La réglementation relative à la nomination des juges a fait
l'objet d'une instruction de la Société centrale canine, mise en vigueur à
partir du 1er avril 1946. Cette instruction a modifié
avantageusement le système antérieur, qui était moins exigeant. Les grandes
lignes du règlement actuellement en vigueur s'analysent comme suit :
Tous les juges d'expositions ou d'épreuves d'utilisation
sont nommés par la Société centrale canine.
En principe, cette nomination est prononcée sur la
proposition des clubs spéciaux, mais des candidats peuvent aussi être proposés
directement par la Société centrale canine ou les sociétés canines régionales.
La procédure diffère suivant les deux cas.
Le club spécial qui propose un candidat juge est entièrement
responsable de sa proposition. Le président du club fournit au préalable à la
S. C. C. une fiche affirmant que le candidat jouit d'une honorabilité
certaine et de la considération générale, qu'il a du tact, de la dignité dans
la vie courante, qu'il connaît tous les règlements de la S. C. C.,
qu'il possède les connaissances générales, scientifiques et pratiques
nécessaires pour servir de guide et de conseiller. Bien entendu, il doit
certifier, en outre, que le candidat a une compétence certaine sur la race des
chiens qu'il sera appelé à juger, mais aussi qu'il est un réel cynophile, amateur
notoire (sic), ne faisant pas commerce habituel de chiens.
La commission des juges de la S. C. C. examine ces
renseignements, procède elle-même à une enquête si elle le juge bon et décide
si la proposition doit être prise en considération.
Dans l'affirmative, le candidat est nommé juge stagiaire
et pourra juger dans les expositions ne comportant pas d'attribution de C. A. C.
Lorsqu'il aura jugé trois fois au moins avec satisfaction, c'est encore à la
requête du club spécial qu'il sera proposé à la S. C. C. pour être
nommé juge qualifié. La commission des juges doit alors procéder à une
enquête pour s'assurer que les fonctions de juge stagiaire ont été assumées
correctement et prononce ou refuse la qualification définitive.
Un juge qualifié pour une race peut, ensuite, l'être pour
d'autres par des formalités plus simples.
Le deuxième procédé de nomination des juges d'exposition, à
la diligence directe de la S. C. C. ou des sociétés canines régionales,
exige les mêmes garanties morales et générales que le premier, mais, en outre,
il prévoit un examen comportant des épreuves orales et des épreuves écrites.
Les épreuves orales doivent être passées devant un jury
composé de trois examinateurs, dont un vétérinaire spécialisé en matière
canine, de préférence professeur à une école vétérinaire, et deux juges
qualifiés ; l'un ayant plus spécialement des connaissances de zootechnie
canine, et l’autre parmi ceux connaissant parfaitement la race que désire juger
le candidat.
Celui-ci subit trois questions de la part de chacun des
trois examinateurs. Celles du premier sont relatives à l'anatomie du chien ;
celles du second, à la physiologie canine et à la réglementation des
expositions ; celles du troisième sont relatives aux qualités et défauts
de la race.
Les motifs des décisions des examinateurs sont secrets, mais
la décision doit être unanime. Si le candidat est agréé, il assistera à deux
expositions désignées par la S. C. C. aux côtés de deux juges
qualifiés différents pour la race objet de la candidature, mais il devra se
borner à répondre aux questions qui lui seront posées par les juges et à
écouter les indications que ces derniers voudront bien lui donner.
Après avoir accompli ces formalités avec satisfaction, le
candidat demandera à la S. C. C. que lui soit désignée une exposition
où, avant le jugement, et en présence du juge, il pourra procéder, dans le
ring, à l'examen des concurrents d'une classe importante des sujets de la race
choisie (exposition avec C. A. C.). Au cours de cet examen, il devra,
sans jamais adresser la parole au juge, prendre des notes sur chacun des
concurrents, sans indication de classement. Avant de quitter le ring, il
remettra sous pli fermé ses notes au juge, qui les transmettra à la S. C. C.
avec son appréciation. C'est ce qui constitue l'épreuve écrite de l'examen.
La commission des juges statue au vu du dossier et propose
ou refuse la nomination du candidat comme juge stagiaire. Dès lors, le juge
stagiaire devient juge qualifié dans les mêmes conditions que dans le premier
procédé.
Il résulte de cette double réglementation que ceux qui l’ont
conçue ont eu le souci sincère d'entourer les nominations de juges de toutes les
garanties possibles. Si cette réglementation était strictement appliquée, un
pas énorme serait fait vers la revalorisation des jugements. Mais, en pratique,
cette procédure est bien souvent violée dans son esprit et dans sa forme. Les
responsables osent bien rarement opposer leur veto à certains candidats plus intrigants
que compétents ; les relations, les influences ont souvent plus de poids que
les connaissances techniques. Les sociétés canines régionales, organisatrices
d'expositions, cherchent de plus en plus, pour éviter des frais de déplacements
coûteux, à avoir dans leur sein, ou à proximité, des juges qualifiés pour de
nombreuses races. Elles sont donc tentées de se substituer aux clubs pour
proposer des candidats. En ce cas, elles s'efforcent de suggérer aux clubs
telles candidatures ; il est souvent très délicat, pour les présidents de
ceux-ci, d'opposer leur refus. En fait, les examens sont rares ; c'est
pour les éliminer que les sociétés régionales font ainsi pression sur les clubs.
Or, si la procédure comportant l'examen offre toutes les
garanties, celle prévue lorsque le club propose un candidat est, en pratique,
insuffisante.
Nous disons en pratique, car, en principe, elle est aussi
inattaquable, attendu que le club responsable de la candidature a pour mission
l'éducation, la formation des juges, et donc, ipso facto, est censé
l'avoir assurée. C'est pour cette raison que les candidats proposés par les clubs
sont dispensés de l'examen. Cette lacune est importante ; elle détruit, en
fait, la garantie qu'avec un soin méticuleux a voulu imposer l'auteur des
règlements que nous avons analysés.
S'il s'agit d'un candidat d'une compétence notoire, membre
du club ou non, la procédure simplifiée est, certes, suffisante. Mais de tels
candidats se comptent sur les doigts d'une main, mettons des deux dans les clubs
les plus importants. Nous voulons dire, non pas que les compétences soient
rares, mais qu'il est bien difficile, pour un président de club, de les
connaître et les apprécier. À plus forte raison lorsque le candidat est
étranger au club et n'a ni élevé ni utilisé la race.
Beaucoup de juges, déjà qualifiés pour d'autres races,
sollicitent un club pour être proposé comme juge de celle dont il est
responsable. Sa compétence à cette fin ne résulte nullement de celle dont il
peut faire preuve par ailleurs. Un amateur, un éleveur de la race demande à son
club de proposer sa candidature ; sa qualité de vieux membre du club, son
honorabilité ne prouvent pas non plus son aptitude aux jugements. Dans les deux
cas, le président saisi est fort embarrassé, soit qu'il doute des « connaissances
scientifiques et pratiques et de la compétence certaine sur la race »
prévues et exigées, à juste titre, par le règlement et le simple bon sens,
soit, simplement, qu'il les ignore. Son embarras serait éliminé si l'examen
était, dans tous les cas, obligatoire.
Or cette lacune, dénoncée ci-dessus, n'est pas le fait du
règlement. Celui-ci fait confiance aux clubs pour éduquer les juges ;
c'est donc aux clubs qu'il appartient de prévoir et régir cette formation. En
est-il, jusqu'ici, beaucoup qui aient eu souci de la question ? Nous n'en
connaissons qu'un (que les autres, s'il en est, nous en excusent) et, si ses louables
efforts ne sont pas couronnés de succès, il aura néanmoins montré la voie et,
une fois de plus, peut-être, donné l'exempte de l'utile. Car le problème est un
de ceux qui devraient être au premier chef du vrai rôle des clubs, rôle souvent
perdu de vue et qui mérite d'être rappelé à l'attention des cynophiles.
Un club conscient des responsabilités qui lui incombent et
soucieux de l'avenir de la race aux destinées de laquelle il préside doit
entourer de tous ses soins la proposition de ses juges.
Le moyen le plus simple et le plus rationnel est pour lui
d'imposer l'examen à tous les candidats. Certes, pour un juge déjà qualifié
pour d'autres races, l'examen ne devrait porter que sur les caractères de la
race en cause ; mais, pour les autres candidats, quelles que soient leurs
qualités, leur expérience même de la race, l'examen devrait être complet, ne
serait-ce que pour éliminer les intrigues et dégager le président du club.
Les difficultés matérielles ne sauraient être un obstacle
sérieux ; la S. C. C. elle-même les a prévues et résolues.
Quant aux candidats, ils ne sauraient s'y montrer hostiles
et gagneraient au procédé une autorité très grandement accrue, doublée d'une
assurance incontestable, avec cette satisfaction que donne à la conscience
l'exécution d'une fonction que l'on sait avoir méritée.
Jean CASTAING.
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