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Élevez des poules,

oui … mais avec méthode …

En hiver, vos poules ne pondent pas.

— Vous tous qui élevez des poules, vous vous lamentez sur le peu d'empressement qu'elles mettent à pondre : elles mangent beaucoup et, souvent, pondent peu, quand encore elles ne pondent pas du tout pendant de longues semaines. Pourtant vous faites votre possible pour les bien nourrir : les pâtées chaudes ne leur sont point ménagées et, de temps en temps, vous leur distribuez une ration supplémentaire de blé ; rien n'y fait. Les premières pondront fin janvier, et vous resterez bien des jours sans ramasser un œuf, après avoir vu avec inquiétude disparaître les quelques douzaines mises en conserve « entre les deux Dames ». Pourquoi ?

Laissons de côté, pour l'instant, le grand problème de l'alimentation et examinons plutôt vos volailles. Il faut procéder à un inventaire et faire tout de suite trois lots : le premier comprendra les poules de plus d'un an, le second les poulettes nées au moment des couvées abondantes, c'est-à-dire en mai, juin et juillet ; le troisième, enfin, si encore il existe, se composera des poulettes nées de bonne heure, en mars et avril. Je ne parlerai pas de celles qui, nées en août et septembre, bousculées et piétinées par leurs aînées, sont encore bien loin de pondre leur premier œuf. Les poules de plus d'un an, dont certaines sont parfois vieilles de trois ou quatre années, ont pondu pendant tout le printemps et l’été derniers ; elles ont mué, et, maintenant, se reposent ... : une bête n'est pas une machine, et, après l'effort et l'usure qui résultent d'une ponte prolongée, elles assimilent la nourriture que vous leur distribuez généreusement non pas pour la transformer en œufs, mais pour se reconstituer, pour se « remonter » ; elles ne pondront de nouveau qu'au début du printemps, et pas les premières ! Elles seront devancées par celles du second lot, les plus jeunes, dans lesquelles vous mettez tout votre espoir : mais si, pour l’instant, elles promettent beaucoup, il n'en est pas moins vrai qu'elles n'en pondent pas plus pour cela. Le troisième lot, lui, est bien restreint, et, dans beaucoup de basses-cours, il n'est même pas représenté. C'est pourtant là que l’on trouve les seules poulettes en ponte : ce sont celles qui, issues des couvées précoces de mars et d'avril, vous ont fourni leurs premiers œufs, alors que les autres vous fournissaient leurs derniers. Une poule, devançant les autres, a en effet couvé de bonne heure et vous a élevé, tant bien que mal, cinq à six coqs appréciés depuis longtemps sous la forme de rôtis, et autant de poulettes ; elles forment tout le troisième lot, et sur trente poules, dans la majeure partie des basses-cours, il n'y en a pas cinq, alors qu'il en faudrait vingt-cinq.

Changement = bénéfice.

— Vous voyez tout de suite le profit et l'avantage que vous retireriez d'une bande de poulettes nées dans les premiers mois de l'année : d'octobre à février, les œufs sont rares et très demandés ; leurs prix sur les divers marchés sont élevés. Il est certains éleveurs qui, sur un troupeau de cinquante poules, ramassent chaque jour deux douzaines d'œufs pendant cette période, ce qui leur laisse un coquet bénéfice : vous pouvez faire comme eux ; il vous suffit de changer de tactique et de laisser de côté une méthode due souvent au manque de renseignements avicoles et au manque d'information ; il faut suivre une ligne de conduite d'élevage qui ait fait ses preuves et qui consiste à faire naître ses poussins de bonne heure. Il faut que, l'hiver, vous ramassiez journellement des œufs en abondance, relativement, bien entendu, à l'importance de votre basse-cour. Et vous ne regretterez plus alors toute cette nourriture que vous donnez à vos volailles pendant les mois d'hiver, sans obtenir le moindre résultat.

Marche à suivre.

— Une poulette entre en ponte, d'une manière générale, vers l'âge de six mois ; si vous voulez des œufs à partir d'octobre, il est nécessaire que vos poussins éclosent dans la seconde quinzaine de mars, afin de faire coïncider l'entrée en ponte avec la période pendant laquelle les œufs commencent à se raréfier chez les volailles plus âgées. On peut dire, sans limiter par trop la date des éclosions, que le 15 février et le 15 avril sont les dates extrêmes pour l'obtention de poulettes pondant l'hiver ; suivez donc ce conseil, et vous serez assurés d'avoir des œufs abondants pendant la mauvaise saison.

Comment allez-vous faire ? Il vous faut des poussins nés en mars-avril. Si vous avez la bonne fortune de posséder quelques poules qui demandent à couver a cette époque, le problème est déjà en partie résolu. Il n'en est malheureusement pas toujours ainsi. Vous avez aussi la ressource de la dinde que l'on peut forcer à couver.

Voici les ressources que vous offre l'incubation naturelle, la plus en honneur encore dans la majorité des élevages français de petite et moyenne importance. Mais ce sont là des solutions qui, dans la pratique, ne s'avèrent pas toujours réalisables pour l'obtention de poussins précoces : on n'a pas toujours une dinde ou une poule disposée à couver à cette époque.

Aussi la science, au service de l'homme, a pallié ce que la nature pouvait avoir d'insuffisant : la couveuse artificielle est maintenant arrivée à un degré de perfection suffisant pour que l'on puisse s'en servir sans crainte. Pourquoi ne pas l'employer ? Mais, si vous êtes effrayés ou indécis devant son achat ou son fonctionnement, vous avez la ressource de vous procurer des poussins chez un éleveur sélectionneur sérieux et réputé ; c'est là une solution plus onéreuse ; en tout cas, vous pouvez être assurés que le voyage, même assez long, ne fatigue en rien des poussins sortant de l'œuf.

Voici donc présentée la meilleure méthode, et la seule, qui vous permette d'obtenir des œufs en hiver, par l'intermédiaire des couvées précoces. Nous examinerons ensemble, une autre fois, quelles sont les conditions d'élevage nécessaires pour amener, de la naissance à la date d'entrée en ponte, des poulettes capables de produire des œufs avec abondance, tout en gardant une santé absolument parfaite.

E. DE JEANAY-CHALENS.

Le Chasseur Français N°642 Août 1950 Page 491