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Transport et travail aériens

dans les territoires français d'Outre-mer

Le rôle de l'aviation sera capital dans le développement de l'Union Française. Ne considérons que trois aspects du problème :

    — la situation de ces territoires à l'égard des grandes communications aériennes mondiales ;
    — le développement actuel qu'y a pris le transport aérien des marchandises ;
    — enfin, les aides diverses que peut apporter le travail aérien dans ses applications multiples.

Le bloc du territoire franco-africain s'étend de Dunkerque à Pointe-Noire et de Dakar à la pointe orientale de l'Oubangui-Chari, c'est-à-dire sans importante discontinuité sur 6.000 kilomètres du Nord au Sud et sur 5.000 kilomètres de l'Ouest à l'Est. Il s'agit d'une situation fondamentale du plus grand intérêt sur des itinéraires internationaux majeurs : itinéraires méditerranéens entre Europe et Afrique (Nord-Sud) et entre Amérique et Moyen-Orient (Ouest-Est), pour lesquels le Maroc, l'Algérie et la Tunisie, complétés par la côte française méditerranéenne, ont une position de choix ; itinéraires sud-américains pour lesquels le Maroc et l'Afrique occidentale marquent des escales auxquelles tant de souvenirs d'aviation française sont rattachés.

En fonction de ces liaisons générales, trois points importants sont à considérer.

  • Casablanca, au carrefour de l'Europe occidentale et de l'Afrique, de l'Atlantique et de la Méditerranée en une fonction : « atlantico-méditerranéenne » ;
  • Dakar, ville la plus proche de l'Amérique du Sud et des pays méditerranéens ;
  • Fort-Lamy, sur la route la plus courte, menant du golfe de Guinée au carrefour égyptien de l'Afrique, de l'Europe et du Proche-Orient, sur le chemin direct de l'Europe occidentale à l'Afrique congolaise du Sud.

L'accès normal de Madagascar se fait par l'Afrique orientale britannique.

La Nouvelle-Calédonie, dans le Pacifique sud, et l'Indochine, en Extrême-Orient, occupent une place qui peut être de réelle valeur sur les grandes routes aériennes de demain.

L'aménagement et l'équipement des routes et bases aériennes sont des conditions primordiales du développement du transport aérien aux points choisis. C'est pour beaucoup en fonction de l'infra-structure et des équipements de sécurité et de la façon dont ils seront mis en oeuvre que les choix évolueront et se fixeront. Il faut aménager et équiper quelques points le mieux possible. D'autre part, on ne peut organiser en Afrique Noire dix aéroports « mondiaux ». Par contre, on peut envisager et souhaiter une coopération internationale sur le plan de l'infra-structure dans diverses régions, en particulier dans le Pacifique Sud.

Le transport aérien est un remarquable instrument économique, politique et, si on peut dire, psychologique.

Psychologiquement, il a modifié la mentalité du « colonial ». L'acheminement aérien du courrier, la possibilité de liaisons rapides avec la métropole, — soit pour questions administratives, soit pour besoins familiaux, — l'éventualité, en cas d'urgence, d'un déplacement rapide ont largement contribué à améliorer les conditions de la vie. En 1935, on mettait vingt jours et plus, par mer, pour gagner Brazzaville ; en 1950, on y va en vingt-quatre heures. Il y a, en moyenne, trois services par jour entre Paris et Alger, et le trajet ne dure que quelques heures.

Instrument politique parce qu'il est un remarquable facteur de cohésion entre des territoires très vastes, mal desservis par les transports de surface. La valeur politique du transport aérien est si réelle qu'on n'a pas hésité, bien que l'opération ne soit pas viable économiquement, à prévoir un service régulier sur la Nouvelle-Calédonie et l'Océanie.

Instrument administratif permettant les communications rapides du Gouverneur général avec le ministre, d'une part, et avec ses subordonnés de l'autre, facilitant ainsi les tâches administratives.

Il aide et aidera puissamment au développement économique grâce aux avions-cargos ou mixtes, qui permettront d'abaisser le prix de revient kilométrique. Déjà, pour les denrées périssables et les objets coûteux, le gain de vitesse évitant la détérioration des marchandises et les inconvénients des stocks, l'absence de rupture de charge, le faible taux des assurances, — le vol en altitude rendant souvent inutile l'emploi de la réfrigération, — ont assuré au transport aérien des marchandises une part non négligeable du trafic avec l'Afrique du Nord, et une part minime, mais croissante, sur l'Afrique Noire. En A. E. F., le transport aérien régulier de la viande du Tchad à Brazzaville. À Madagascar, actuellement, 16 « relations » intérieures exploitées par 12 avions Air-France, auxquelles s'adjoignent les liaisons « à la demande » par les 4 avions d'Air-Madagascar, ont transporté, en 1948, plus de 40.000 passagers à l'intérieur de l'île ! (La population totale compte environ 4.000.000 d'habitants, dont 57.000 Européens ou comptant comme tels.) Mais, pour cela, un réseau dense d'aérodromes, de pistes et de terrains de secours est indispensable.

Le petit avion, maniable, peu coûteux, et l'hélicoptère sont appelés à rendre de gros services. Le travail aérien dans l'agriculture : semis de graines et d'engrais, lutte contre les insectes, surveillance des forêts, l'exploration scientifique en applications géographiques, archéologiques et même minières.

Et, pour terminer le rôle sanitaire, transport du médecin, des malades ou blessés, des médicaments.

Les appareils actuellement en service sur les différentes lignes sont en majeure partie de construction américaine, avec quelques types français des meilleurs modèles.

L'Institut français du Transport aérien, association constituant un centre commun d'étude et de documentation, comprend, parmi ses adhérents, des administrations publiques françaises et étrangères, des compagnies de transport aérien, des constructeurs, des compagnies maritimes, des gouvernements d'outre-mer, des régions économiques, etc. Elle aide bien nos services publics dans l'organisation du réseau aérien français.

V. TILLINAC.

Le Chasseur Français N°643 Septembre 1950 Page 567