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La densité des semis de céréales

Le rendement unitaire des céréales est évidemment fonction du nombre d'épis au mètre carré, et il semble logique de semer dru afin d'en avoir le plus possible, sous réserve, bien entendu, que le sol soit assez riche pour les nourrir tous. Et même, disent les partisans des semis épais, il importe peu de forcer la dose de semence, car la nature se chargera de rétablir l'équilibre. Si le champ ne peut porter que quatre cents épis au mètre carré, il n'en portera pas cinq cents, quoi que vous fassiez. Évidemment il y a gaspillage de semence, mais qu'importe de sacrifier 50 ou 100 kilos de grains si on doit, en conséquence, en récolter 200 ou 300 en supplément. De toutes façons, ce sacrifice assurera le rendement maximum, et cette sécurité ne saurait se payer trop cher. En réduisant la densité des semis, on s'expose à des déboires. Ne nous y risquons pas.

Ce raisonnement est parfait, mais les prémices en sont fausses, car un excès de semence peut causer une diminution de récolte. Les tiges trop pressées s'étiolent et forment mal leur épi, beaucoup de grains avortent, le champ verse facilement et, dans ce milieu malsain, les maladies cryptogamiques, le piétin notamment, se développent avec une intensité accrue.

Il y a donc, au total, perte sérieuse en raison, d'une part, du gaspillage de semence, laquelle est d'une valeur plus élevée que le grain à récolter et, d'autre part, diminution de récolte.

Quelle quantité faut-il donc semer ? Il est évidemment impossible de donner un chiffre unique, alors que les conditions de semis ne sont jamais identiques. On peut cependant apporter quelques précisions. Pour simplifier le problème, nous prendrons l'exemple du blé, exemple qu'il sera facile d'ailleurs de transposer pour les autres céréales.

Les écarts observés se situent entre 75 kilos à l'hectare et 300 kilos, soit un rapport de un à quatre ; la moyenne pratique (mais non arithmétique) est entre 125 et 175 kilos.

La tendance moderne est de diminuer les quantités de semences, ce qui se justifie en particulier par l'amélioration de leurs qualités et par le perfectionnement des méthodes culturales. Il est incontestable que les semences mises en terre actuellement sont bien supérieures à celles d'autrefois. Non seulement elles sont nettoyées, triées et calibrées, non seulement leur faculté germinative est vérifiée et leur pureté garantie, mais leur puissance végétative intrinsèque est plus élevée. Si les rendements ont augmenté aussi considérablement depuis le début du siècle, cela est dû à des facteurs divers comme l'emploi généralisé des engrais minéraux, mais surtout à la productivité des nouvelles variétés.

Non seulement elles donnent de beaux épis, mais elles ont encore une puissance de tallage remarquable, et elles produisent volontiers six, sept talles par pied et davantage. Semer dru contrarie en partie ce phénomène, ce qui a pour effet de réduire le nombre de talles, d'où gaspillage de semence, mais aussi empêche les talles de se développer normalement, d'où diminution de production.

La technique culturale à employer est aussi mieux connue. Alors que l'on conseillait, il n'y a pas si longtemps, de semer le blé en terres motteuses et que certains prétendaient même qu'il convenait de travailler la terre le moins possible, on a reconnu que, si celle-ci devait être soigneusement raffermie, le blé n'aimant pas les terres creuses, la partie superficielle du sol devait être finement pulvérisée, de façon à permettre de semer très régulièrement et très superficiellement. De cette façon, le grain germe dans le minimum de temps et la plante se développe très rapidement, talle énergiquement dès l'automne et s'enracine vigoureusement. Il y a ainsi utilisation au maximum des grains semés et réunion des meilleures chances d'une bonne récolte, le résultat final restant cependant soumis aux aléas météorologiques.

La campagne végétative 1949-1950 a été typique à cet égard, et on a vu fréquemment des semis à moins de 100 kilos à l'hectare donner plus de sept cents épis au mètre carré, ce qui est généralement excessif comme population.

Il n'en va toutefois pas toujours ainsi, et il est des cas où il est nécessaire de forcer la dose de semence. C'est d'abord quand la valeur culturale de celle-ci est médiocre ou insuffisante. C'est aussi quand la terre est mal préparée, terre motteuse par exemple, avec laquelle la distribution du grain est irrégulière, tantôt trop profonde, tantôt trop superficielle ; quand elle est sale, envahie de mauvaises herbes. On augmente aussi la densité des semis quand on sème tard et que le tallage d'automne s'en trouve affecté ou simplement diminué. Rappelons enfin qu'on sème plus dru là où on effectue encore le semis à la volée, qui est incapable d'assurer une répartition aussi régulière que le semis en lignes.

Qualité des semences, prolificité des variétés, techniques culturales améliorées, tels sont les éléments essentiels qui incitent à réduire la densité des semis. Pour 4 millions d'hectares de blé, une réduction moyenne de 50 kilos de semence à l'hectare correspondrait à une économie annuelle de 2 millions de quintaux sans que les rendements s'en trouvent affectés, au contraire, à condition toutefois que les conditions ci-dessus soient réalisées. Ce serait loin d'être négligeable.

R. GRANDMOTTET,

Ingénieur agricole.

Le Chasseur Français N°643 Septembre 1950 Page 550