l'ordre du jour et, parmi eux, le colza s'est montré particulièrement intéressant. La guerre terminée, on pouvait penser qu'avec le rétablissement normal des communications et du commerce extérieur il s'effacerait à nouveau devant le retour triomphal de l'arachide et de l'olive.

Il semble bien devoir en être autrement. Les surfaces qui lui sont consacrées se maintiennent aux environs de 120.000 hectares et il n'est nulle part question de les réduire. Bien mieux, les producteurs, groupés en coopératives, n'hésitent pas à construire et à installer magasins et huileries pour stocker et transformer leur production de graines de colza.

Il n'y a d'ailleurs pas de raisons pour que cette culture ne se maintienne pas et elle ne serait pas plus anormale, même si elle était économiquement discutable — ce qui n'est pas prouvé — que celle de la betterave à sucre ou que la production de l'alcool-carburant, et elle se justifierait de même par l'intérêt qu'il y a à ne pas être entièrement tributaires de l'étranger pour une denrée essentielle à la vie nationale.

Après un quasi-monopole de fait dû à des circonstances exceptionnelles, l'huile de colza retrouve progressivement ses concurrents. Elle leur tient tête, cependant, car sa qualité s'est considérablement améliorée. Elle est maintenant débarrassée, tout au moins quand elle est traitée dans des établissements modernes et bien outillés, de ce goût et de cette odeur désagréables qui rebutaient autrefois à juste titre nombre de consommateurs éventuels. De goût franc, désormais, onctueuse et limpide, elle donne satisfaction au point de vue de la qualité. Il est normal, en pareille matière, que chacun ait ses préférences. Si certains préfèrent l'huile d'olive, d'arachide, de navette, de tournesol ou de noix, qu'il ne saurait être question de proscrire, l'huile de colza a, elle aussi, ses amateurs et ses partisans.

Toute concurrence se précise en fin de compte par une question de prix et les producteurs de colza ne semblent pas trop inquiets, estimant que les conditions de production d'outre-mer ne sont plus les mêmes qu'avant la guerre, en raison notamment de l'augmentation du prix de la main-d'œuvre de couleur, conséquence de l'évolution des mœurs et de la législation. Ils seraient d'ailleurs vraisemblablement capables, s'il en était besoin, de s'adapter à des circonstances commerciales moins favorables que celles des dernières années, un peu exceptionnelles, pour ne pas dire anormales. Réduction de la marge bénéficiaire, diminution des prix de revient tant au stade de la production qu'à celui de la transformation, autant d'éléments favorables en puissance !

Il n'est pas jusqu'aux tourteaux, résidus de la fabrication de l'huile, qui n'aient été améliorés et maintenant, convenablement traités, ils peuvent, sans danger, être employés à l'alimentation bovine ou porcine au lieu d'être enfouis comme engrais, emploi normal des tourteaux bruts.

Notons enfin, à une époque où la surproduction guette certaines denrées, qu'il serait sans doute plus facile de freiner des importations que de forcer les exportations, et qu'il est assez logique de pousser d'abord son effort sur les produits déficitaires.

Il ne saurait cependant être question de conseiller la culture du colza sans discernement, partout et en toutes circonstances. C'est une plante très exigeante, qui épuise le sol et demande des terres riches, bien pourvues en engrais et parfaitement propres. Là où ces conditions ne sont pas remplies, on s'expose à de sérieux mécomptes.

C'est aussi une plante de grande culture. Il n'est intéressant, tant il s'égraine facilement, que là où on récolte à la moissonneuse-batteuse, et cette machine ne saurait convenir partout, n'étant rentable que dans des exploitations suffisamment importantes pour en assurer l'amortissement.

Il connaît quelques ennemis, en particulier une altise, le méligèthe, et un puceron. Le pullulement de ces insectes s'accroît avec les superficies offertes à leur voracité, et il est devenu nécessaire de les combattre avec les insecticides généraux actuellement en usage. Le puceron, malheureusement, leur résiste et semble même se multiplier dans la mesure où les méligèthes sont détruits, comme si une antinomie existait entre ces deux insectes.

Les producteurs de colza se plaignent aussi de ce que les graines mises à leur disposition n'ont pas toujours la pureté désirable, et ils souhaiteraient que les travaux de sélection soient poursuivis énergiquement, afin de leur fournir une semence parfaite, voire des variétés nouvelles leur permettant d'augmenter leurs rendements et, par conséquent, de réduire les prix de revient de la graine ... et de l'huile.

La technique culturale, quelque peu hésitante il y a quelques années, semble maintenant au point et il serait regrettable que l'effort fait pendant près de dix ans en cette matière soit interrompu brusquement ; il y a toutefois encore des améliorations possibles, ce qui laisse bien augurer de l'avenir de cette plante, qui avait été si près de disparaître de nos cultures.

R. GRANDMOTTET,

Ingénieur agricole.

Le Chasseur Français N°642 Août 1950 Page 487