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Les vieux et l'élevage

Les occupations ultimes.

— Après avoir bourlingué toute la vie, qui dans les administrations, les bureaux, les magasins, les ateliers, les chantiers ou dans les champs, il faut bien, sur le déclin, modérer son ardeur. On aspire à un repos relatif, éliminant les durs travaux.

Autrefois, avant les déflagrations qui ont détraqué notre planète, on vivait au ralenti avec les économies réalisées durant l'existence, et les vieux jours étaient à l'abri avec un couple de mille francs de revenus annuels.

Mais aujourd'hui, depuis que les réserves des épargnants ont disparu, on est obligé de travailler jusqu'à la fin du rêve philosophique qui veut que « la vie soit un songe et la mort un réveil ».

Les distractions de rapport.

— À moins d'être spécialiste de longue date en timbres-poste, en monnaies, en armes, en poteries, en meubles anciens, en tableaux, en livres rares, en papillons et autres collections ayant une valeur négociable, l'homme sur le déclin est obligé, pour vivre décemment, de s'occuper intellectuellement ou manuellement de productions pouvant lui procurer, en même temps que des satisfactions morales, des ressources pécuniaires ou vivrières lui permettant de continuer à faire bouillir la marmite.

Ce ne sont pas là des affirmations absurdes pour les économiquement faibles, ni même pour les petits retraités, réduits à la portion congrue. Il n'est donc pas superflu de rechercher pour eux les moyens d'utiliser les capacités que les vieilles générations possèdent encore, pour leur permettre d'améliorer leur situation oblitérée.

Les petits élevages.

— Tous ceux qui habitent la campagne ne doivent pas perdre de vue la question de leur approvisionnement familial en œufs, poulets, lapins, miel, etc., mais il vaut mieux entreprendre l'élevage des animaux de basse-cour sur une petite échelle, plutôt que de se spécialiser. C'est plus distrayant et moins absorbant pour des personnes âgées, dont la force et la résistance physiques diminuent progressivement avec les années, d'autant plus que ces petits élevages n'exigent pas l'apport de capitaux importants. Si on récolte un peu plus que pour les besoins de sa propre consommation, on vendra l'excédent dans son entourage, mais on ne cherchera pas à se lancer dans des entreprises qui ne cadreraient pas avec les moyens limités dont on dispose.

Si on entretient un parquet de poules pondeuses, on en limitera le nombre à 10, accompagnées d'un coq, en choisissant une race féconde, de taille moyenne, à aptitudes mixtes, de manière à pouvoir disposer, tous les ans, d'une couveuse apte à élever les poussins destinés au rajeunissement du troupeau et à l'élevage de quelques poulets de grain.

Dans le cas où on se trouverait à proximité d'un ruisselet ou d'une pièce d'eau, on pourrait remplacer les poules par des canes Kakhi ou Coureur, qui pondraient autant d'œufs, sinon plus, ceux-ci étant également à coquille blanche et d'une taille supérieure. Cinq ou dix canes, accompagnées de un ou deux mâles, suffiraient pour peupler la canardière.

Un clapier peuplé d'une seule lapine portière, s'il est bien conduit, pourra produire, bon an mal an, une vingtaine de lapereaux de consommation, ce qui est déjà appréciable. Si on disposait d'un terrain pouvant produire conjointement le foin, l'herbe et les racines fourragères, on pourrait entretenir deux lapines. Mais c'est là un maximum, car la conduite d'un clapier plus important exigerait beaucoup de travail.

Les pigeons étant moins intéressants au point de vue rapport, on se contentera de un ou deux couples de race féconde, donnant tous les ans 8 à 10 paires de pigeonneaux, par exemple des Carneaux ou des moyens Mondains. Mais leur nourriture, à base de graines de céréales et de légumineuses, est assez coûteuse.

Quant aux autres volailles, qu'il s'agisse de dindons, d'oies, de pintades, on ne les adoptera que dans certains cas spéciaux, lorsqu'il existe au voisinage de l'habitation des parcours non dommageables, tels que friches, landes broussailleuses, bosquets et bois, où elles pourront trouver une partie de leur nourriture en pâturant, en glanant et en chassant les insectes, les vers, les reptiles, etc.

Le rucher destiné à produire le miel utilisable à la maison, tant sous sa forme naturelle que pour la fabrication du pain d'épice, des bonbons, de l'hydromel et des liqueurs, se composera au minimum de deux ruches à cadres et d'une ruche vulgaire ou panier. On les installera à l'endroit le moins fréquenté du jardin.

Dans certaines situations, on pourrait s'intéresser aux escargots, à la pisciculture, à l'élevage des écrevisses ou au ver à soie, mais il s'agit là de spécialités que l'on ne peut guère entreprendre que sur une petite échelle.

Les petites cultures.

— Tout possesseur de jardin s'efforcera de lui faire produire le maximum de fruits et de légumes rentrant dans son alimentation, afin de ménager le plus possible un budget qui n'admet pas de prodigalités.

En produisant les plantes condimentaires, les artichauts, les asperges les carottes, les salades, les choux, les haricots, les poireaux, les fraises et surtout les pommes de terre, le problème du ravitaillement gratuit sera partiellement résolu, surtout si on est en possession d'arbres et d'arbustes fruitiers produisant pommes, poires, pêches, groseilles, etc., tous aliments sucrés réclamés par les personnes âgées et devant prolonger leur longévité.

Réflexions dernières.

— En pratiquant quelques-uns des petites cultures et des petits élevages passés en revue, lesquels n'exigent pas une application soutenue, ni des travaux de force, l'homme retiré des affaires se maintiendra en bonne forme, grâce aux occupations agréables qui soutiendront l'activité de ses organes, sans grande fatigue, et occuperont son esprit en l'empêchant de broyer du noir en songeant aux malaises de son âge.

En outre, les satisfactions morales qu'il éprouvera, du fait de sa défense sociologique, seront un autre réconfort, et il se portera bien mieux que les vieillards aigris se morfondant dans l'inaction. Au fur et à mesure que l'on avance en âge, il faut se rapprocher de la nature, c'est-à-dire des plantes et des bêtes. C'est le meilleur moyen de prolonger l'existence.

C. ARNOULD.

Le Chasseur Français N°644 Octobre 1950 Page 617