Le 11 mai 1949, à Orly, au cours du formidable « Carrousel
Aérien », un splendide bimoteur, aux lignes ultramodernes, était présenté
pour la première fois au public ...
Le 25 juin 1950, l'équipage d'un de ces mêmes
bimoteurs, ayant décollé de Lyon-Bron, lançait par radio un message d'amitié
aux 150.000 spectateurs rassemblés sur le terrain pour assister à un meeting ...
Moins de trois heures après, il se posait à Alger. Il
avait dans ses flancs quatre tonnes de fret ... Voyage « sans
histoire », voyage de tous les jours ... pour le « Bretagne »
S. O. 30 P.
C'est ainsi que se révèle ce bimoteur français de transport,
à cabine étanche.
À vrai dire, dans les milieux aéronautiques, l'on
connaissait déjà de longue date le « Bretagne », baptisé du nom de la
province française où il est maintenant construit en série.
Dès 1946, les visiteurs du Salon de l'Aviation de 1946
avaient pu le voir au Grand Palais à Paris. Sa mise au point n'était pas encore
commencée ... elle fut longue, méthodique.
Comme le soulignait un jour le directeur de la S. N. C. A. S. O.,
le problème du « Bretagne » est, par excellence, celui de l'avion
commercial moderne. Les exigences des grandes Compagnies de transport qui se
livrent entre elles à la concurrence la plus acharnée, qui déploient des
efforts chaque jour accrus pour augmenter leur clientèle aux dépens des autres
moyens de transport, deviennent constamment plus sévères : sécurité,
vitesse, confort, rentabilité sont des qualités indispensables, mais aussi des
facteurs contradictoires.
Ainsi, au bimoteur qui règne toujours d'une façon
incontestée sur les moyennes et courtes distances, a-t-on demandé, à la fois,
d'augmenter sa vitesse de la zone dès 250-300 kilomètres-heure à celle des
400-450 kilomètres-heure, et de répondre à des conditions beaucoup plus
rigoureuses pour la sécurité de vol avec un seul moteur.
Le S. O. « Bretagne », qui avait été conçu en
pleine clandestinité par l'ingénieur en chef Parrot, répondait en 1946 aux
conditions internationales de l'O. A. C. I. (Organisation de
l'Aviation civile internationale).
Mais, alors que la construction du « Bretagne »
était largement commencée en série, de nouvelles conditions furent exigées et
adoptées par cet organisme international ...
Il y eut alors une certaine période de flottement à la S. N. C. A. S. O.
L'appareil faisait l'objet de réserves, voire de critiques dans les milieux
susceptibles de l'utiliser.
Évidemment, il aurait été vain de le nier ; le « Bretagne »
ne répondait plus aux exigences nouvelles ...
Sa vitesse ascensionnelle, notamment, était insuffisante au
décollage, insuffisante aussi en vol avec un seul moteur, pour poursuivre son
vol en toute sécurité ...
Mais, avec une volonté farouche, les ingénieurs de la S. N. C. A. S. O.
se remirent à la planche à dessin, à leurs règles à calcul, pour satisfaire aux
nouvelles exigences de l'O. A, C. I.
Modifications profondes, nouvelle mise au point, d'autant
plus minutieuse et laborieuse que le rendement de tous les organes devait être
poussé à son maximum.
Travail acharné de nos techniciens qui, naturellement,
connurent bien des aléas et des vicissitudes.
Un appareil américain, de même catégorie, le fameux « Convair »,
était souvent mis en parallèle avec le « Bretagne ». Il possédait une
vitesse ascensionnelle extraordinaire ; il volait, d'autre part,
admirablement bien avec un seul moteur, à pleine charge.
Ses performances dépassaient les exigences de l'O. A. C. I.
Aujourd'hui, notre « Bretagne » peut prétendre avoir sensiblement les
mêmes qualités ... 450 kilomètres-heure pour le « Convair »,
440 kilomètre-heure pour le « Bretagne ». Charge utile pratiquement
identique.
La vitesse ascensionnelle est stupéfiante pour un appareil
de cette catégorie ...
J'ai volé tour à tour dans le « Convair », dans le
« Bretagne », installé dans la cabine de pilotage, les yeux fixés aux
tableaux de bord ... les deux appareils se valent ...
Je m'excuse d'avoir été aussi long à faire l'historique de
cet appareil français. Il est bon, cependant, d'éclairer l'opinion publique sur
certains faits.
Les caractéristiques du « Bretagne » S. O.
30 P.
— Le S. O. « Bretagne » est un bimoteur
commercial, du type substratosphérique à cabine étanche, destiné au transport
continental de passagers et de fret.
Comme cela a déjà été souligné, sa conception générale
repose :
— sur les prescriptions de l'O. A. C. I.
— sur les recommandations d'Air-France et du Service
technique aéronautique français.
C'est un appareil à aile médiane, de construction
entièrement métallique, comprenant une vaste cabine aménagée pour 37 passagers.
Il dispose de soutes situées, d'une part, sous le plancher
du fuselage, et, d'autre part, dans les plans centraux de la voilure ;
leur volume total est de 10 mètres cubes.
Les passagers voyagent dans de bonnes conditions de confort ;
ils disposent d'une cabine insonorisée et conditionnée, ventilée, réchauffée et
humidifiée ; la pression intérieure, pendant les vols en haute altitude,
restant celle de 2 500 mètres.
L'appareil est muni de dispositifs hypersustentateurs
particulièrement efficaces aux faibles vitesses.
Son équipement radio, son appareillage de navigation et de
signalisation, son équipement de dégivrage des ailes, empennages, pare-brise et
hélices, lui permettent le vol par mauvaises conditions atmosphériques.
Il est susceptible d'être aménagé en versions cargo ou
mixte.
Son atterrisseur est tricycle, et escamotable hydrauliquement.
Envergure : 27 mètres longueur, 19 mètres hauteur,
maximum 5 mètres. Double dérive. Deux moteurs de 2.800 CV.
Poids et performances.
— Son poids total en ordre de vol est de 19 tonnes,
dont 4 tonnes de fret ou 37 passagers, pour une distance maximum de 1.200
kilomètres. Son équipage est de 3 membres plus un steward.
Sa vitesse maximum est de 500 kilomètres-heure et sa vitesse
de croisière à pleine charge atteint 440 kilomètres-heure.
Son confort.
— La version du « Bretagne », destinée à Air-France
et à certaines compagnies aériennes étrangères qui se proposent d'acheter ces
dernières, a été particulièrement soignée ... 37 fauteuils réglables
répartis en deux cabines, accoudoirs inclinables, tablettes individuelles
rabattables, vides poches, etc ...
L'installation de l'office est aussi très moderne, de même
que les installations sanitaires : toilette, w.-c., etc.
Il est superflu d'étudier les détails de cet aménagement ;
il est dans la plus pure tradition du goût français.
Appareil aux qualités requises par l'O. A. C. I.,
lui assurant une très large sécurité en vol et de magnifiques performances, tel
m'est apparu le « Bretagne ». Tel il est apparu aux Italiens, aux
Belges, aux Anglais, aux Hollandais, au cours des récentes démonstrations qu'il
fit chez eux ..., le « Bretagne », fruit des efforts, de la
persévérance, de la ténacité des techniciens français.
Maurice DESSAGNE.
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