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Au rucher

Le sucre candi

Cette forme de cuisson du sucre est universellement employée pour compléter les provisions des abeilles chaque fois qu'il n'est pas permis d'utiliser une nourriture liquide : sirop ou miel. Un critérium permettant de juger quel produit est le plus adéquat nous est donné par les abeilles elles-mêmes ; tant que les sorties ne sont pas normales et que la température est basse ou va le devenir, donner du candi. Dans le doute, il vaudra toujours mieux le solide que le liquide, étant donnés les risques de dysenterie lorsque les ouvrières ne peuvent se vider ; cette dernière opération s'accomplissant uniquement en vol.

Nous sommes donc convaincus de l'utilité du sucre candi ou fondant des confiseurs, il nous reste maintenant à apprendre à le fabriquer nous-mêmes. Bien que ce soit un peu délicat à réussir la première fois, il suffit de s'y mettre en suivant bien les indications données et, même si nous ne faisons pas un produit parfait du premier coup, ne nous décourageons pas, nous ferons mieux la prochaine fois : c'est en forgeant qu'on devient forgeron.

Sachons d'abord que le candi est un mélange de sucre cristallisé et d'eau dans lequel il est dissous, puis concentré par la chaleur. Il y a plusieurs degrés principaux de concentration du sucre : le perlé, le soufflé, le boulé et le cassé ; après quoi, si l'on pousse la cuisson, on obtient du caramel.

Deux manières sont employées pour vérifier si l'on est au point voulu, qui est le boulé pour la fabrication du sucre candi :

    1° avoir une casserole avec de l'eau froide dans laquelle on trempe le doigt, puis dans le sirop et à nouveau dans l'eau froide ; la cuisson, est suffisante lorsque le sirop peut se rouler dans les doigts en formant une boule non poissante ;

    2° à l'aide d'un thermomètre qu'on plonge dans le sirop. Il faut savoir, en effet, que la température du mélange s'élève en même temps que le sirop se concentre. Si notre thermomètre est juste, le boulé correspond à une température de 118°. Il est bon de pratiquer la première méthode en même temps que la seconde au premier essai, de manière à déterminer exactement la température nécessaire pour un thermomètre donné, ceux-ci n'étant pas toujours très justes. Par la suite, il suffira de noter le degré indiqué et de s'y tenir. Personnellement, nous employons seulement le premier mode, qui nous fut enseigné par un confiseur et qui nous donne entière satisfaction.

Pour la première fois, opérer sur une petite quantité, un kilo par exemple ; à cause d'un échec possible, il vaut mieux limiter les dégâts.

Nous indiquerons les quantités à employer pour dix kilos de sucre : il n'y aura qu'à respecter ces proportions. Si on met trop d'eau, le seul inconvénient est que l'opération sera plus longue et, s'il n'y en a pas assez, tout le sucre ne pourra pas fondre.

Donc prendre un récipient en cuivre ou aluminium plus grand que cela est nécessaire, car le sirop monte et risque de déborder. Y mettre un litre trois quarts d'eau, chaude de préférence, verser dessus dix kilos de sucre cristallisé et chauffer à feu doux au début. Signalons que l'emploi d'un réchaud à gaz est très pratique parce que facilement réglable. Avoir une spatule en bois pour brasser, simple tige de bois assez forte et suffisamment longue pour la tenir à deux mains ; le brassage est nécessaire jusqu'à dissolution complète du sucre, ce qui est assez long. Dès que le sucre commence à fondre, augmenter le chauffage et faire bouillir lorsqu'il est dissous. Attention à la première ébullition ; si le sirop monte, diminuer le feu ou retirer un peu le récipient. Remettre ensuite à bouillir. De temps en temps, tremper un doigt dans de l'eau froide, puis dans le sirop, et à nouveau dans l'eau froide, et essayer de rouler le sirop dans ses doigts ; tant qu'il colle et se dissout dans l'eau, il n'est pas encore au point voulu ; continuons donc la cuisson jusqu'à ce que le sirop roulé entre le pouce et l'index fasse une boulette ne collant plus.

Le principal est de ne pas dépasser le degré voulu, et, si l'on est arrivé au cassé, c'est-à-dire si le sirop trempé dans l'eau froide se durcit et se brise, remettre vite un peu d'eau dans le mélange pour éviter la caramélisation et la perte de notre sucre.

Étant donc arrivé au degré nécessaire, ou boulé, si l'on veut utiliser par la suite un thermomètre, c'est le moment de le plonger dans le liquide et de noter le degré indiqué pour les opérations ultérieures.

Mélanger alors au sirop deux kilos de miel sain fondu au préalable et enlever du feu dès que l'ébullition reprend. Cette addition de miel n'est pas indispensable, mais rend le candi plus agréable aux abeilles. On peut, à ce moment-là, verser quatre à cinq gouttes de formol par kilo si on a eu des colonies atteintes de dysenterie.

Laisser refroidir. Pour aller plus vite, nous plongeons le récipient dans l'eau froide. Lorsque sa température est aux environs de 40°, ce dont en juge en touchant les parois sans se brûler, il faut malaxer énergiquement le sirop avec la spatule jusqu'à obtention d'une pâte blanche s'épaississant de plus en plus. Couler alors dans des boîtes contenant un à deux kilos de candi. Ces boîtes sont, par la suite, utilisées en les retournant simplement sur le trou nourrisseur du plafond dans une hausse sans cadres.

Pour les colonies dépourvues de provisions, nous avons des cadres garnis d'un côté par un morceau de contreplaqué et partagés au milieu par une barrette avec un rebord ; un autre rebord est mis à la traverse inférieure ; le candi y est coulé. Avec deux cadres semblables flanqués un de chaque côté du couvain, on assure d'un seul coup les provisions hivernales. Au printemps, dès que ces cadres sont vides, les enlever pour éviter des constructions parasites et nourrir par le trou supérieur.

Avant de terminer, disons que nos boîtes à candi sont garnies de baguettes à l'intérieur pour éviter que le candi, en se ramollissant, n'écrase les abeilles occupées à le sucer, ce qui nous est arrivé dans nos débuts.

Ne pas se décourager au premier essai s'il n'est pas très réussi ; en suivant à la lettre les indications données, on doit pouvoir arriver rapidement à un bon résultat.

R. GUILHOU,

Expert apicole.

Le Chasseur Français N°644 Octobre 1950 Page 619