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Le "caractère" de mon chien

— J'ai lu avec intérêt et sympathie, dans votre numéro de novembre, sous le titre : « Un passager clandestin », l'histoire du loulou emmené par le car de Lavaur à Toulouse, et qui, atteint de nostalgie, a su reprendre, en sens inverse, en vrai resquilleur, le même car pour revenir chez son ancienne maîtresse. C'est une marque touchante de fidélité et une manifestation de « flair » qui mériterait bien le nom d'intelligence.

Me permettrez-vous de signaler, à mon tour, le comportement de mon chien d'arrêt, un épagneul breton de cinq ans ? Il s'agit, ici, moins d'un trait d'intelligence que d'un trait de caractère. De « sale » caractère, pourrais-je dire ! À moins qu'il ne s'agisse d'une louable manifestation d'amour-propre.

Très ardent à la chasse, il extériorise la plus vive joie — une joie qui serait jugée beaucoup trop débordante par un pur théoricien du dressage ! — lorsque je tue une pièce de gibier qu'il a soit arrêtée, soit savamment menée. J'ai quelque peine, je l'avoue, à lui faire lâcher prise, lorsque, la tête haute, la queue frétillante, fier comme un triomphateur, il me rapporte la victime. Et, par la suite, interrompant sa quête, il éprouve le besoin de venir flairer le carnier pour y chercher un stimulant et pour savourer, une fois de plus, la griserie de la victoire.

Or lorsqu'il advient que je tue une pièce de gibier à son insu, soit qu'il ne l'ait pas éventée, soit qu'il ne l'ait pas vue partir, mon chien professe une totale indifférence. Il paraît être tout penaud et vexé. Je dois l'inviter au rapport, et c'est à contre-cœur qu'il s'y résigne. Il vient alors, la tête basse, traînant la victime, qu'il laisse choir à mes pieds d'un air presque dégoûté ...

Combien d'hommes manifestent ainsi leur indifférence, ou leur mépris, pour les prouesses d'autrui ? Et combien s'exagèrent, complaisamment, la part qu'ils ont prise à telle ou telle réussite ?

E. B ...,

abonné, à Tarbes.

Le Chasseur Français N°643 Septembre 1950 Page 533