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Campeurs, connaissez les champignons

Voici la fin de l'été, et bientôt le début de l'automne. C'est l'époque rêvée pour les amateurs de champignons. C'est l'époque également où les journaux vont nous faire part presque quotidiennement de cas d'empoisonnement, par suite d'ingestion de champignons toxiques.

Au cours de ses randonnées, le campeur est mieux placé que quiconque pour rencontrer toutes sortes de champignons, pour être tenté soit d'en faire l'étude superficielle ou approfondie, soit simplement — et peut-être plus dangereusement — d'en faire une cueillette en vue de confectionner un petit plat maison.

Ce n'est pas au mycologue que je veux m'adresser, car je ne suis pas botaniste, mais au second, au « mycophage », c'est-à-dire à l'amateur qui recherche les champignons comestibles en vue de les cuisiner et de s'en régaler ...

Beaucoup de campeurs hésitent — ils ont raison d'ailleurs — et croient qu'il faut être un botaniste averti pour pouvoir se permettre de ramasser des champignons en vue de les déguster. Ils préfèrent souvent demander conseil aux gens de chaque pays, pour savoir si tel champignon est bon ou non. Or, cela me paraît très dangereux. Certes, tous nos amis paysans connaissent par habitude les champignons comestibles de leur région. Mais cela n'empêche pas que, de temps à autre, des familles rurales se trouvent empoisonnées, car, s'ils savent que tel champignon est bon, ils ignorent que tel autre qui lui ressemble est mauvais.

D'un autre côté, le campeur qui se fie aux indications locales risque de ne pas ramasser un champignon délicieux, mais que l'on n'a pas coutume de ramasser dans la région où il campe.

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Et pourtant il n'est pas si difficile que cela d'apprendre à reconnaître les bons champignons des mauvais.

Tout d'abord, il faut considérer que, s'il existe des milliers de champignons, la plupart d'entre eux sont, sinon toxiques, tout au moins immangeables. En réalité, l'amateur de champignon doit connaître environ trente-cinq champignons. Une quinzaine sont à éviter, une vingtaine qui sont réellement bons (au sens gastronomique du mot).

En fait, d'après les meilleures autorités en la matière, il n'existe que trois champignons mortels, et trois champignons très toxiques (parfois mortels).

Ce sont ceux-là qu'il faut éviter à tout prix.

Sept à huit autres espèces sont toxiques et peuvent entraîner des accidents graves, mais jamais la mort. Une vingtaine d'autres sont indigestes et à rejeter, mais ne peuvent causer que des indigestions ou de la diarrhée.

Les trois champignons mortels sont : l’amanite phalloïde (90 p. 100 des empoisonnements mortels), l'amanite vireuse et l'amanite printanière. Les trois champignons pouvant causer parfois des accidents mortels sont l’amanite tue-mouche (ou fausse-oronge), l’amanite panthère et l’entolome livide.

On remarquera : Que tous les six appartiennent à la famille des Agaricacées, c'est-à-dire qu'ils possèdent sous le chapeau des lames ou feuillets. Si j'ajoute que les huit autres champignons toxiques, mais non mortels, sont de la même famille et possèdent des lames ou feuillets sous le chapeau, et que, à part le bolet satan, la clavaire purgative ; tous les champignons indigestes sont encore de la même famille, on peut affirmer : Que, lorsqu'on se trouve en présence d'un champignon qui n'a pas de lamelles, mais soit des tubes, comme les bolets (cèpes), soit des petits piquants (hydnes), soit un chapeau alvéolé (morille), soit pas de chapeau (truffe), on ne craint aucun accident (1).

On notera en deuxième lieu que cinq sur six des champignons mortels sont des amanites.

Or, quelles sont les caractéristiques de ces champignons à éviter par-dessus tout ?

Les amanites ont : 1° une volve ; 2° une collerette ; 3° des lames généralement blanches.

Donc, je conseille formellement de ne jamais manger de champignons ayant en même temps une volve et une collerette.

En suivant cette règle bien simple, on évitera déjà presque 99 p. 100 des accidents. Bien sûr, on se privera volontairement du plaisir de manger l'oronge vraie (amanite des Césars), mais tant pis ! Le jeu en vaut la chandelle. Reste l'entolome livide. C'est, à mon avis, la plus sournoise, car elle est plus difficile à reconnaître. Les entolomes n'ont ni volve ni collerette. Leurs spores sont roses, les lames sont généralement rose-saumon. L'entolome livide a un chapeau visqueux, convexe ou plan, légèrement mamelonné, gris cendré, légèrement fauve, à la marge enroulée, un pied épais, une chair épaisse ; il a une odeur de farine fraîche, devenant rapidement nauséeuse, et elle se trouve en troupe dans les bois de chênes ou de hêtres en été et à l'automne.

Voici donc tout d'abord les six champignons à connaître pour les éviter. Avant de passer en revue la catégorie plus sympathique des champignons comestibles, ajoutons que, pour ne pas risquer de s'empoisonner, il faut repousser énergiquement des préjugés fort répandus dans les campagnes.

Il est faux de dire que les champignons qui ne brunissent pas une pièce d'argent mise dans l’eau de cuisson sont bons. Les amanites mortelles jeunes ne brunissent pas une pièce d'argent (d'ailleurs, il n'y a plus de pièces d'argent).

Il est faux de dire que les champignons mangés par les insectes sont bons. Les insectes se nourrissent sans inconvénient des champignons les plus dangereux.

Il est faux que le fait de faire bouillir longuement des champignons ou les tremper dans de l'eau vinaigrée leur enlève leur toxicité. L'amanite phalloïde reste toxique après une cuisson prolongée.

Il est faux de dire que tous les champignons des prés sont comestibles. J'ai trouvé une amanite printanière au beau milieu d'un habitat de champignons roses (psalliote des prés).

Mais, d'autre part, il est faux de dire que les champignons dont la chair devient bleue à l'air sont toxiques. Le bolet bleuissant est un comestible excellent. Et M. Heim, professeur au Muséum d'Histoire Naturelle, me disait l'an dernier qu'au contraire, le fait de bleuir était pour un champignon une preuve en sa faveur, car aucun champignon bleu ou bleuissant n'était toxique.

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Mais, me direz-vous, si le nombre des champignons mortels ou très dangereux est si restreint, comment se débrouiller dans les milliers d'autres qui restent.

C'est, à mon avis, très simple du point de vue du mangeur de champignons, car, si la grande masse des champignons n'est pas toxique, ceux-ci sont pour la plupart soit immangeables, soit dépourvus de tout attrait gastronomique.

Il reste, néanmoins, beaucoup de champignons comestibles. Mais sont-ils tous vraiment dignes d'un gourmet ? Certes pas, et l'on peut franchement, du point de vue gastronomique, n'en retenir qu'une quinzaine, bien connus et faciles à identifier.

Nous les passerons en revue dans notre prochaine chronique.

J.-J. BOUSQUET,

Président du Camping-Club de France.

(1) Cependant les Helvelles sont toxiques à l'état cru. Elles perdent leur toxicité à la cuisson.

Le Chasseur Français N°643 Septembre 1950 Page 545