En matière technique, il convient toujours de se méfier des
adjectifs ; il est très facile d'abonder en éloges sur les qualités d'une
arme de chasse et de lui associer tout un lot d'épithètes plus destinées à des
fins publicitaires qu'à une appréciation judicieuse ; aussi convient-il de
préciser ces qualificatifs et de les classer par ordre d'intérêt.
Une arme doit, en premier lieu, être solide et ne pas
compromettre, par la résistance déficiente de l'une de ses parties ou de leur
assemblage, la sécurité du chasseur. C'est dire que le canon et la bascule doivent
être dimensionnés de manière à résister aux efforts causés par l'emploi de
munitions raisonnablement chargées, et ce avec une marge de sécurité suffisante
en ce qui concerne les irrégularités de chargement. C'est dire également que le
système de liaison entre canon et bascule doit être étudié de manière à
présenter une résistance au moins égale à celles de ces derniers.
Ces conditions réalisées, nous aurons mis toutes les chances
de notre côté en ce qui concerne notre sécurité personnelle, mais il convient
aussi de songer à autrui.
Nous dirons donc qu'en second lieu l'arme doit être sûre et
qu'elle ne doit pas pouvoir donner lieu à des mises à feu accidentelles hors de
la volonté du porteur. Cette condition de sécurité doit être le plus étendue
possible, et, dans l'étude d'une batterie ou d'une platine, l'arquebusier
consciencieux doit prévoir les effets de l'encrassement et de l'usure. Il doit
rechercher également le maximum de stabilité des crochetages des pièces en cas
de chocs, fermetures trop brusques ou chutes de l'arme. Tel n'est pas le cas de
certains mécanismes parfois fort ingénieux, mais à la merci du moindre incident
dû à la maladresse ou à un cas fortuit. Il convient de reconnaître d'ailleurs
que la question est délicate et que la technique moderne a cherché, dans les
fusils à chiens intérieurs, une réduction de volume et de poids en s'attachant
à conserver la souplesse des départs. Actuellement, la question est résolue,
mais elle n'a pu l'être qu'au prix de beaucoup de recherches et de
savoir-faire.
Nous tenons à faire remarquer aux usagers que les qualités
des armes mises à leur disposition ne leur confèrent pas le droit d'en négliger
l'entretien : nous verrons seulement qu'elles simplifient de beaucoup ce
dernier.
Pour en terminer avec la sûreté des armes, nous ajouterons
que les dispositifs dits de sûreté ont un rôle limité le plus généralement au
blocage des détentes et qu'ils sont destinés à prévenir les départs lorsque ces
dernières sont actionnées par une autre cause que le tir normal. En principe,
une arme bien étudiée ne doit pas faire feu, mise ou non à la sûreté, lors
d'une chute ou d'une fermeture ; il vaut mieux, en parcours difficile, mettre
la sûreté, mais nous insistons sur ce point que le meilleur moyen d'éviter tout
accident, dès que l'on n'est plus en action de chasse, consiste à basculer
l'arme. On rassure ainsi, à charge de revanche, tous ses voisins.
En troisième lieu, l'arme doit être maniable, et ce vocable
concerne deux choses différentes : d'abord la facilité d'ouverture et de
fermeture, éventuellement l'éjection automatique des douilles usagées, mais
aussi un ensemble de qualités facilitant la mise en joue et sur la distinction
desquelles il est souvent commis plus d'une confusion. On admet généralement
qu'une arme est équilibrée lorsque son centre de gravité est voisin de l'axe de
bascule ; encore que cette définition ne soit pas très précise en raison
des dimensions assez variables des tables de bascule, elle ne précise pas
beaucoup plus ce qui en résulte au sujet de la facilité de mise en joue. On
emploie parfois le mot balance, qui manque également de précision et est
surtout relatif à une impression de l'usager. La véritable formule est celle-ci :
une arme est maniable lorsque la plus grande partie possible de sa masse est
rapprochée du centre de gravité. Si le fusil de chasse était un solide
homogène, nous traduirions mécaniquement ceci par la valeur d'un moment
d'inertie ; pour la compréhension pratique de la chose, il convient de
remarquer simplement que, de deux bâtons de même poids et de même longueur, le
plus maniable sera non pas un bâton cylindrique, mais un bâton renflé au centre
et effilé aux extrémités. La conclusion pratique est qu'il convient avant tout
d'éviter d'alourdir un canon du côté de la bouche et une crosse du côté de la
plaque de couche. En outre, pour le tir de la plume, une légère prépondérance
de crosse (centre de gravité en arrière de l'axe de bascule) ne nuit pas et
facilite l'épaulement.
On conçoit, donc que les différentes parties d'une arme
doivent non seulement être étudiées en raison de leurs fonctions particulières,
mais encore en raison de leur emplacement dans l'ensemble ; c'est pourquoi
un fusil composé d'excellentes pièces détachées, réunies au hasard, peut être
très fin de fabrication, mais déplorable au point de vue du maniement. Pour la
même raison, il convient de ne pas faire de modifications inconsidérées à une
arme bien établie.
Pour terminer, une arme doit être facile à entretenir, En ce
qui concerne les canons, la question est aujourd'hui réglée par le parachromage ;
pour le surplus, il est bon que la forme de certaines pièces de bascule ou de
fermeture n'oblige pas le chasseur à poursuivre pendant un quart d'heure une
goutte de pluie égarée dans quelque coin peu accessible aux curettes et aux
bouts de chiffons.
En conclusion, solidité, sûreté, maniabilité et facilité
d'entretien sont dans leur ordre d'importance les qualités à rechercher dans
une arme ; la diversité des mécanismes n'intervient que par voie de
conséquence sur ces qualités, et tout système ne peut être jugé que sur
l'ensemble qu'il permet de réaliser.
Si nous arrêtions ici notre causerie, nos lecteurs ne
manqueraient pas de penser qu'il faut aussi exiger des qualités de tir et
d'adaptation au tireur dans une arme de chasse. Nous allons situer ces deux
questions à leur plan exact.
En ce qui concerne les qualités de tir, on peut dire qu'avec
les méthodes de fabrication actuelles toutes les armes signées par une
importante manufacture, donc bien outillée, ne peuvent plus comporter
d'imperfection notable. À notre époque, il n'y a plus de canons mal forés et
même d'armes mal réglées, et toutes sont essayées avant livraison. Avec de bonnes
munitions, et ceci est très important, on obtiendra toujours de bons résultats
de tir. Reste à choisir pour l'arme un groupement adapté à l'adresse du tireur
et au genre de chasse qu'il pratique. À l'usager de savoir ce qu'il peut et ce
qu'il veut. Il trouvera toujours une arme répondant à ses besoins en ce qui
concerne le tir.
Reste la possibilité d'adaptabilité au tireur. Nous sommes
persuadé que, dans les séries d'armes commerciales, un chasseur trouvera
presque toujours après essai l'arme à laquelle il pourra très facilement
s'habituer et que l'adoption de mesures particulières ne se justifie que dans
le cas de conformation anormale, par exemple pour les chasseurs privés de l'œil
droit. La recherche d'une mise au point laborieuse devant la plaque n'a
d'intérêt que pour le tireur qui opère toujours dans les mêmes conditions,
mais, pour le chasseur qui passe en quelques mois de la légère veste
d'ouverture à la canadienne hivernale, il y a une telle différence dans
l'épaulement que la mise au point initiale ne signifie plus rien. Il faut
prendre une moyenne et c'est tout.
Il nous restera, dans une prochaine causerie, à examiner les
qualités des munitions et comment elles peuvent compléter celles de l'arme.
M. MARCHAND,
Ingénieur E. C, P.
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