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Le rucher couvert

Depuis quelque temps, il est question de l'emploi des ruchers couverts ; constructions plus ou moins bien agencées afin de grouper ensemble, et à l'abri, un certain nombre de ruches. Comme en toutes choses, il y a des avantages et des inconvénients à son utilisation. Voyons donc les uns et les autres sans idées préconçues pour nous former une opinion raisonnable. D'aucuns lui trouvent toutes les qualités et s'étonnent qu'il ne soit pas plus répandu ; d'autres, au contraire, le chargent de tous les déboires dont ils sont victimes lorsqu'ils l'ont mal utilisé.

Il y a différentes sortes de ruchers couverts, depuis le simple abri jusqu'au chalet, véritable maison pour abeilles. Chacun peut donner libre cours à son imagination et à son ingéniosité, selon l'état de sa bourse.

Son utilité sera plus grande dans les régions à grands écarts de température (climat continental), il est évident que les ruches y seront plus à l'abri qu'en plein air et auront moins à souffrir du froid ; c'est ainsi que son emploi est régulier dans l'Est de la France, en Suisse et en Allemagne.

Pour l'apiculteur, il facilite le travail, n'étant pas incommodé par les abeilles qui vont et viennent à l'extérieur. Il peut visiter ses ruches malgré le vent ou la pluie, ce qui est intéressant au printemps surtout, lorsqu'il faut compléter les provisions, pousser la ponte par un nourrissement régulier, ou bien en automne pour la mise en hivernage.

Les opérations sont en général plus rapidement effectuées, les ruches étant plus rapprochées et n'ayant ni toit ni pierre ou tuile sur ces derniers ; de simples coussins sont suffisants.

Avec le gain de temps, on peut aussi ajouter l'économie en argent en raison de l'inutilité des toits de ruches et des doubles parois.

Le voile sur le visage est moins utile qu'en plein air ; on peut même s'en dispenser, les abeilles qui sortent de la ruche ouverte allant directement vers la lumière des ouvertures.

Le rucher couvert permet d'installer un certain nombre de ruches dans un espace restreint ; de plus, les colonies sont à l'abri non seulement des intempéries, mais aussi des visiteurs indésirables, ce qui n'est pas à dédaigner pour les ruchers isolés, les vols étant assez fréquents ces dernières années.

On peut dire également que les ruches, abritées des agents physiques : pluie, vent, soleil, auront une durée indéfinie qui n'est pas à comparer avec celles établies en plein air.

Le principal défaut du rucher couvert est le coût élevé de sa construction, surtout pour un budget modeste, à moins de le faire soi-même, avec l'aide d'un ouvrier maçon ou charpentier. Il peut être construit en bois, en agglomérés ou en briques. Le toit sera couvert en fibrociment ou en rubéroïd, moins coûteux que les tuiles. La tôle ondulée est trop chaude en été et n'est pas à conseiller.

Il y a un risque d'erreur de repérage au retour du vol de fécondation par les reines, les trous de vol étant rapprochés, ce qui peut provoquer l'orphelinage de la ruche d'où elle est sortie. Pour y remédier en partie, il est recommandé de peindre les entrées de couleurs différentes.

La fumée produite par l'enfumoir est vite gênante, aussi est-il nécessaire de pratiquer des cheminées d'aération et suffisamment d'ouvertures grillagées dans le haut, ces diverses fenêtres pouvant s'obturer pendant l'hiver. L'aération produite est également utile pour l'évacuation de la chaleur et le renouvellement de l'air en été.

Il est nécessaire d'avoir un autre petit bâtiment séparé du rucher couvert pour l'extraction du miel ; les vibrations de l'extracteur en marche énervent les abeilles et troublent leur tranquillité.

En définitive, le rucher couvert sera surtout utile pour les apiers éloignés ou isolés, étant donné la sécurité plus grande et aussi l'avantage de pouvoir y remiser tout le matériel nécessaire, ce qui évite les transports onéreux et des pertes de temps pendant la période active.

Quel que soit le dispositif adopté : simple abri ou maisonnette, les ruches doivent rester indépendantes et ne pas être posées à même le plancher, à cause des vibrations. Elles seront placées sur deux étages seulement ; sans cela, les colonies supérieures se dépeuplent au profit de celles du bas. Si on peut avoir un support indépendant pour chaque ruche, ce sera parfait, mais généralement on se contente de les poser sur deux chevrons ou fers à T.

Pour un rucher rectangulaire, les grands côtés seront à l'est et à l'ouest et serviront pour le placement des ruches. L'entrée au nord. Le côté sud peut être muni de fenêtres avec stores. Au-dessus des rangées de ruches, installer des vasistas mobiles pour l'aération pendant les grosses chaleurs ; ces derniers étant munis de grillage fin et de cônes de sortie pour que les abeilles échappées dans le local puissent s'en aller sans aide.

Il faut éviter que les pillardes et les guêpes pénètrent à l'intérieur ; on veillera donc à ce que toutes les ouvertures soient grillagées. Dans le même but, les ruches étant en place, il faut que le trou de vol communique directement avec la sortie vers l'extérieur seulement ; pour cela, un petit bâti en bois viendra joindre exactement le devant de la ruche et la paroi du rucher en face du trou ; la tranche de cette pièce de bois sera garnie de feutre pour éviter que les coups donnés aux parois du rucher ne se répercutent sur les ruches, ce qui provoquerait la mauvaise humeur des locataires et, à la longue, une plus grande consommation de provisions.

Des planchettes de vol doivent être installées au ras des ouvertures extérieures et des auvents au-dessus. Si des ruches sont mises du côté sud, il sera nécessaire de construire un abri ou écran au-dessus pour que le soleil ne donne pas en plein sur les colonies qui, alors, penseraient plutôt à essaimer qu'à récolter, sans compter le risque d'effondrement des bâtisses de cire.

Selon la valeur mellifère de la région, on pourra installer de 12 à 40 ruches dans le même bâtiment. Il est évident qu'il est prudent de connaître exactement cette valeur avant de se mettre à construire, un défaut de ces ruchers étant d'être fixes. Il est vrai que certains ont déjà résolu le problème en installant un rucher couvert sur un camion ; ceci est l'idéal de l'apiculture pastorale ; là, plus de fastidieuses manipulations de ruches ; aussi ce dernier système peut-il être appelé à un certain avenir, si toutefois le prix de vente du miel peut payer les frais de l'immobilisation du véhicule, mais ceci est une autre histoire.

Roger GUILHOU,

Expert apicole.

Le Chasseur Français N°642 Août 1950 Page 492