Le substantif sigillographie vient du latin sigillum,
sceau, et du grec graphein, écrire. C'est la branche de l'archéologie et
de la diplomatique qui a pour objet l'étude des sceaux. On dit aussi
quelquefois sphragistique.
Le sceau est l'empreinte sur une matière plastique,
généralement la cire, d'images ou de caractères gravés sur une matière dure,
métal ou pierre, plus spécialement désignée sous le nom de matrice, mais
communément appelée, elle aussi, le sceau, employé comme signe personnel
d'autorité et de propriété pour « authentiquer » un acte public ou
privé émanant d'un corps politique, d'un établissement laïque ou
ecclésiastique, d'un simple particulier.
L'usage du sceau est très ancien : il a existé en
Orient dès l'origine. On possède des cachets ou sceaux assyriens, chaldéens,
égyptiens ou grecs, et l'on en retrouve l'usage en Chine ou dans l'Inde. Ces
cachets ou sceaux, si l'on excepte ces cylindres gravés dont les Babyloniens,
entre autres, ont laissé tant de spécimens, ont eu à l'origine, et le plus
souvent ont encore aujourd'hui la forme de bagues et d'anneaux, qui portent
soit le nom du propriétaire, soit une figure, celle du prince par exemple, soit
un emblème.
Beaucoup d'intailles antiques subsistantes ont ainsi servi
de cachets. L'usage, universel à l'époque romaine, s'est perpétué aux temps
barbares. On a, datant de l'époque mérovingienne, une foule d'anneaux
sigillaires, qui présentent des particularités souvent curieuses :
invocations pieuses, formules magiques, etc. La plupart portent simplement le
nom du propriétaire. Ces cachets, analogues aux cachets modernes, servaient à
authentifier les actes publics ou privés, à l'aide d'empreintes en cire,
apposées sur le document.
Seuls, d'ailleurs, aux temps mérovingiens et carolingiens,
les actes royaux portent trace de l'apposition de ces sceaux de cire ; ils
sont plaqués : on entaillait le parchemin en croix, et l'on engageait les
languettes obtenues par incision dans un gâteau de cire chaude, sur lequel on
appliquait la matrice. Ces cachets royaux représentent une tête de face ou de
profil, entourée d'une légende latine, comportant le nom du roi et son titre de
Rex Francorum ; on considérait comme le plus ancien celui de
Childéric 1er, père de Clovis. Il a disparu, mais on en a quatre
empreintes modernes : l'authenticité en a été contestée.
À l'époque carolingienne, on emploie souvent des intailles
antiques. Ainsi, Charlemagne se sert d'une belle tête de Jupiter Sérapis, et
l'usage se perpétuera durant tout le Moyen Age ; seulement, par l'addition
de légendes pieuses, on christianise, pour ainsi dire, ces représentations
païennes : Éros nu devient l'amour divin, une victoire ailée est qualifiée
d'ange du Seigneur.
Les empreintes de sceaux sont généralement en cire. Dès
l'époque Carolingienne, il en existe aussi en métal, le plus souvent en plomb,
parfois encore en or ou en argent. Mais, dans ce cas, au lieu d'être plaqué, le
sceau est pendant, suspendu à l'acte par des lacets qui traversent le disque de
métal. L'usage de ces bulles de métal est adopté dès le VIe siècle
par la papauté, et le type de ces sceaux romains se fixe vers la fin du XIe
siècle, dès lors, au droit, des bustes des apôtres Pierre et Paul, au revers,
le nom du pape avec son numéro d'ordre dans la série des papes de même nom. On
se sert encore de sceaux en plomb, dans le Midi de la France, en Espagne, en
Italie, dans l'Orient latin ; et parfois, mais exceptionnellement, les
souverains ont scellé quelques actes diplomatiques d'une bulle d'or, soit
estampée, soit gravée : on connaît de ces bulles au nom de Louis XII, de
François 1er, de Henri VIII d'Angleterre, et la même pratique se
retrouve en Allemagne ; mais on a fort peu de ces documents, la valeur du
métal ayant tenté les fripons.
Dès le Xe siècle, le type royal des sceaux va se
modifier : le roi Lothaire de France (954-986) emploie déjà un sceau qui
représente en buste et avec les attributs royaux sa propre personne. Ce type
est adopté par Robert le Pieux et conduit, par une transition naturelle, au
type dit « de majesté », qui paraît sous Henri 1er :
le prince est assis sur un banc d'apparat, en costume royal, la couronne en
tête ; de ses mains, il tient le sceptre et la fleur de lys.
Ce type devenu traditionnel se perpétuera jusqu'à la fin de
la monarchie, mais chaque nouveau souverain fera graver une nouvelle matrice ;
et, de là, des modifications sensibles dans l'aspect de ces petits monuments.
Ces sceaux de majesté étant de grande dimension, on dut renoncer à l'usage des
sceaux plaqués et, à dater du milieu du XIe siècle, on trouve les
sceaux pendants. Voici en quelques mots comment on procède : le bord
inférieur du parchemin est replié ; on y perce une fente ou des trous,
dans lesquels on fait passer soit une lanière de parchemin, soit des liens,
cordelettes ou tresses de soie, de chanvre, de laine, etc., engagés ensuite
dans le gâteau de cire ; on dit alors de l'acte qu'il est scellé sur lacs
de soie, de chanvre, etc., ou sur double queue de parchemin. Chacun de ces
modes de scellement sert pour une espèce particulière d'acte. Pour les simples
mandements, on scelle sur « simple queue », c'est-à-dire que l'on
détache du bord inférieur de l'acte une lanière de parchemin, dont l'extrémité
reste adhérente au feuillet, et ce lambeau reçoit le sceau. Quand un acte doit
être muni de plusieurs sceaux, ceux-ci sont rangés dans l'ordre de préséance ;
si le nombre de contractants est trop grand, les sceaux sont appendus, non
seulement au bas de l'acte, mais encore sur le côté. Souvent, chaque lanière de
parchemin porte le nom de la personne dont elle doit recevoir le sceau.
La forme des sceaux a beaucoup varié. Elle est généralement
ronde ou en navette, c'est-à-dire en ovale, aux extrémités aiguës, d'où le nom
de cornus est donné quelquefois à ces sceaux. La matière employée est la cire,
à laquelle on a mélangé parfois de la poix, de la craie, de l'étoupe. Cette
cire est tantôt vierge et tantôt colorée, le plus souvent en rouge ou en vert.
Dans certaines chancelleries, la couleur indique la nature de l'acte, dans
celle de France, tout acte solennel engageant l'avenir est scellé en cire
verte, sur lacs de soie rouge ou verte ; les mandements des actes caducs,
en cire jaune, sur simple ou double queue de parchemin. En général, au XIVe
et au XVe siècle, on emploie pour les cachets personnels la cire
rouge.
Les sceaux ayant, au point de vue juridique, une grande
importance, on prenait mille précautions pour en assurer la durée. Souvent on
renforça le gâteau de cire, en l'entourant d'un bourrelet de cire, et souvent
aussi on l'enferma dans une bourse de parchemin, ou encore dans une boîte à
couvercle de bois ou de métal.
Beaucoup de sceaux portent au revers, dès le XIe
siècle, une seconde empreinte, dite contre-sceau. Quelquefois, c'est la
répétition de l'image du sceau, parfois aussi c'est une figure différente.
Ainsi Louis VII, roi de France, prit pour contre-sceau, jusqu'en
1154, le sceau ducal d'Aquitaine équestre. Mais plus souvent le contre-sceau
comporte les armoiries du titulaire, ou bien une pièce honorable, empruntée à
ses armoiries, ou encore l'empreinte d'un anneau sigillaire, une intaille antique,
avec soit une devise pieuse, soit un cri de guerre, soit la formule : Secretum
meum, secretum eunuchi, sigillum secreti. Tout cela a beaucoup varié, et il
faudrait de longues pages pour énumérer toutes ces particularités qui sont un
peu le fruit de fantaisies individuelles.
Jusque vers la fin du XIe siècle, on ne trouve
guère que des sceaux de rois, de grands feudataires, de prélats ; au siècle
suivant, l'usage s'en répand dans toutes les classes de la population. Non
seulement les corporations ecclésiastiques et laïques : abbayes, prieurés,
chapitres, communautés d'habitants ou d'arts et métiers, universités ou
collèges, ont leurs sceaux, mais encore de simples bourgeois, hommes et femmes,
des ouvriers, des paysans.
Le sceau est devenu une sorte de signature, et l'on a, de ce
chef, une foule de petits monuments, malheureusement assez fragiles, dont
l'étude, entreprise de nos jours, a contribué à faire mieux connaître
l'histoire du costume du XIIe siècle à la fin du Moyen Age.
Il existe plusieurs types de sceaux nobles ; tout
d'abord le type équestre, le seigneur est à cheval, armé de toutes pièces, et
le type debout, où le seigneur est représenté debout sous une arcade, dans le
style architectonique du temps, ou sous un dais. Enfin, au XIVe
siècle, parut sur le sceau l'écu armorié ; c'est l'emblème héraldique
complet avec timbre, lambrequin, cimier et tenants.
Les sceaux ecclésiastiques ne sont pas moins variés, souvent
le personnage : évêque, abbé, abbesse, ou prieur, est présenté debout, en
costume d'apparat, sous une arcade. Parfois aussi il est assis sur une sorte de
banc d'honneur. D'autres fois, c'est une figure de saint, de sainte, aux pieds
de laquelle est agenouillé le possesseur du sceau ; ou bien c'est une
scène religieuse (le couronnement de la Vierge, par exemple, un épisode de la
vie d'un saint, etc.).
Les sceaux des simples roturiers ou des communautés laïques
ont un tout autre caractère. Les communes y mettent soit des armoiries, soit la
figure d'un monument célèbre dont elles sont fières, soit l'assemblée des
échevins, et parfois encore le maire, à cheval ou à pied. Les villes maritimes
ont un vaisseau, comme le navire de Paris, souvenir de la vieille Corporation
des « nautae parisiens ». Ces représentations sont d'un grand secours
pour l'archéologie navale. Les sceaux des simples particuliers sont des plus
variés : ici, c'est un instrument de métier, une scène d'intérieur ;
s'agit-il d'une confrérie pieuse, ce sera l'image du saint patron ou l'attribut
qui le caractérise : autant de petites figures souvent fort amusantes, les
Archives nationales à Paris possèdent une collection de 60.000 moulages de
sceaux.
Janine CACCIAGUERRA,
De l'École des Chartes
et de l’École des Langues Orientales.
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