C'est avec des soins d'amant pour une maîtresse que les
Américains se soucient des moyens de transports. Il est connu que, dans tous
leurs domaines de terre, air, mer, fer, ils ont parfaitement réussi leurs
grandioses réalisations.
En matière de terrains d'aviation, ils avaient déjà réalisé
à New-York l'aérodrome La Guardia, qui était une merveille. Mais bientôt le
succès de celui-ci fut tel qu'il fut nécessaire d’envisager autre chose
correspondant aux plus récentes réalisations d'avions, de plus en plus grands
et lourds, pour les liaisons internationales.
C'est de la sorte que le port de New-York passa un contrat
avec la ville d'une durée de cinquante ans, avec effet du 1er juin
1947, pour la réalisation de trois aéroports ou leurs perfectionnements :
ceux de Newark, de Teterboro et La Guardia. C'est de cette convention que
naquit la réalisation du plus grand aéroport du monde, situé à peine à 24
kilomètres du centre de New-York et donc en son immédiate banlieue, étant
donnée l'étendue de la ville. Terminé l'an prochain, il aura coûté 100 millions
de dollars, soit près de 40 milliards de francs.
Il est prévu pour six pistes normales et une de hangars et
services au sol. Elles sont toutes prévues en béton pour supporter les efforts
imposés par les plus gros transaériens modernes dépassant 100 tonnes. Leur
largeur est de 90 mètres, dont 60 de piste et deux fois 15 en accotements de
sécurité. Leurs longueurs additionnées dépasse 16 kilomètres avec 1.800 mètres
de long pour la plus courte et 2.900 pour les autres.
Bien que non achevé, cet aéroport, réalisé avec la plus
extrême célérité, est déjà en service, car, avant de construire les bâtiments,
on s'est d'abord soucié des pistes principales et des éléments de sécurité
aérienne.
Pour autoriser, sans retard, les départs et arrivées de
nuit, l'éclairage a fait l'objet de soins extrêmes, avec des feux éclairant le
sol et n'éblouissant jamais les pilotes, tous les 33 mètres de chaque côté des
pistes.
Une tour, portant un kiosque de commandement de l'ensemble
du port, va être élevée à une hauteur de 30 mètres, mais elle permettra aussi
de surveiller l'horizon à grande distance et dans un cercle de près de 15
kilomètres de diamètre.
On se rendra compte de l'importance des aménagements en
pensant qu'une centrale électrique de 20.000 CV. a été édifiée, destinée à
suppléer à toute défaillance du circuit général.
Les hangars actuels ne sont que partiels et certains
aménagements tout provisoires. Cependant on ne doit pas sous-estimer l'ampleur
de ces vues, car il y a deux hangars de près de 100 mètres de long sur 50 de
profondeur. Ils totalisent une surface couverte utile de un hectare, et des
annexes arrivent à doubler ces chiffres. Ces hangars sont munis de portes
commandées électriquement. Leur aménagement intérieur a été extrêmement bien
étudié, tant pour l'éclairage que pour le chauffage.
Mais les réalisations envisagées, et dont les marchés sont
passés, sont encore plus grandioses : trois gigantesques hangars de 100
mètres de long et 67 de profondeur susceptibles d'abriter quatre des plus
grands avions à étages, comme les Boeings, ce qui représente près de 20 mètres
de hauteur utilisable libre.
Ces constructions géantes fixent l'échelle de l'ensemble,
mais ne donnent cependant qu'une faible idée de tout ce qui est prévu.
C'est de la sorte que, pour les stationnements d'avions au
sol, tout en dégageant les pistes, on a prévu des aires de stationnement pour
près d'une dizaine d'aéronefs simultanément. Comme pour les pistes, les
infrastructures ont été nanties de fondations extrêmement profondes, pour que
l'ensemble puisse représenter une charge de l'ordre de quinze centaines de
tonnes, ce qui correspond à des avions de 150 tonnes chacun.
On doit féliciter les ingénieurs, qui n'ont pas redouté
d'envisager la possibilité d'un incendie d'un avion au repos. C'est beaucoup
plus rassurant pour les voyageurs que de nier le danger ... et d'attendre
la catastrophe. Les hauts des hangars ont été munis de canalisations sous
pression avec des jets en pomme d'arrosoir à déclenchement automatique. Des
pompes et réservoirs assurent l'envoi constant, en cas de sinistre, de liquide
chimique correspondant aux feux d'essence. Les hangars sont à cet effet divisés
en six zones autonomes. Pour plus de sécurité, des fosses ont été creusées pour
recevoir l'essence en feu et l'évacuer au dehors sans aucun risque de
propagation d'incendie.
Mais là ne se limite pas la prévention du feu, qui a été
particulièrement bien étudiée avec tout le matériel mobile et le personnel de firemen
voulu.
Pour éviter les inconvénients de mise en route des moteurs
durant les hivers très froids qui sévissent à New-York, des dispositions de
chauffage ont été prévues, avec innovation d'eau surchauffée à 101° et à
circulation accélérée sous haute pression. Les chaudières d'alimentation
thermique représentent une puissance de 1.600 CV.
Mais, pour les chauds étés, on a également prévu la
climatisation de l'air en le refroidissant, car, si les hivers de New-York sont
parfois extrêmement rudes, les étés sont également torrides.
Il serait fastidieux de tout décrire de ces installations
géantes, mais, ce qu'il faut retenir, c'est que, malgré l'énormité des espaces,
les dimensions des appareils, les puissances fantastiques mises en jeu, les
quantités de passagers prévus, tant pour l'arrivée que pour le départ, aucun
détail n'a été laissé à l'aventure. Tout a été étudié, tout a été prévu et tout
sera réalisé avec la plus grande minutie.
Mais il reste une chose surprenante : c'est que
l'aéroport simplement inauguré, avec des solutions de fortune en juillet l948,
était déjà apte à répondre au trafic définitif en mars 1949.
On se rendra compte de l'ampleur de cette tâche de titans en
songeant que toutes les pistes sont garnies d'une épaisseur de 50 à 30
centimètres de béton armé et que tout l'ensemble du terrain, annexes et
dégagements compris, a été drainé avec des drains permanents pour prévenir tout
accident d'affaissement du sol.
C. et A. COTTIN.
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