Accueil  > Années 1950  > N°644 Octobre 1950  > Page 609 Tous droits réservés

Campeurs

voici les bons champignons.

Nous avons parlé, dans le précédent numéro, des champignons dangereux. Je vous présenterai cette fois-ci les bons champignons ou, pour mieux dire, les champignons qui valent la peine d'être recherchés au point de vue gastronomique.

Chez les amanites, nous n'en retiendrons aucun pour les raisons indiquées dans notre précédente chronique. Certes, je sais bien que certains lecteurs originaires de régions où se trouve couramment l'Amanite des Césars (ou Oronge vraie) m'en voudront de ne pas recommander ce champignon succulent. Mais, dans le doute, il vaut mieux s'abstenir, et la confusion possible avec l'amanite fausse oronge est trop grave pour que la prudence me pousse à conseiller aux campeurs imparfaitement initiés à la mycologie de se priver d'un régal possible pour éviter un décès également possible.

Dans le genre Lépiote, nous trouvons un excellent champignon, la Lépiote élevée ou Coulemelle. C'est un grand champignon, assez haut (10 à 30 centimètres), chapeau large de 10 à 25 centimètres, conique, puis convexe et enfin étalé, pelucheux, couvert d'écailles brunes.

Les lames sont blanches. L'anneau très caractéristique, blanc au-dessus et brun au-dessous, coulisse sur le pied.

Le pied élancé est renflé à la base, ce qui pourrait faire croire à une volve, mais cette dernière n'existe pas. Son odeur est agréable. Il pousse en été et en automne dans les bois, les terrains sablonneux, les clairières. Seule confusion possible très dangereuse avec l'amanite panthère, mais celle-ci n'a pas d'anneau coulissant et possède une volve.

Dans les psalliotes se trouve un des meilleurs champignons, la Psalliote champêtre ou pratelle, appelée aussi agaric champêtre, rosé, champignon rosé, champignon des prés.

On le trouve, en effet, dans les prés à partir de septembre, et il doit son appellation de champignon rosé à la couleur de ses lames, rose clair lorsqu'il est jeune, puis devenant de plus en plus foncées pour tourner au noir lorsque le champignon est vieux. Sa chair, d'autre part, blanche tout d'abord, se colore légèrement en rose si on le coupe. Son chapeau, en globe d'abord, devient ensuite convexe, puis étalé. Il est quelquefois écailleux. Le pied est court, bien rempli. Il possède une collerette souvent fugace et est d'une odeur agréable. C'est ce champignon qui a pu être cultivé industriellement sous le nom de Champignon de Paris.

Une seule confusion possible, très dangereuse, mais facile à éviter, avec l'amanite phalloïde. La confusion n'est possible qu'avec des amanites jeunes. Bien faire attention, en les cueillant, de vérifier qu'il n'y a pas de volve. Regarder la couleur des lames (blanches chez l'amanite phalloïde).

La Psalliote des jachères (Boule-de-neige) est également comestible, mais moins agréable.

Chez les coprins, citons le Coprin chevelu, très bon, mais seulement lorsqu'il est jeune.

Dans les tricholomes, nous trouverons trois champignons connus : le Tricholome de la Saint-Georges ou Mousseron, le Tricholome colombette et le Pied bleu.

Le mousseron, champignon de printemps, pousse dans les prés et les clairières ; la Colombette et le Pied bleu sont des champignons de bois, d'été et d'automne. Les trois champignons n'ont ni volve, ni anneau. Le chapeau tient solidement à un pied fibrilleux.

Laissons de côté les entolomes, en nous rappelant que l'entolome livide est parmi les six champignons les plus dangereux, et les russules, bien qu'il y ait dans ce genre d'excellents comestibles, mais aussi des champignons toxiques, et arrivons au genre lactaire ; citons le Lactaire délicieux, peu apprécié en France, mais très prisé en Catalogne. Il croit en colonie sous les conifères ; il est orangé, parsemé de taches vertes, et devient presque vert en vieillissant. Si on le coupe, il s'en écoule un lait orangé.

Dans les chanterelles, nous trouvons : la Chanterelle jaune ou girole, que tout le monde connaît bien.

Nous venons de passer très rapidement en revue des champignons appartenant à la grande famille des agarics (champignons à lames). Dans les autres familles se trouvent d'excellents comestibles.

C'est ainsi que, dans la famille des polypores, nous trouvons les Cèpes ou Bolets, connus de tous. Ce sont des champignons à tubes et non à lames. Aucun champignon mortel ou très toxique. Se méfier du Bolet satan, très indigeste (bleuit fortement à l'air, pied avec réseau de petites veines rouges). Rechercher le Bolet bleuissant (pied blanc), le Bolet tête-de-nègre, le Cèpe de Bordeaux (les deux derniers étant les meilleurs). Dans la même famille, citons la Fistuline hépatique ou Langue-de-bœuf, champignon bizarre ressemblant à une langue ou un morceau de foie cru. Se mange grillé à la poêle comme du foie, ou cru.

Un autre bon champignon est le Pied-de-mouton (famille des hydnes). Au lieu de lames ou de tubes, cette famille possède en dessous du chapeau des aiguilles qui se détachent facilement si l'on y passe le doigt. Aucun champignon dangereux dans cette famille. La Craterelle, ou Corne d'abondance, ou Trompette de la mort, malgré ce dernier nom sinistre, est un excellent comestible très utilisé dans la cuisine chinoise. C'est une sorte d'entonnoir gris noirâtre à odeur de truffe. Il se conserve très bien (par dessiccation).

Chez les Clavaires, la Clavaire jaune (Barbe-de-bique dans le Perche) est très bonne (spécialement à la crème). Les clavaires se développent en rameaux ou en touffes et ont un aspect bien caractéristique. Aucun champignon toxique dans cette famille (quelques-uns purgatifs sans danger).

Enfin, citons la famille des morchellacées, dans laquelle se trouve la Morchelle ou Morille, bien connue de tous, et dont tous les genres sont excellents. Champignons de printemps, les helvelles et le gyromitre, qui ressemblent aux morilles, sont de bons comestibles également, mais toxiques à l'état cru. Citons encore les Lycoperdons ou Vesses-de-loup, très bons à l'état jeune, immangeables dès qu'il se forme à l'intérieur des spores qui s'en vont en fumée lorsqu'on les écrase, et enfin signalons la Truffe, champignon souterrain, poussant dans les bois de chênes, en terrain calcaire.

Voici donc une vingtaine de champignons vraiment fameux que vous êtes appelés à rencontrer dans vos balades. Mais les notes trop sommaires que je vous ai données ne peuvent pas vous permettre de partir dès demain à la recherche d'un plat succulent.

Ce que j'ai cherché, c'est de vous démontrer que la mycologie (étude des champignons) est un passe-temps passionnant et, au fond — au point de vue gastronomique, — pas si difficile que cela. Sur les milliers de champignons existants, il faut en connaître un peu plus de trente.

J.-J. BOUSQUET,

Président du Camping-Club de France.

Le Chasseur Français N°644 Octobre 1950 Page 609