Il est de règle de faire ses débuts en aquariophilie marine
avec les Actiniaires. Ces invertébrés sont en effet très résistants. Mais cela
n'a rien d'obligatoire et, si l'installation est réalisée de façon convenable,
on pourra tout aussi bien commencer avec les poissons. En vérité, le transport
des actiniaires est facile, de même que leur capture ; alors que le prix
de revient et de transport des poissons de mer est plus élevé, beaucoup.
Parmi les actinies, je ne recommanderais que les plus
faciles à obtenir et à conserver :
— l'actinie rouge-sang de la Méditerranée (Actinia equina) ;
— l'anémone, commune sur toutes nos côtes, choisie dans
ses variétés les plus accentuées en vert ou en gris violacé (Anemonia sulcata) ;
— l'œillet-houppe de mer, de coloration blanche, grise
et surtout orange pâle (Actinoloba dianthus) ; plus délicate,
redoutant la chaleur au-dessus de 17° C. ;
— l'actinie-fouets, claire ou foncée (Cerianthus membranaceus) ;
— l'actinie-dahlia, dans ses colorations roses et
violettes surtout (Tealia felina) ; craint également la chaleur
au-dessus de 17° C.
Je conseille de ne pas réunir dans un même bac les anémones
et les Tealia : il est préférable à mes yeux de ne tenir qu'une
seule espèce dans un bac. (C'est d'ailleurs une règle qui s'applique à tous les
animaux en captivité, en eau de mer aussi bien qu'en eau douce.)
Indépendamment des actinies, en remontant l'échelle
zoologique, un grand nombre de crustacés s'offre également à notre choix :
je crois bien qu'il faut, là encore, opérer une sévère sélection et qu'il
suffira de ne retenir que les plus jolis ou les plus curieux, tels que les
crevettes et les bernard-l'ermite, ou encore les plus placides, tels que les palinuridés,
dans leur stade juvénile tout au moins.
Parmi les différentes espèces de crevettes, Lysmata seticaudata
se distingue par sa belle coloration, bien qu'elle soit plus délicate. Elle est
d'un beau rouge carminé. Le corps est parcouru de bandes blanches presque
continues. Les autres espèces communes n'ont d'intérêt que par leur résistance
à toute épreuve et la grâce de leurs mouvements.
Les bernards sont certes amusants, mais querelleurs et
destructeurs enragés. Quelques espèces vivent en commensalisme, — et non
en symbiose, — avec une espèce déterminée d'actinie et méritent d'être
observées en aquarium. Les plus recommandables sont Bernardus striatus
et B. callidus, qui placent sur la coquille qu'ils habitent une ou
plusieurs grosses actinies : Sagartia parasitica. (Ne pas retenir B.
predeauxii, associé à Adamsia palliata, qui n'offrent pas autant
d'intérêt décoratif et dont la combativité est fort gênante).
Mais, si intéressants que soient ces animaux invertébrés, je
crois que les aquariophiles donneront leur préférence aux poissons, et surtout
aux poissons nageurs.
Beaucoup d'espèces atteignent une taille telle qu'elles
doivent être exclues de notre choix. Là encore, il faudra se limiter et ne
s'arrêter qu'aux petites tailles de couleurs vives.
De ce côté, la préférence irait inévitablement aux poissons
ramenés des mers tropicales, qui, une fois acclimatés, se montrent d'une
résistance supérieure. Ces poissons sont prestigieusement colorés et présentent
souvent des formes extraordinaires. De plus, il est possible d'obtenir les
pontes chez certaines espèces de Pomacentridés, sans que, jusqu'alors,
l'élevage des larves ait pu être réussi, en raison de la difficulté d'obtenir
les cultures de nourritures spéciales qui doivent leur convenir. (Ce point
mérite d'être tenté par les meilleurs éleveurs.)
Ces poissons des mers chaudes sont les plus magnifiques que
l'on puisse imaginer ! Certains exigent cependant de très grands
aquariums. Par ailleurs, ils sont encore présentement introuvables dans le
commerce et leur prix de vente évidemment très élevé. Ces raisons obligeront
les amateurs à se limiter aux poissons de nos côtes, dont on trouvera
ci-dessous une nomenclature résumée.
Les différents groupes de poissons.
— Quelques familles comprennent des genres et des
espèces qui peuvent fort bien s'accommoder de l'étroite captivité de l'aquarium
d'appartement :
Toutes les espèces de Gobies et de Blennies, mais ce ne sont
pas des poissons nageurs.
Parmi les Labridés, tous les Crénilabres (sauf le crénilabre
paon) et les Girolles (en particulier la girelle paon, rare, et la girelle
royale, commune). Les jeunes Labres verts.
Tous les Pagridés dans leur plus jeune âge, — moins de
six mois, — et en particulier les genres Diplodus, Pagrus et
Pagellus, dont les noms communs varient selon l'endroit. Ces poissons
sont omnivores et deviennent très familiers.
Parmi les Serranidés, retenir S. hepatus, de taille
réduite, appelé parfois tambour ; Apogon imberbis et Anthias sacer,
hôtes de la Méditerranée que certains nomment : castagnole rouge et castagnole
rose. D'autres encore, dans leur jeune âge, de la même famille, y compris les
très jeunes mérous. Tous se nourrissent de chair de poisson frais.
Les Hippocampes et leurs parents, moins décoratifs, de
petite taille du genre Siphonostome, Entelure et Nerophis. Mais ce groupe de
poissons exige des nourritures vivantes, très petites, qu'ils prélèvent
constamment sur le plancton et surtout sur les herbiers marins où ils vivent.
Il est presque toujours impossible de leur faire accepter la moindre variation
à ce régime, et je ne conseillerais pas ces poissons si l'on n'avait pas à sa
disposition des Mysis ou des Artemia, qui ne se trouvent, en saison, qu'en des
points déterminés de nos côtes.
Enfin, les Lepadogasters. Toutes les espèces seraient
parfaitement indiquées pour l'aquarium marin d'appartement, bien qu'ils se
tiennent cachés la plupart du temps, comme les Blennies.
Soins à donner.
— On devra tenir compte de la combativité habituelle et
générale de ces petits pensionnaires. Leur voracité est telle qu'il conviendra
de leur donner leur nourriture au moins deux fois par jour, et à refus. Ils
sont, — parmi ceux indiqués ci-dessus, — très faciles à nourrir, au
régime qui leur est convenable. Éloigner les parts de nourriture non consommées
dans le délai d'une demi-heure.
L'hygiène du milieu, et la nourriture sont les seules
conditions indispensables à la santé des captifs et tendent à éviter les
hostilités, les blessures et même ... les disparitions incompréhensibles
au premier abord.
Là comme ailleurs, l'observation méthodique guidera plus
sûrement l'aquariophile que tous les conseils.
En définitive, avec une installation réalisée de façon
convenable et sûre, et une pratique basée sur ces quelques données, il sera
facile de conserver chez soi, souvent pendant plusieurs années, ces animaux de
l'eau salée, dont la vue évoquera en nous la mer éloignée. Ils apporteront, de
jour en jour, maintes observations qui contribueront à les mieux connaître. Ils
s'intégreront même, logiquement, à notre vie personnelle comme un sujet de
détente et une source continuelle de petites satisfactions.
C'est pourquoi je souhaite et je conseille à chacun des
vrais amis de la nature d'installer chez soi, dans la pièce préférée, un
prestigieux aquarium marin !
J. GARNAUD.
(1) Voir le Chasseur Français de juin 1950.
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