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Octobre

plaque tournante pour le cycliste.

Octobre est, pour les cyclistes, le mois de transition entre l'été et l'hiver.

Les coureurs routiers cessent leur activité.

Les pistards la continuent là où il existe un vélodrome d'hiver ; Paris, Saint-Étienne, Zurich, Anvers, Bruxelles, Gand, notamment.

À ces derniers se joignent les routiers qui ont acquis une notoriété parfaitement monnayable sur la piste, au grand dam des spécialistes de l'érable qui voient mal les géants venir, sous le maillot de soie, recevoir leurs meilleurs gains (quoique indirects) du Tour de France et autres retentissantes classiques courues aussi bien dans notre pays qu'à l'étranger.

Il nous serait facile d'épiloguer sur les droits respectifs de chaque classe de coureurs, de même que sur leurs devoirs vis-à-vis du public, vis-à-vis des organisateurs. Même si le lecteur devait y trouver matière intéressante, nous éluderons le sujet, le but de notre article étant d'examiner le sport cycliste sous son côté technique lorsque apparaît octobre.

Nous avons dit plus haut que l'activité sur route cessait.

Pas partout !

Les azuréens (appellation délicieuse née aux temps des Lesueur, Minardi, prédécesseurs des Vietto, Lazaridès et consorts) disposent du soleil et d'une température clémente qui leur permet d'ouvrir tôt leur saison et de la terminer tard. Ils seront donc l'exception, avec ceux de leurs camarades métropolitains qui n'hésitent pas à sauter au Maroc et autres lieux nord-africains.

Il y a aussi une catégorie de coureurs pour qui octobre est une baie ouverte sur leurs espérances. Nous avons cité les recordmen ... ou aspirants tels. Il n'est qu'à lire les gazettes sportives.

C'est qu'en effet octobre et même novembre sont des mois-types, très propices aux performances du fait de la fréquence de soirées mi-douces et mi-fraîches au cours desquelles le vent est nul.

Malheureusement, les pistes à records sont inexistantes en dehors de celle, magnifique, du Vigorelli à Milan (protégée au moyen d'un toit, cependant que la pelouse peut ou non rester à ciel ouvert, et édifiée dans une région climatique) et de celle, trop abandonnée, d'Arcachon (posée dans un oasis de pins, abritée par les dunes). La première est en bois, un bois extrêmement roulant ; elle mesure 397m,56 ; la seconde en ciment rose ; elle n'accuse que 250 mètres.

Parmi les autres usagers sportifs de la bicyclette, il y a les cyclotouristes.

Ceux-là rentrent difficilement dans leur coquille. Aux longues randonnées, aux voyages, ils substituent des sorties plus courtes, en principe dominicales, soit à pied, soit à vélo, soit en alternant ces deux exercices dont l'un, au moins, réchauffe les pieds.

À tous, le cross cyclo-pédestre offre, avec octobre, ses attraits et ses écueils tout proches.

Ses attraits résultent d'une pratique raisonnable.

Ses écueils ont été « inventés » par des organisateurs désireux d'offrir un spectacle de music-hall et qui, dès lors, ont conduit les cyclo-crossmen à pratiquer l'acrobatie. Ils sont le fait, aussi, d'épreuves trop nombreuses qui ont écarté de sa pratique les vrais coureurs, barrés, sauf Robic, par des spécialistes. (On ne dira jamais assez combien la spécialité est l'antithèse du sport pur ... pour le sport lui-même.)

Si nos lecteurs veulent bien se reporter au Chasseur Français (numéro de novembre 1949), ils y trouveront une chronique où, le plus objectivement possible, nous avons dit ce qui était bien et ce qui était mal en matière de cross cyclo-pédestre.

Nous ne saurions y revenir après aussi peu de temps, sauf pour nous attaquer aux abus.

Les coureurs, les sportifs, les cyclotouristes qui pratiqueront le cross cyclo-pédestre sans excès, en s'adonnant à de courtes sorties d'entretien (sous-bois autant que possible) et en se promenant par chemins et sentiers, offriront à leur potentiel physique un appoint magnifique. Tous y gagneront une désintoxication complète ; tous entretiendront leur souplesse et leur habileté ; tous retrouveront, sous les frimas, une vigueur entamée par l'été. Le cross cyclo-pédestre est un exercice d'entretien et de transition, un sport de repos, que tous les coureurs devraient pratiquer à condition de ne s'en tenir qu'à quelques compétitions avant que ne revienne le printemps, comme le font Robic, déjà nommé, et Piot ; comme s'y complaisaient Paul Chocque, les Pélissier et Christophe, vrais grands champions routiers.

Salut donc, octobre, plaque tournante pour le cycliste qui hivernera dans la forêt aux mille teintes !

Il reprendra un peu de poids. Il s'octroiera des plaisirs incompatibles avec l'entraînement rationnel et la « forme F » en été. Il s'installera dans la santé en se constituant des réserves à distribuer d'avril à septembre.

S'il veut pratiquer la marche ou un peu de course à pied (méthode Georges Wambst), il n'en abusera et n'insistera pas dès février venu ...

S'il est tenté par le ski, libre à lui d'en user, tant il apparaît d'affinités entre ces deux sports ... Gérardin, Guy Lapébie en sont des adeptes.

Mais, s'il croit que le mol oreiller, le dessus de lit ouatiné et le « derrière des carreaux » valent bien un hiver, il se mettra le doigt dans l'œil ...

Repos hivernal : oui.

Arrêt : non.

René CHESAL.

Le Chasseur Français N°644 Octobre 1950 Page 603