Après avoir connu, au XIXe siècle, une réelle
prospérité, le colza a vu sa culture diminuer, tomber au-dessous de 50.000
hectares en 1900 pour arriver, en 1939, au chiffre insignifiant de 5.543
hectares.
Mais, dans les années suivantes, les besoins impérieux en
corps gras ont remis les oléagineux à l'ordre du jour et, parmi eux, le colza
s'est montré particulièrement intéressant. La guerre terminée, on pouvait
penser qu'avec le rétablissement normal des communications et du commerce
extérieur il s'effacerait à nouveau devant le retour triomphal de l'arachide et
de l'olive.
Il semble bien devoir en être autrement. Les surfaces qui
lui sont consacrées se maintiennent aux environs de 120.000 hectares et il
n'est nulle part question de les réduire. Bien mieux, les producteurs, groupés
en coopératives, n'hésitent pas à construire et à installer magasins et
huileries pour stocker et transformer leur production de graines de colza.
Il n'y a d'ailleurs pas de raisons pour que cette culture ne
se maintienne pas et elle ne serait pas plus anormale, même si elle était
économiquement discutable — ce qui n'est pas prouvé — que celle de la
betterave à sucre ou que la production de l'alcool-carburant, et elle se
justifierait de même par l'intérêt qu'il y a à ne pas être entièrement
tributaires de l'étranger pour une denrée essentielle à la vie nationale.
Après un quasi-monopole de fait dû à des circonstances
exceptionnelles, l'huile de colza retrouve progressivement ses concurrents.
Elle leur tient tête, cependant, car sa qualité s'est considérablement
améliorée. Elle est maintenant débarrassée, tout au moins quand elle est
traitée dans des établissements modernes et bien outillés, de ce goût et de
cette odeur désagréables qui rebutaient autrefois à juste titre nombre de consommateurs
éventuels. De goût franc, désormais, onctueuse et limpide, elle donne
satisfaction au point de vue de la qualité. Il est normal, en pareille matière,
que chacun ait ses préférences. Si certains préfèrent l'huile d'olive,
d'arachide, de navette, de tournesol ou de noix, qu'il ne saurait être question
de proscrire, l'huile de colza a, elle aussi, ses amateurs et ses partisans.
Toute concurrence se précise en fin de compte par une
question de prix et les producteurs de colza ne semblent pas trop inquiets,
estimant que les conditions de production d'outre-mer ne sont plus les mêmes
qu'avant la guerre, en raison notamment de l'augmentation du prix de la
main-d'œuvre de couleur, conséquence de l'évolution des mœurs et de la
législation. Ils seraient d'ailleurs vraisemblablement capables, s'il en était
besoin, de s'adapter à des circonstances commerciales moins favorables que
celles des dernières années, un peu exceptionnelles, pour ne pas dire
anormales. Réduction de la marge bénéficiaire, diminution des prix de revient
tant au stade de la production qu'à celui de la transformation, autant
d'éléments favorables en puissance !
Il n'est pas jusqu'aux tourteaux, résidus de la fabrication
de l'huile, qui n'aient été améliorés et maintenant, convenablement traités,
ils peuvent, sans danger, être employés à l'alimentation bovine ou porcine au
lieu d'être enfouis comme engrais, emploi normal des tourteaux bruts.
Notons enfin, à une époque où la surproduction guette
certaines denrées, qu'il serait sans doute plus facile de freiner des
importations que de forcer les exportations, et qu'il est assez logique de
pousser d'abord son effort sur les produits déficitaires.
Il ne saurait cependant être question de conseiller la
culture du colza sans discernement, partout et en toutes circonstances. C'est
une plante très exigeante, qui épuise le sol et demande des terres riches, bien
pourvues en engrais et parfaitement propres. Là où ces conditions ne sont pas
remplies, on s'expose à de sérieux mécomptes.
C'est aussi une plante de grande culture. Il n'est
intéressant, tant il s'égraine facilement, que là où on récolte à la
moissonneuse-batteuse, et cette machine ne saurait convenir partout, n'étant
rentable que dans des exploitations suffisamment importantes pour en assurer l'amortissement.
Il connaît quelques ennemis, en particulier une altise, le méligèthe,
et un puceron. Le pullulement de ces insectes s'accroît avec les superficies
offertes à leur voracité, et il est devenu nécessaire de les combattre avec les
insecticides généraux actuellement en usage. Le puceron, malheureusement, leur
résiste et semble même se multiplier dans la mesure où les méligèthes sont
détruits, comme si une antinomie existait entre ces deux insectes.
Les producteurs de colza se plaignent aussi de ce que les
graines mises à leur disposition n'ont pas toujours la pureté désirable, et ils
souhaiteraient que les travaux de sélection soient poursuivis énergiquement,
afin de leur fournir une semence parfaite, voire des variétés nouvelles leur
permettant d'augmenter leurs rendements et, par conséquent, de réduire les prix
de revient de la graine ... et de l'huile.
La technique culturale, quelque peu hésitante il y a
quelques années, semble maintenant au point et il serait regrettable que
l'effort fait pendant près de dix ans en cette matière soit interrompu
brusquement ; il y a toutefois encore des améliorations possibles, ce qui
laisse bien augurer de l'avenir de cette plante, qui avait été si près de
disparaître de nos cultures.
R. GRANDMOTTET,
Ingénieur agricole.
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