Parler d'un voyage aux sept merveilles du monde, c'est
aussitôt évoquer la splendeur grandiose des pyramides d'Égypte et tenter de
soulever un voile du mystère qui les entoure.
Seules, en effet, subsistent des sept merveilles classiques
du monde antique ces constructions grandioses. Elles ne doivent pas nous faire
oublier les six autres. Grâce aux anciens textes, aux descriptions minutieuses
des vieux auteurs, il est possible de les faire revivre et d'effectuer la
restitution d'un voyage non seulement dans l'espace, mais encore dans le temps.
Ces sept merveilles sont : les pyramides d'Égypte, le
phare d'Alexandrie, les jardins suspendus de Babylone, le colosse de Rhodes, le
temple de Diane à Éphèse, la statue du Jupiter Olympien par Phidias, le tombeau
du roi Mausole à Halicarnasse.
Les pyramides d'Égypte.
— Seules entre toutes, les pyramides subsistent.
Les autres merveilles issues de la main de l'homme étaient périssables : elles
sont retournées au néant. Les pyramides sont au nombre de quatre-vingts et
s'étendent sur une longueur frontalière du désert de Libye sur 30 kilomètres,
depuis Abu-Roache à Meydum. Toutefois le groupe le plus important est
incontestablement celui de Gizeh, réunissant les neuf plus célèbres.
La plus impressionnante est celle dite de Khéops, encadrée
de ses deux sœurs géantes de Képhren et de Mykérinos.
Initialement, la grande pyramide avait une hauteur de 146
mètres. Aujourd'hui elle n'en mesure plus que 139, soit deux fois celle de la
cathédrale de Paris. Sa base mesurait 232 mètres de côté et son arête 217. Pour
accéder à son sommet, on devait gravir des marches de 1 mètre de haut.
Pour l'élever, les Nilotiques édifièrent de gigantesques
chaussées, formant tremplins, que l'on démolissait ensuite. C'est sur elles
qu'ils tiraient à bras d'hommes, sur des rouleaux, de massifs blocs de pierres
provenant des carrières de l'Arabie. L'armée de ces travailleurs était à
l'échelle de cette réalisation, et l'on parle de centaines de milliers
d'esclaves travaillant, par force, « à la corvée » simultanément.
Travail gigantesque, travailleurs innombrables, mais aussi
souffrances incommensurables que celles impliquées par la manutention de deux
millions et demi de mètres cubes de pierres par des gens mal nourris, roués de
coups.
Elle fut bâtie par Khéops, premier roi de la quatrième
dynastie, il y a maintenant six milliers d'années.
Les pyramides étaient des tombeaux royaux, sauf toutefois la
plus grande, puisque son sarcophage était tellement petit qu'il ne pouvait
contenir une momie humaine, même de taille très minime. Selon les plus récentes
découvertes archéologiques, cette pyramide ne serait du reste rien d'autre
qu'un temple laïque élevé à la gloire de la connaissance scientifique. Ceci
expliquerait les coïncidences extrêmement troublantes entre ses mesures et
nombre de données astronomiques. Pour d'autres, ce serait aussi un monument
élevé — selon lesdites données — à l'occasion du détournement du lit
du Nil soudanais se perdant autrefois dans le Sahara et que les Égyptiens
venaient de détourner dans le Nil éthiopien.
Le but de ces pyramides était de préserver les corps
embaumés des rois de l'anéantissement de leurs enveloppes terrestres de manière
que leur âme, leur double immatériel, continue sa vie quiète dans l'au-delà.
C'est pour protéger leurs sépultures contre toutes violations que des couloirs
multiples, avec de massifs blocs de pierre formant portes d'obturation,
constituaient dans la masse d'inextricables labyrinthes.
Cependant les archéologues modernes, après les pillards
nomades, ont violé toutes ces sépultures.
Bien qu'étranger aux merveilles mondiales, on ne saurait
oublier le Sphinx, dont la haute masse est si voisine de celles de ces
monuments immortels. Ce grand œuvre est un temple de prêtres, vraisemblablement
la basilique, au point que certains archéologues ne considèrent plus les
pyramides qu'en qualité de clochers, minarets, campaniles. Sa propre grandeur
est elle-même à l'étiage des pyramides, avec un corps accroupi de près de 40
mètres de long, une hauteur de 17 surmontée d'une tête haute de 2m,50.
Le phare d'Alexandrie.
— Frappé par la situation magnifique de l'antique cité
de Racondah, en Égypte, le roi de Macédoine Alexandre le Grand rêva un jour de
construire une vaste cité et de lui donner son nom. Dès 331, il chargea
l'architecte Dinocratès d'en tracer les plans et d'en poursuivre la
réalisation.
C'est ainsi que naquit, sur une langue de terre séparant le
lac Mœris des rives de la mer, la ville d'Alexandrie. On relia également l'île
proche de Pharos au continent par la chaussée de l'Heptastadion, pendant que le
canal de Canope, navigable du Nil à Alexandrie, joignait la nouvelle cité au
vieux grand fleuve.
Alexandre 1er défunt, sa cité vit sa
prospérité en croissance constante sous la sage administration des Ptolémées,
mécènes et protecteurs éclairés des lettres et des arts. Pendant les 400 ans
précédant l'ère chrétienne, Alexandrie fut la capitale incontestée de toute la
civilisation du sud de la mer Méditerranée et un de ses plus riches ports, avec
plus de 20.000 maisons représentant un demi-million d'habitants. Maisons basses
et carrées, de marbre blanc, irrégulièrement alignées et d'orientations
diverses, ce qui produisait mille jeux de lumière sous un éclatant soleil
resplendissant dans un ciel d'azur.12>
Sur son immense jetée, on voyait se presser, chaque soir,
toute la population notable : banquiers, commerçants, navigateurs,
artistes, chantant, devisant, pendant que des marchands de fruits exotiques
passaient, offrant figues et dattes. L'orgueil d'Alexandrie se découvrait
également dans ses joueuses de flûte déversant sur ce monde en liesse des
torrents d'harmonie joints encore à la symphonie de la lumière et à la mélodie
des chants.
Malheureusement, à côté de cette vie merveilleuse, il y
avait une mer peu sûre en ces parages hérissés de rochers. Les navigateurs,
ignorant boussoles, cartes et montres, n'avaient que l'étoile polaire pour se
guider. Mais les jours de tempête, avec un ciel couvert, il ne leur restait
qu'à recommander leurs âmes aux dieux. Les catastrophes et naufrages étaient
fréquents.
C'est pour remédier à ces drames que le roi d'Égypte
Ptolémée Philadelphe, né à Cos vers 304 et mort en 247, décida la construction
d'une tour colossale devant servir à supporter un feu en ignition constante :
ce fut le premier phare.
Formé de bâtisses cylindriques superposées, tout en marbre
blanc, il s'élevait à 160 mètres et avait coûté 800 talents d'or, soit environ
un milliard de francs actuels, en valeur pécuniaire absolue. Mais, si l'on
rapproche le montant de la dépense de celle des recettes budgétaires de cette
époque, ce serait la moitié de notre budget.
À son sommet brûlait un immense feu de bois dans un foyer
couvert. Ce fanal géant était visible à 80 kilomètres. Sauvegarde des
navigateurs, ce phare était aussi un symbole : celui de la prééminence de
l'intelligence sur la matière, car son sommet, surmontant un épais nuage de
fumée, indiquait aussi qu'Alexandrie possédait également la bibliothèque la
plus grandiose qu'il y eût jamais au monde, avec ses sept cents milliers de
manuscrits, augmentés plus tard de la moitié dans son annexe du Sérapéion.
Le bâtiment, construit par Bruchion, fut détruit dans l’incendie
ordonné par Jules César en 46 avant Jésus-Christ, après sa victoire sur Pompée
à Pharsale. Quant à l'annexe, ses trésors de manuscrits passèrent au premier
rang avec les fonds de Pergame donnés par Antoine à Cléopâtre. Mais un premier
pillage eut lieu en 390, pendant les luttes religieuses. Quand les Arabes, en
641, s'emparèrent d'Alexandrie, ses restes furent livrés aux flammes sur
l'ordre du calife Omar, exécuté par Amrhu.
(À suivre.)
Louis ANDRIEU.
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