Sans être informé des plus récentes découvertes de la
science médicale et des progrès de l'hygiène, on ne doit pas ignorer que les
mouches jouent un rôle actif et dangereux dans la propagation des maladies
contagieuses : fièvre typhoïde, diarrhée infantile, dysenterie,
tuberculose, etc., chez les personnes ; fièvre aphteuse, pasteurellose,
gourme, plaies d'été, etc., chez les animaux. On peut même dire, sans se
montrer trop pessimiste, que les mouches, hôtes habituels, mais indésirables de
nos maisons et encore plus des habitations des animaux (écuries, étables,
porcheries, chenils, poulaillers) sont les propagateurs naturels de la plupart
des maladies microbiennes, dont elles augmentent le danger du fait de leur
déconcertante fécondité.
Dans un rapport adressé au Conseil d'hygiène publique du
département de la Seine, le Dr Vaillard avait déjà signalé
qu'une seule mouche pouvait faire souche d'un million de descendants,
quand un naturaliste américain, le professeur Howard, a calculé qu'une mouche
naissant le 15 avril pouvait faire souche au 30 septembre suivant,
après six mois environ, de 336 TRILLIONS d'individus après neuf générations !
Cette multiplication et les chiffres qui l'expriment déroutent l'entendement,
mais l'illustre naturaliste suédois Linné en a apporté la confirmation, sous
une forme imagée, en disant que : « Trois mouches suffisent pour
dévorer aussi vite qu'un lion le cadavre d'un cheval ? »
Dieu merci ! les chevaux vivants résistent mieux à
leurs attaques, mais ils n'en sont pas moins très éprouvés, soit pendant leur
travail, soit pendant leur séjour à l'écurie, où les mouches troublent à la
fois leur repos et leurs repas. Tant et si bien qu'on a pu dire, non sans de
bonnes raisons, qu'elles étaient les « pires bourreaux des chevaux »,
dont certains, entretenus dans de mauvaises conditions hygiéniques, perdent
durant la saison des mouches de 10 à 15 p. 100 de leur poids, et
que des vaches laitières séjournant dans des étables aussi mal tenues ont une
production journalière en baisse de 20 à 40 p. 100.
Il n'est pas possible d'espérer détruire les mouches d'une
manière rapide et certaine, elles sont trop, au point de donner l'impression de
renaître de leurs cendres comme le Phénix, mais l'observation stricte de
mesures de propreté et d'hygiène, complétées par des interventions variées et
répétées, dont on n'a que l'embarras du choix, suffit dans la plupart des cas à
limiter grandement, sinon supprimer, le danger de leur pullulation.
Une première indication à observer, dans toutes les
exploitations agricoles, est de placer le fumier le plus loin possible des
écuries et des maisons d'habitation ; tous les dépôts d'immondices doivent
être enfouis ou brûlés. Les lieux d'aisances doivent être tenus en parfait état
de propreté en s'assurant que les fosses sont bien étanches ; tous les six
mois environ, les fosses d'aisances fixes et les fosses à purin seront arrosées
de pétrole (un litre environ) ou d'un litre d'huile verte de schiste
additionnée de la même quantité d'eau.
À l'intérieur des écuries, les murs et les plafonds seront
badigeonnés à la chaux, teintée en bleu clair, à l'aide de bleu de méthylène.
Le sol sera bétonné ou formé d'un carrelage en briques sur champ, avec une
légère pente pour favoriser l'écoulement des urines, un caniveau cimenté aboutissant
à la fosse à purin. Les litières seront entretenues avec soin, en évitant de
laisser séjourner les crottins dans l'écurie, le fumier étant porté aussitôt à
son emplacement réservé. Les ouvertures de l'écurie seront garnies de châssis
en bois recouverts de toile métallique, les cadres de ces châssis s'adaptant
exactement aux tableaux des fenêtres.
Pour la destruction des mouches, qui en dépit de ces
précautions pénètrent inévitablement dans les locaux, nous conseillons tout
spécialement les vapeurs de crésyl produites par le chauffage, dans un vase
métallique, placé sur un feu doux, de crésyl pur, à raison de 5 grammes de
crésyl par mètre cube d'air. Les pulvérisations dans l'atmosphère d'une
émulsion crésylée à 4 p. 100 et le lavage du sol, avec la même émulsion ou
avec une solution de crésylol sodique, sont aussi très recommandables.
Pour protéger individuellement les animaux contre les
mouches et tous autres insectes qui les tourmentent sans cesse, au cours des
journées chaudes et ensoleillées de l'été, on peut encore les lotionner avec
des solutions ou émulsions diverses : d'assa faetida, de crésyl, de
pétrole, d'essence de térébenthine, de feuilles de noyer ; mais l'émulsion
d'huile de ricin serait, d'après Cross, la seule préparation qui agisse efficacement.
Cette huile paraît être, en effet, très active contre les insectes adultes, et
sa toxicité peut encore être augmentée par l'addition de quelques gouttes
d'huile de croton. D'autre part, à la suite d'expériences officielles
instituées par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, sous la direction du
vétérinaire en chef M. Lang, il a été établi que le meilleur des
insecticides et le plus grand ennemi des mouches était l'huile de foie de
morue. Appliquée en légère onction, sur le poil d'un bœuf ou d'un cheval, elle
provoque rapidement la disparition des mouches, qui, dit le rapporteur, « tombent
par paquets, comme frappées par la foudre » ! Il n'est pas difficile
ni coûteux d'en essayer, d'autant plus que ce procédé fournit aussi un
excellent moyen de protection des plaies, dont la cicatrisation est toujours
retardée par la présence et la contamination inévitable des mouches.
Enfin, pour les animaux au travail, les chevaux en
particulier, on peut les protéger des mouches par l'usage de filets à cordelettes,
d'émouchoirs divers, de bonnets, voire de simples brindilles de saule ou de
noyer, adaptées aux différentes pièces du harnais.
J.-H. BERNARD.
|