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Le bouledogue français

Dans beaucoup de races de chiens, il y a eu et il y a encore trois tailles. Pour nos dogues français, le grand est représenté par le dogue de Bordeaux, le moyen par le doguin, et le nain par notre bouledogue français.

L'origine du bouledogue français a donné lieu à de nombreuses controverses ; c'est un chien qui n'est pas fabriqué d'hier ; malheureusement, il existe peu de descriptions anciennes, et très peu ou pas de gravures de bouledogues de l'ancien temps.

Les vieux auteurs le décrivent comme un chien combatif, très courageux, aux formes trapues, au museau court et large, à mâchoire inférieure forte et avançant sur la mâchoire supérieure ; son caractère est énergique et redoutable. Il se rattache par sa conformation et son tempérament au dogue antique, ce puissant molosse qui serait d'origine asiatique et à la base de toutes les races de dogues actuels, qui ont des représentants dans tous les pays !

Selon certains auteurs, c'est surtout en Angleterre qu'on y pratiquait l'élevage sur une grande échelle pour expédier les bouledogues dans les pays où les combats d'animaux avaient lieu. Autrefois le bouledogue, ou bulldog, était spécialement dressé (en particulier en Espagne et au Portugal) pour des combats de taureaux.

En 1133, sous le règne de Henri II d'Angleterre, on employait ces dogues à des combats contre l'ours et le taureau. On sélectionna sur le type bouledogue, plus ramassé et trapu, quoique aussi musclé et agile, mais moins vulnérable devant l'adversaire, donc plus apte à affronter le taureau.

Interdits par une loi en 1835, ces combats cessèrent ; il en résulta une certaine dégénérescence pour ces chiens, dont la race périclita, faute d'être employée. On cita, en 1860, l'émigration des dentelliers de Nottingham et de Sheffield sur les côtes normandes, accompagnés de petits bouledogues qui avaient beaucoup évolué.

L'inactivité, les méthodes d'élevage ont finalement modifié ce chien de combat, et le bouledogue de nos jours, transformé, a conservé de son ancêtre le molosse les qualités de courage, de ténacité, de détermination et de fidélité.

Physiquement il est bâti comme un petit athlète, compact, avec le crâne massif, le museau large, le nez retroussé, la mâchoire inférieure débordante, le cou épais, la poitrine large, les membres droits et musclés ! C'est un chien harmonieux ; sa démarche est active et légère, trottante et même galopante.

La caractéristique de cette race est de ne pas avoir de nez. Il est si réduit, le nez du bouledogue, que pratiquement il n'en a pas. La truffe doit être ouverte, et la cassure du nez, ou stop, très prononcée ; ce nez paraît remonter vers le crâne. À ce sujet, Pierre Mégnin dit que cette transformation est due à un arrêt de développement des os sus-naseaux et à un développement plutôt en largeur des autres os. C'est une anomalie héréditaire, et qui tend à s'exagérer à mesure que la taille rapetisse.

L'origine du bouledogue fut très discutée, mais l'opinion autorisée de la comtesse de Comminges, qui a consacré un livre très documenté à ce chien intéressant, permet de situer non sans fondement le berceau de la race en Angleterre et d'admettre qu'elle est issue d'un croisement entre terrier et le bulldog anglais léger, que l'on voit dans les vieilles gravures aux environs de 1848.

Ils apparurent en France vers 1840. Quelques grands chasseurs, dont le comte Le Coulteulx de Canteleux, en importèrent d'Angleterre pour la chasse aux blaireaux, leur reconnaissant un mordant supérieur à celui des terriers. Ils étaient très différents du type d'aujourd'hui.

Cette race a été revendiquée par les Français, qui ont fixé le type si caractéristique de ces chiens par des croisements habiles et judicieux avec de petits chiens ratiers sans races bien définies, qui existaient il y a près d'un siècle et rappelaient les terriers et petits bulldogs.

Ils étaient dans les mains de gens modestes, de petits artisans qui travaillèrent dans l'ombre au début. Ils apparurent dans les écuries des faubourgs comme chiens ratiers; les cochers de fiacre et les bouchers de La Villette les préfèrent aux terriers. Les propriétaires de ces chiens, passionnés d'élevage, vivaient entre eux, dédaignant la publicité, comparant et discutant les mérites de leurs chiens derrière le comptoir des marchands de vin ou l'échoppe du savetier; ils sélectionnèrent dans des portées les animaux correspondant le mieux à leur idéal.

Ces ouvriers de la première heure ont donné un chien typiquement français dont l'étranger ne conteste plus la paternité à la France, et dont il a adopté le standard.

En 1885, les bouledogues eurent un registre et firent leur apparition dans les expositions. Le Club du bouledogue français fut fondé en 1898.

Chien de compagnie, de garde et d'agrément, le bouledogue français doit avoir l'apparence d'un animal actif, intelligent, très musclé, d'une structure compacte et d'une solide ossature. Il est puissant dans sa petite taille, bréviligne ; toutes ses proportions sont ramassées ; il a le poil ras, la face courte et camuse, les oreilles droites et la queue naturellement courte.

La tête doit être très forte, large et carrée, la peau la recouvrant formant des plis et des rides presque symétriques.

Le nez large et très court, remouché ; le chanfrein présente des plis concentriquement symétriques sur les lèvres supérieures, qui doivent être épaisses et noires. Les dents ne doivent pas être visibles, la langue ne doit jamais être apparente. Le profil de la lèvre supérieure est descendant et arrondi.

Les mâchoires sont larges, carrées et puissantes ; les muscles des joues bien développés, mais non saillants.

Le front est très bombé, le crâne large, presque plat, les arcades sourcilières proéminentes.

Les yeux ont une expression éveillée et sont placés bas, assez loin du nez et surtout de l'oreille, de couleur foncée, assez grands et bien ronds. Les paupières sont bien noires.

L'oreille est droite, de grandeur moyenne, large à la base et arrondie au sommet, placée haut sur la tête.

L'épaule est courte et peu mobile, le bras court; leur musculature est ferme et bien détachée. L'avant-bras court, rectiligne et musclé. Les aplombs sont réguliers vu de profil et de devant. Les pieds, dits « pieds de chat », bien ronds, les ongles courts, les soles dures, épaisses et noires.

Le corps est compact, le poitrail ouvert, les côtes « en tonneau », le dos large, le rein court, le ventre remonté sans être levrette, la croupe oblique.

La cuisse est ferme et peu gigotée, les membres postérieurs sont forts et musclés, un peu plus longs que les membres antérieurs.

La queue est courte naturellement, épaisse à la base, nouée ou effilée du bout. Le port même en action reste en dessous de l'horizontale.

La robe doit être d'un beau poil ras, serré, brillant et doux. Elle comporte deux couleurs : le bringé et le caille.

Le poids ne doit pas être inférieur à 8 kilogrammes, ni supérieur à 14 kilogrammes.

A. PERRON.

Le Chasseur Français N°645 Novembre 1950 Page 658