Le moteur Diesel a pris dans la construction automobile des
poids lourds un rôle de premier plan. Au cours des vingt dernières années, nous
l'avons vu conquérir toutes les marques spécialistes en camions, voire même en
camionnettes. À quoi imputer un tel succès ? Sans nul doute à sa
construction simple et robuste : pas de système d'allumage, et, surtout,
au haut rendement qu'il est possible d'atteindre, joint à l'emploi de carburant
lourd et bon marché, tel le gas oil. Le moteur Diesel n'est pas nouveau. Il est
utilisé depuis longtemps sur les sous-marins et moteurs industriels fixes. Il
se caractérise dans ce rôle par un régime lent, 400 tours-minute, et par des
dimensions respectables. Avec la traction automobile, il a fallu alléger et
accroître le rendement, donc le régime. La pompe à injection, en permettant
l'envoi aux cylindres de plus grande quantité de combustible, a supprimé le
compresseur d'hier et donné naissance au Diesel rapide. Le moteur Diesel est un
moteur à combustion interne, qui utilise les huiles lourdes dérivées du pétrole
et plus connues sous le nom de gas oil. Comme pour le moteur essence, il existe
des Diesel à 2 temps et à 4 temps. La différence résidant surtout dans les taux
de compression qui, pour le Diesel, varie de 12 à 16, tandis que pour le moteur
à essence, le chiffre 7 peut être considéré comme un maximum. Les pressions en
fin de compression atteignent alors 35 kilos par centimètre carré. On comprend
que la température de l'air ainsi comprimée dépasse 600°. Si, à cet instant, le
combustible arrive pulvérisé dans le cylindre, où règne une telle température,
l'émulsion formée s'enflamme et la combustion se produit en donnant naissance à
l'effort moteur. L'injection du combustible commence un peu avant l'arrivée au
point mort haut du piston ; c'est l'avance à l'injection, comparable à
l'avance à l'allumage des moteurs à essence.
Le Diesel 2 temps est peu répandu dans le poids lourd. Il
possède, comme son cousin, le moteur à essence, les mêmes défauts et
inconvénients que nous avons déjà exposés ici. Le cycle de fonctionnement du
moteur Diesel 4 temps est analogue au moteur à essence. Premier temps : le
piston descend et, par la soupape d'admission ouverte, de l'air pur filtré
provenant de l'extérieur est aspiré. Deuxième temps : le piston remonte
toutes soupapes fermées, compresse l'air à une pression considérable et, avant
le point mort haut, la pompe à injection, par l'intermédiaire de l'injecteur,
envoie le carburant finement pulvérisé au cylindre ; au contact de l'air
qui atteint alors 500° à 600°, la combustion se produit. Troisième temps :
le mélange continue à brûler pendant toute la durée de l'injection, c'est la
détente ou temps moteur. Quatrième temps : le piston en remontant, soupape
d'échappement ouverte, chasse les gaz brûlés.
Pour atteindre un haut rendement, il est nécessaire
d'obtenir un mélange le plus intime possible du combustible (gas oil) et de
l'air comprimé dans le cylindre. L'injection doit donc se faire sur une surface
aussi grande que possible.
Les formes des chambres de combustion, qui varient d'un
constructeur à l'autre, permettent d'établir trois types différents de moteurs.
Savoir : des moteurs à injection directe, des moteurs à chambre de
précombustion, des moteurs à antichambre. Dans les premiers, le combustible est
injecté directement dans la chambre de combustion. Pour assurer un mélange
intime, on crée un brassage ou turbulence, grâce à un dessin particulier du
fond du piston (hémisphérique, conique) ou de la chambre de compression. Avec
le moteur à injection directe, il est nécessaire que l'injection soit faite
sous une très forte pression, atteignant parfois 400 kilogrammes au centimètre
carré. Le mélange est alors intime et la combustion complète. On comprend que
la construction de la pompe à injection et des injecteurs pose de sérieux
problèmes. Par contre, ce type de moteurs présente l'avantage de départs
instantanés à froid ; il ne nécessite pas l'emploi d'un système de
réchauffage quelconque. Les plus grands noms lui sont fidèles : Berliet, Latil,
Renault, Panhard, Saurer, etc.
Avec les moteurs à chambre de précombustion, on se trouve en
présence d'une petite cavité communiquant avec la chambre de combustion
proprement dite, par un orifice qui constitue en quelque sorte le brûleur.
On injecte dans cette cavité. L'allumage commence dans le
brûleur qui est le point le plus chaud, car non refroidi ; il gagne la
chambre de précombustion ou cavité, pour atteindre ensuite la chambre de
combustion proprement dite ; le mode de construction permet d'injecter à
des pressions relativement basses : 80 à 100 kilogrammes au centimètre
carré. Ces moteurs ont un fonctionnement plus doux, des injecteurs moins
fragiles, mais nécessitent pour leur mise en route un apport extérieur de
chaleur. Les moteurs de la troisième catégorie comportent bien une cavité
distincte de la chambre de combustion elle-même, mais celle-ci est aménagée,
soit dans la culasse, soit dans le piston. L'injection se produit après le
point mort haut permettant à l'air comprimé dans la cavité, ou antichambre, de
s'échapper et de se répandre dans la chambre de combustion en créant une forte
turbulence. Les pressions d'injection sont de l'ordre de 125 kilogrammes au
centimètre carré.
Le gas oil employé dans les Diesel doit être de première
qualité et débarrassé de toutes impuretés. On l'oublie trop souvent. C'est que
la réalisation des injecteurs et de la pompe nécessite une précision d'ajustage
de l'ordre du micron. Les impuretés ne doivent pas dépasser une telle
importance. On conçoit le rôle des filtres. Ceux-ci sont le plus souvent
constitués par un manchon épais de matières spéciales (tissus, aggloméré,
etc.). L'alimentation de la pompe à injection demande l'emploi d'une pompe
auxiliaire, ou pompe nourrice, dont le rôle est d'aspirer le gas oil au réservoir
et de le refouler dans le corps de la pompe à injection. C'est sur ce dernier
trajet que se trouve le filtre. La pompe d'injection alimente chacun des
injecteurs placés sur les cylindres ; son but est d'assurer la pression
nécessaire et de faire varier la quantité de combustible injecté — quantité
réglée par la pédale d'accélérateur. La pompe d'injection a autant d'éléments
qu'il y a de cylindres. Chacun de ces éléments comportent un petit piston
actionné par un arbre à cames. En faisant pivoter ce piston par l'intermédiaire
d'un manchon de réglage, on fait varier le débit du combustible injecté.
L'injecteur a pour mission de pulvériser le combustible sous
forme de brouillard et de le projeter, à haute pression, dans la chambre de
combustion. Il est constitué généralement par une aiguille pointeau qui se
soulève lorsque la pression d'huile, donnée par la pompe, est suffisante. Dès
qu'il y a chute de pression, un ressort de rappel applique à nouveau l'aiguille
sur son siège.
Le moteur Diesel de faible cylindrée, c'est-à-dire de moins
de 3 litres, est relativement peu employé en France. Citroën fut le premier à
présenter un 1.700 centimètres cubes équipant les camions légers et un certain
nombre de taxis. Pendant longtemps, on procéda à la mise au point et aux essais
de châssis de tourisme et, quelques semaines avant la guerre, un châssis
révolutionnaire de 7 CV devait être présenté. C'est que l'économie de
fonctionnement est réelle avec le Diesel. Si l'on se reporte au moteur 7 CV
précité, on obtient 40 CV à 3.500 tours avec un ralenti pouvant descendre à 350
tours-minute. La consommation est de 6 litres aux 100 kilomètres contre 12
litres pour un moteur à essence de même cylindrée. Si l'on tient compte de la
différence de prix, essence et gas oil, on peut se rendre compte de l'économie
réalisée. Mais c'est surtout dans les services de porte à porte, que l'économie
se renforce, car avec 1 litre de carburant le moteur en question tournera une
heure, et le Diesel trois heures et demie.
En résumé, le moteur Diesel automobile n'a pas fini de faire
parler de lui, et il n'est pas impossible de le voir étendre prochainement son
rayon d'action au domaine du tourisme.
G. AVANDO,
Ingénieur E. T. P.
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