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Conservation des légumes en silo

Pendant toute la saison, le jardin a fourni en abondance des légumes frais : des salades, des pois, des haricots, des choux, des épinards, des tomates, etc. Or le parfait jardinier n'est pas seulement celui qui sait produire, c'est aussi celui qui sait alimenter sa famille en légumes pendant tout l'hiver.

Parmi ceux-ci :

    1° Il y a ceux qui, résistants, peuvent rester en terre : se conservent sur place : poireaux, qu'on arrache jusqu'au mois d'avril ; épinards d'hiver, semés fin août, qui se développent au printemps ; mâche qui résiste aux froids et qu'on mange l'hiver en salade ; choux de Bruxelles, salsifis, scorsonères, etc.

    2° Il y a ceux qu'on conserve sous châssis : ce procédé est très utilisé par les maraîchers, qui se servent de leurs châssis disponibles pour protéger salades, persil, cerfeuil, etc.

    3° Il y a ceux qu'on conserve en jauge : c'est notamment le cas des choux verts et des choux rouges, des céleris raves.

    4° Il y a ceux qu'on met en cave ou en silo : carottes, pommes de terre, betteraves potagères, navets, choux, etc.

Certes la cave, lorsqu'elle est un local sain, facile à aérer, garanti de la gelée, constitue un excellent magasin, un abri sûr, une véritable serre à légumes. Mais il arrive fréquemment que la cave n'offre qu'une surface assez réduite, qu'elle soit trop sèche parce qu'insuffisamment enterrée ou parce qu'un calorifère y est installé. Or il est nécessaire, pour l'obtention de bons résultats, d'obtenir dans un tel local une température à la fois suffisamment basse et sensiblement constante : de +2 à +6 degrés.

Pour obvier aux inconvénients de la cave, on peut recourir au silo qui, lorsqu'il est bien fait, offre un abri sûr aux légumes ; il les garde parfaitement frais et sains, très tard dans l'hiver, même jusqu'au moment où apparaissent les premiers légumes cultivés et frais du printemps. Les divers inconvénients signalés à l'égard du silo trouvent facilement des remèdes.

Pratique de la conservation des légumes en silo.

— 1° Le lieu et l'exposition : dans le jardin qui a produit les légumes et, de préférence, à l'abri des vents d'ouest et du sud : l'endroit idéal est au pied d'un mur orienté au nord.

— 2° Parmi les diverses manières d'ensiler, nous distinguerons le cas du terrain sain en petit jardin, qui s'égoutte rapidement et totalement : c'est le silo en tranchée ; et le cas du terrain à terre forte, peu perméable, où l'on peut craindre une certaine humidité : c'est le silo à fleur de sol ou en talus.

Constitution d'un silo en tranchée.

— Ouvrir une tranchée d'environ 0m,60 à 0m,80 de profondeur et d'une largeur variable avec le volume de légumes à conserver, un mètre environ. Rejeter soigneusement la terre sur les bords. Recouvrir le fond de la tranchée d'un lit de bonne paille (seigle) ou de feuilles bien sèches. Y apporter les légumes après les avoir arrachés, nettoyés, laissés ressuyer à l'air en tas un ou deux jours et bien débarrassés de leurs feuilles ou fanes. Surtout ne jamais les laver. La provision de légumes une fois placée en un tas régulier et bombé, après un jour ou deux recouvrir d'une couche de paille, qui préservera des petites gelées tout en permettant une aération des racines. Avant la pluie ou la gelée, recouvrir le tout d'une couche isolante de terre sèche — celle extraite de la tranchée convient — tassée fortement en forme de toit. On peut également utiliser des planches : les disposer également à deux versants pour que l'eau de pluie ne s'écoule pas dans la tranchée.

Si le froid devenait exceptionnellement rigoureux, il serait prudent d'épandre sur le tout une couche de paille ou de feuilles, ou même de fumier.

Constitution d'un silo à fleur de sol ou en talus.

— Battre fortement le sol à l'emplacement destiné au silo. Placer à la surface du sol ainsi préparé une couche de paille de seigle ou de blé (pas d'avoine), de feuilles bien sèches. Former un tas régulier, rond ou allongé, à l'aide des légumes bien ressuyés et décolletés. Recouvrir comme précédemment de paille et de terre. Celle-ci peut être obtenue — tout au moins partiellement — en creusant tout autour du silo une tranchée ou rigole d'écoulement des eaux et de drainage. Ce petit fossé creusé ainsi tout autour du silo maintiendra saine la plate-forme de terre battue sur laquelle ont été disposés les légumes.

Remarques pratiques applicables aux deux sortes de silos.

— 1° Quel que soit le mode de silo constitué, il est indispensable de ménager au centre du silo une cheminée d'aération : elle empêchera un échauffement possible de la masse ensilée. Elle sera tout simplement constituée par une poignée de paille de seigle qui est longue et débordera la masse de terre ou par un simple petit fagot de branchages de 0m,80 à un mètre de hauteur. Cette cheminée d'aération sera recouverte d'un pot renversé (pot de fleurs) pour éviter une pénétration possible de l'eau de pluie.

— 2° Il est recommandé de constituer des silos assez petits dans lesquels on n'abritera, par exemple, qu'un seul genre de légumes : carottes.

— 3° Si l'on veut réunir en un seul silo toutes les variétés de légumes à ensiler, ou si l'on n'a pas suffisamment de légumes pour constituer des silos variés, voici comment procéder : réunir tout ce qui est à ensiler dans la tranchée, mélanger les différents légumes, compte tenu, grosso modo, des besoins domestiques journaliers approximatifs, ce qui permettra d'apporter à la cuisinière tous les légumes dont elle a besoin pour un ou deux jours.

Précautions à prendre à l'égard des silos constitués.

— Le silo est un excellent moyen de conservation pour bon nombre de légumes, mais il doit être l'objet d'une surveillance attentive :

Pendant l'hiver : les périodes de froid et de forte gelée, conduisant à des températures assez basses et persistantes, peuvent permettre au froid de s'introduire par la cheminée d'aération. On remédie facilement à ce danger en supprimant momentanément le pot renversé sur la bouche d'aération et en couvrant de vieux sacs, de fumier, la ou les ouvertures d'aération. On sera sans inquiétude lorsque le thermomètre marquera +2 ou +3 degrés.

Au printemps : si la température s'élevait trop, on découvrirait le silo du côté de l'ombre, mais il n'y a réellement danger que lorsque la température atteint 12 à 15 degrés centigrades.

Se méfier des rongeurs : ils sont attirés par les légumes de choix, carottes principalement, à une époque où, au dehors, ils se nourrissent difficilement. Il sera prudent de tendre aux abords du ou des silos des pièges ou de déposer des appâts empoisonnés pour rats, souris, mulots.

Il reste à éviter la pourriture pouvant se produire à l'intérieur du silo :

Préventivement on la préviendra en n'ensilant que des légumes sains (aucune tache ni blessure), bien ressuyés, et en opérant comme il a été indiqué dans l'aménagement du silo.

Curativement, la bouillie bordelaise empêche la propagation des différentes sortes de pourritures risquant l'attaque des légumes mis en tas.

Ainsi, lorsqu'on ne possède pas de local sec de bonne cave pour conserver les légumes — et parfois même si nous en possédons — utilisons la pratique du sol : le meilleur, en tranchée, lorsque le sol est sain, et, si l'on redoute l'humidité, le silo en talus.

BOILEAU.

Le Chasseur Français N°644 Octobre 1950 Page 610