Dans une causerie insérée il y a quelques mois dans les
colonnes du Chasseur Français, nous avons cherché à préciser dans quels
cas les agents chargés de la police de la chasse pouvaient être autorisés à
procéder à la fouille des personnes soupçonnées d'être en délit de chasse. Et
nous avions conclu que ceci ne pouvait se produire que dans des cas tout à fait
exceptionnels. Si les dispositions de la loi sur la chasse ne sont pas très
nettes à cet égard, cette loi contient cependant des dispositions qui montrent
que le législateur a cru devoir, en cette matière, n'autoriser
qu'exceptionnellement à se saisir de la personne du délinquant : il en est
spécialement ainsi de la disposition de l'article 25 portant que les
délinquants ne pourront être saisis, ou désarmés, à moins qu'ils ne soient
déguisés ou masqués, ou qu'ils refusent de faire connaître leur nom, ou qu'ils
n'aient pas de domicile connu.
Depuis qu'a paru cette causerie, plusieurs lecteurs ou
abonnés nous ont écrit, non pas tant pour critiquer les conclusions auxquelles
nous arrivions que pour nous soumettre des cas particuliers dont ils ont eu
connaissance. Nous ne pourrions, faute de place, nous livrer ici à une étude
particulière de chacun des cas qui nous ont été soumis. Nous estimons donner à
nos correspondants une réponse suffisante en formulant comme suit la règle
applicable : si toute personne trouvée en action de chasse par un garde,
interpellée d'avoir à justifier de la possession d'un permis de chasse et de
son identité, est tenue de répondre et de fournir les justifications demandées,
elle n'a pas l'obligation de faire plus, particulièrement de permettre au garde
de visiter son carnier. D'autre part, en dehors de toute action de chasse, soit
qu'on se rende sur le terrain de chasse avec chiens tenus en laisse et fusil à
la bretelle, soit qu'on revienne d'une partie de chasse avec armes et chiens et
carnier bien gonflé, il n'appartient aucunement aux gardes de demander de
justifications même relatives à l'identité ou à la possession du permis, ni, à
plus forte raison, de visiter le carnier ou la voiture.
Il n'est dérogé à ces règles, en dehors des trois cas prévus
par l'article 25 rappelés ci-dessus, qu'en ce qui concerne la recherche du
gibier en temps prohibé.
En matière de pêche, les règles concernant le droit de
visite et de fouille accordé aux agents chargés de la surveillance et de la
constatation des délits ne sont pas identiques à celles applicables en matière
de chasse, du moins lorsqu'il s'agit de personnes trouvées en train de pêcher. En
cette matière, en effet, il y a lieu de tenir compte de la disposition de
l'article 34 de la loi du 15 avril 1829, modifié par la loi du 12 juillet
1941, qui oblige les pêcheurs à amener leurs bateaux et de faire l'ouverture de
leurs loges, hangars, bannetons, huches, paniers et autres réservoirs et
boutiques à poissons, à toute réquisition des agents préposés à la surveillance
de la pêche, à l'effet de constater les contraventions qui pourraient être
commises aux dispositions des lois sur la pêche et qui punit d'une amende de 50
francs ceux qui s'opposeront à la visite ou refuseront l'ouverture de leur
boutique à poissons.
Mais, en dehors de l'application de cette disposition, ainsi
que de celle relative au colportage du poisson en temps prohibé autorisant les
agents, durant la période de prohibition, à visiter les voitures, bateaux,
ainsi que les paniers portés par des bêtes de somme, les règles exposées
ci-dessus relatives à la fouille des personnes s'appliquent en matière de pêche
comme en matière de chasse. Nous estimons donc que constitue un abus de droit
et un acte illégal le fait par un garde-pêche d'interpeller une personne
rencontrée par lui se dirigeant vers la rivière et d'user de violence pour
s'emparer des filets ou engins dont elle s'est munie en vue d'une partie de
pêche, alors surtout que la rencontre avait lieu sur une propriété privée et
que rien ne devait donner à penser à ce garde qu'il aurait affaire à un
braconnier.
Par contre, on admet en général que, lorsque le pêcheur est
en train de pêcher et est muni d'un récipient (panier, boîte, sac de linge)
dans lequel il met les poissons pris par lui, le garde a le droit de vérifier
le contenu de ce récipient s'il est déposé sur la rive ou dans la barque à côté
du pêcheur, ou s'il a vu le pêcheur sortant le poisson de l'eau et le déposant
dans un récipient qu'il tient à la main, sans que cependant, même en cette
dernière hypothèse, le garde puisse aller jusqu'à la fouille de la personne
même (Raux, Régime admin. et jurid. de la pêche fluviale, p. 308-309).
Paul COLIN,
Docteur en droit, avocat honoraire à la Cour d'appel de Paris.
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