Après les Pyramides d'Égypte et le phare d'Alexandrie (1),
nous continuons l'étude des Sept Merveilles classiques du Monde Antique.
Les Jardins suspendus, de Babylone.
— Bab ilou — « la Porte du Ciel » — fut
fondée dans la plaine du Senaar, par les enfants de Noé, rescapés du Déluge.
Cependant, d'après la tradition grecque et des inscriptions de Chaldée, Babylone
aurait été fondée par Sémiramis ... Quoi qu'il en fût, son existence est
certaine vers 3750 avant Jésus-Christ.
Sémiramis serait la fille d'un simple mortel marié
morganatiquement à la déesse Derkétos d'Ascalon. Elle aurait été exposée, dès
sa naissance, aux fauves dans un lieu sauvage et désertique. D'après la
légende, des colombes la réchauffèrent et la nourrirent de lait transporté de
bergeries voisines. Un jeune berger Simas l'aurait alors recueillie.
Découverte un jour par l'intendant royal Pannès, elle
devint, grâce à sa beauté troublante, l'épouse du roi Minos qui en fit sa
compagne militaire dans la campagne de Bactriane, et enleva la victoire de Bactres
quelque peu à la manière d'une Jeanne d'Arc avant la lettre. Devenue veuve,
elle gouverna le pays avec une rare énergie et fonda un immense empire. Elle
fortifia Babylone et l'orna de constructions, monuments et palais magnifiques.
Les immenses butins acquis durant ses guerres victorieuses lui permirent une
réalisation gigantesque : celle des jardins suspendus couronnant la
citadelle quadrangulaire avec des côtés de 120 mètres de long. Des degrés
faisaient accéder aux diverses terrasses en amphithéâtre, soutenus par des
colonnades s'élevant jusqu'à 50 mètres.
Des arbres rarissimes couronnaient ces jardins, des cèdres
du Liban, des platanes d'Orient, des ormes attiques ; ils encadraient des
allées longeant d'immenses massifs fleuris. Le soir, l'air en était tout
embaumé, et Babylone se couvrait d'un nuage de parfums exquis.
C'est là que se reposait Sémiramis sur un divan, au milieu
des figures de ses parterres, pendant que des orchestres de flûtistes et
guitaristes déversaient de douces mélodies se mêlant aux bruissements des ailes
de paons et aux murmures des fontaines jaillissantes, aux jets se brisant sur
des rochers ...
Arbres morts, jets d'eau muets maintenant, il ne reste plus
de tout cela que de rares vestiges sur un emplacement immense. Les jardins de
Babylone ont cependant laissé et transmis le nom de Sémiramis à la postérité.
Le colosse de Rhodes.
— Aux côtés des trois premières merveilles,
remarquables avant tout par leur gigantisme, le colosse de Rhodes ouvre la
série de celles inspirant une émotion autrement délicate : celle de la
contemplation d'une œuvre d'art parfaite.
Merveille de la statuaire grecque, c'était là une
réalisation splendide de l'art grec en son apogée.
Rhodes, île égéenne, était en son origine située au milieu
d'un pestilentiel marécage lagunaire. Exondée sans doute à la suite d'un
tremblement de terre ayant modifié la contexture géologique du pays, la région
devint rapidement d'une richesse et d’une beauté légendaires, au point que ses
habitants la baptisèrent la Rose, ce qui est la traduction de Rhodes.
Rhodes réalisa alors une étrange prédiction en devenant la
ville la plus fastueusement riche de l'Hellade, ce qui provoqua l'envie des
cités voisines et causa maintes guerres et invasions. Un siège effectué par
l'illustre stratège Démétrius Poliorcète, fils d'Antigone, se termina fort
bien, car l'assiégeant abandonna ses machines de guerre aux assiégés en
témoignage d'estime. Vendues à l'encan pour 300 talents, la somme fut consacrée
à l'érection de la fabuleuse statue, destinée à éclipser tout ce qui existait
antérieurement. Aussi la confia-t-on à la maîtrise de l'artiste le plus en
renom, Charès de Lindos, élève de Lysippe. Il donna à son oeuvre les traits
d'Apollon.
Elle mesurait 32 mètres de haut, et ses deux pieds, reposant
sur deux tours éloignées de 12 mètres, formaient un gigantesque portique aux
galères, en même temps que, vue de loin, la statue tout en bronze servait de
point de repère aux navigateurs. Elle servait aussi à donner par avance aux marchands
une idée de la puissance et de la richesse de la cité en laquelle ils
abordaient.
Charès y travailla douze ans, jusqu'en 288 avant
Jésus-Christ. Mais elle ne resta debout que moins de soixante-six ans, car un
tremblement de terre la jeta bas en 222. Rhodes, pris par les Turcs, le général
en chef du Calife Othman, Moavian, vendit ses restes à un juif d'Éphèse, en 672
avant Jésus-Christ. Il l'a fit briser en morceaux et eut besoin d'un millier de
chameaux pour en enlever les débris.
Le temple de Diane à Éphèse.
— Fille de Latone, sœur jumelle d'Apollon, née à Délos,
Diane avait la plus grande aversion pour le mariage, et elle obtint de Jupiter
la grâce de garder une virginité perpétuelle ainsi que sa sœur Minerve.
Jupiter l'arma d'un arc et d'une flèche, la fit reine
des bois et lui donna pour amies et compagnes un cortège de quatre-vingts
vierges féroces composé de soixante nymphes Océanies et de vingt autres
dénommées Asies. Toutes se livraient aux joies de la chasse. Quant à la déesse,
surclassant ses compagnes par une idéale beauté, elle était grave, sévère,
cruelle et même vindicative, et sans pitié pour tous ceux ayant encouru son
ressentiment.
Cependant, la vierge farouche s'éprit un jour de la beauté
d'Endymion, petit-fils de Jupiter, ayant la singulière faveur d'un sommeil
perpétuel, ce qui le dispensait de ressentir les ardeurs de la vieillesse ou de
redouter la mort. Enlevé par Diane et déposé dans la grotte du mont Latinos, en
Carie, Diane, déesse de la nuit, allait souvent le visiter ..., ce qui
provoquait l'éclipse lunaire selon les Anciens.
Ses exploits cynégétiques avaient fait consacrer à Diane la
biche et le sanglier, et on lui offrait en sacrifice les primeurs de la terre,
ainsi que des bœufs, des béliers, des cerfs blancs, mais aussi parfois des
victimes humaines.
En pendant d'Apollon aux traits reproduits à Rhodes, sa sœur
Diane, déesse de la Lune, inspira les artistes d'Éphèse. On lui éleva le plus
célèbre temple antique, sur un rocher rouge aux formes tourmentées, alternant
avec de molles collines couvertes d'oliviers pâles et d'ifs noirs. Site
incomparable pour une opulente cité.
Dès son origine, Éphèse avait été consacrée à Diane et, en
divers sanctuaires, un clergé très nombreux se pressait pour lui rendre un
culte fastueux. En 620, ses habitants décidèrent d'édifier, pour ce culte, le
monument le plus splendide du monde. Durant deux cent cinquante ans, toute
l'Asie concourut à le construire, l'orner et l'enrichir. Cette richesse devait
être sa perte future.
Ses fondations sortaient à peine de terre que déjà
architectes et entrepreneurs n'étaient pas d'accord sur les matériaux de choix
à utiliser. Un jeune pâtre, Pexidore, surveillait des béliers, quand l'un
d'eux, jouant à coups de cornes avec ses frères du troupeau, vint heurter un
roc dont un fragment se détacha : c'était un marbre magnifique, plus blanc
et plus brillant que la neige au soleil. Le berger le signala aux magistrats de
la cité, et ceux-ci le firent réserver à la construction envisagée.
Édifié sur une terrasse artificielle, ce temple mesura 122
mètres de long et 66 de large. Il fut orné de 122 colonnes, dons d'autant de
princes, en hommages à Diane. Resplendissant dans sa blancheur, le temple était
précédé, devant son porche, d'une statue de Diane en or massif et qu'une
légende prétendue chue du ciel ...
Les fêtes de Diane étaient de leur côté dignes de son
sanctuaire. Aussi ce fut une panique folle, quand une nuit on apprit que le
temple brûlait, incendié, la nuit même où naissait Alexandre le Grand, en 356.
C'était là le crime stupide d'un obscur dément Érostate.
Après la stupeur devant un tel désastre, ce fut une féroce
compétition, chacun s'efforçant de payer au maximum de sa personne pour le
réparer et reconstruire. En dix ans, il était restauré, plus splendide encore
que son prédécesseur. Mais, au IIIe siècle de l'ère chrétienne, les
barbares scythes renouvelèrent l'oeuvre dévastatrice. En 232, l'empereur
Gallien en fit raser les ruines.
Louis ANDRIEU.
(1) Voir Le Chasseur Français d'août 1950.
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