Dans nos précédentes causeries, nos lecteurs ont pu
remarquer combien nous insistions en faveur de l'emploi des charges normales
actuelles dans les différents calibres, en les mettant en garde contre la
tendance à l'utilisation des armes surchargées ou sous-chargées. D'autre part,
nous avons longuement expliqué les raisons pour lesquelles la charge moyenne
convenant à nos chasses françaises était voisine d'une trentaine de grammes de
plomb, soit environ celle d'un calibre 16. En dehors de ce dernier, les chasseurs
adroits se trouvent fort bien armés par le calibre 20 et les amateurs de coups
de longueur ont toute satisfaction du calibre 12.
Ceci étant entendu, il convient de reconnaître que celui-ci
est assez différent du calibre 12 de nos grands-pères ; dans l'arme
actuelle, on a quelque peu sacrifié, pour d'excellentes raisons d'ailleurs, la
puissance à la commodité d'usage, puisque la charge de 32 grammes se trouve
bien suffisante dans la très grande majorité des cas. Dans l'ancien calibre 12,
à l'époque à laquelle la définition même du calibre gardait sa signification
théorique, la charge était voisine d'une quarantaine de grammes ; nous
remarquerons toutefois que, chargé en poudre noire, la vitesse des plombs était
inférieure à la vitesse de 375 mètres actuellement utilisée avec les poudres
sans fumée.
Nous avons également répété que, dans la plupart des cas qui
se présentent en chasse courante, il ne convient pas d'attacher une trop grande
importance à la question des calibres. Un calibre 16 bien chargé vaut mieux
qu'un calibre 12 léger sous-chargé, et il faut toujours avoir présente à
l'esprit cette vérité première que l'on ne tue pas du gibier en raison du
calibre que l'on emploie, mais bien en raison de la charge que l'on y met. À
chacun de choisir suivant son terrain de chasse et son adresse.
Il y a toutefois des cas particuliers. Il est bien certain
qu'au delà du calibre 12 chargé à 32 grammes il ne restait guère, jusqu'à
présent, que le calibre 10 chargé à 45 grammes, arme encore maniable et
convenant très bien comme petit canardier. Tous les spécialistes de la hutte,
du gabion et même du tir à la passée apprécient le calibre 10 à sa valeur, mais
beaucoup de chasseurs armés de calibre 12 et n'ayant que peu d'occasions
d'utiliser un plus gros calibre hésitent à acquérir un calibre 10. Ils seraient
cependant désireux de pouvoir augmenter la puissance de leur arme sans glisser
dans la complexité des munitions.
Les tireurs aux pigeons, limités par le règlement de ce
genre de compétitions au calibre 12, ont cherché à faire donner aux armes de ce
calibre le maximum de puissance et exigent des fusils chambrés à 70
millimètres, pouvant tirer dans de bonnes conditions la charge de 36 grammes de
plomb sans diminution de vitesse. Ces fusils, munis de platines spéciales et
fabriqués en petite série, sont toujours d'un prix très élevé et ne conviennent
guère à la chasse à tir, dans laquelle les conditions d'utilisation de l'arme
sont très différentes.
La cartouche contenant une charge de poudre T de 2gr,40
et 36 grammes de plomb réalise un gain de puissance et, par conséquent, de
portée efficace notable sur le calibre 12 chargé à 32 grammes, excellent
calibre à tout faire, mais qui est en réalité un calibre 14. Nous pourrions
chiffrer exactement ce gain de portée efficace, qui varie d'ailleurs avec le
numéro de plomb employé, mais nous en donnerons une idée assez exacte à nos
lecteurs en notant qu'il est de l'ordre de celui que l'on réalise en passant de
l'emploi du calibre 16 au calibre 12 ordinaire. Pour certaines chasses, cette
possibilité est très intéressante.
Nous croyons même possible d'envisager, avec les canons de
76 centimètres, en revenant occasionnellement à l'emploi de la poudre noire, le
tir de la charge de 39 grammes à la vitesse initiale de 360 mètres. Cette
combinaison balistique, avec l'emploi des numéros de plomb supérieurs au 4,
peut être utile dans certains cas.
Le fusil de chasse calibre 12 chambré à 70 millimètres et
muni de canons de 76 centimètres sera particulièrement utile aux tireurs
occasionnels de sauvagine et aux chasseurs des diverses régions de l'Union
française qui préfèrent des armes plus puissantes que celles normalement
utilisées dans la métropole. Nous croyons également que beaucoup de ruraux
peuvent avoir de nombreuses occasions de se servir d'un calibre 12 renforcé à
un coup, qui possède, comme tous les monocanons, une précision et un groupement
remarquables. C'est une arme parfaite pour la destruction des corbeaux, ramiers
et autres oiseaux sédentaires ou de passage, toujours disposés à prélever leur
dîme sur les récoltes. Les agriculteurs apprécieront certainement tout de suite
les avantages qu'ils auront à avoir toujours une arme de ce genre à leur
portée.
Il nous reste à examiner la question du recul, qui peut
faire hésiter quelques amateurs. En ce qui concerne le fusil double, son poids
lui permet de tirer la charge de 36 grammes sans recul désagréable, et les
usagers ne sont pas plus désavantagés à ce point de vue que les tireurs aux
pigeons.
Quant au calibre 12 à un coup, un sabot amortisseur en
caoutchouc en permettra l'usage aux plus délicats de l'épaule. Rappelons, en
outre, que l'on peut toujours diminuer très facilement le recul d'une arme en
en augmentant le poids par l'interposition d'une plaque de plomb entre la
crosse et la plaque de couche. Cette modification peut être définitive ou
temporaire, suivant l'usage.
Les munitions employées dans les calibres 12 renforcés
devront être, bien entendu, de toute première qualité : excellentes
douilles conservant à la poudre toute sa puissance, très bons bourrages et
plomb durci.
Nous croyons que les chasseurs qui fixeront leur choix sur
ces armes ne regretteront pas leur acquisition, et nous sommes assuré par
avance de leur succès ... avec quelque peu d'adresse, bien entendu.
M. MARCHAND,
Ingénieur E. C. P.
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