« L'hiver mûrit les labours. »
En agriculture, les labours d'automne sont toujours les
meilleurs, car « l'hiver mûrit les labours », c'est-à-dire que les
pluies et les gelées d'hiver, exercent une action des plus heureuse sur la
terre. De plus, le fouillage du sous-sol, ou sous-solage, a été reconnu
absolument nécessaire pour l'obtention de belles récoltes et pour faire de la
bonne culture. Or, en horticulture, ces deux opérations culturales excellentes
ne sont pas toujours suffisamment pratiquées : le défoncement et le
bêchage d'automne.
Le défoncement au potager.
— C'est l'opération qui consiste à retourner le sol et
à l'ameublir sur une épaisseur de 40 à 50 centimètres. Cette pratique culturale
est nécessaire en général pour tout terrain neuf qui doit être défoncé lors de
la création d'un jardin, mais l'opération est également excellente et « rentable »
pour tout potager : chaque année, on défoncera le quart ou le cinquième du
terrain, si bien qu'au bout de quatre ou cinq ans tout le potager sera entièrement
défoncé, car les bêchages ordinaires à 20, ou même à 30 centimètres, n'aèrent
pas suffisamment le sol.
L'opération est subordonnée à :
1° Des conditions de terrain : si le sol et le
sous-sol sont de qualité sensiblement égale, il n'y aura aucun inconvénient à
mélanger de façon intime toutes les parties de l'un et de l'autre, y compris
les engrais organiques, le fumier que l'on doit ajouter dès le début. Mais, si
le sol et le sous-sol sont de nature différente, on opérera tout autrement :
si ce dernier est siliceux ou marneux, mais peu fertile, on le remuera sur
place, tandis que le sol, abondamment fumé, ne sera retourné que dans sa couche
superficielle.
2° Des conditions d'époque : l'opération se fera
à l'automne ou au début de l'hiver, le plus tôt possible, dès que les carrés
sont vides ; en effet, le travail, d'une part, est plus facile puisque le
sol est débarrassé et, d'autre part, plus complet, par suite de l'action
bienfaisante des alternatives de pluie et de gel qui dissocient les mottes. Mais
on ne travaillera jamais la terre par temps pluvieux, neigeux, ou lorsque le
sol est gelé : les mottes retournées à l'air durciraient et auraient des
difficultés pour s'émietter ultérieurement et être ameublies par la suite.
Pratique de l'opération.
— Au préalable, on nettoiera convenablement le terrain
à l'aide de la bêche ou d'une pioche. L'herbe retirée, même si elle se présente
en plaques, sera mise au compost, les racines en l'air, et, au bout d'un an,
après plusieurs recoupements du tas, elle aidera à fournir un excellent compost
de rempotage.
Le défoncement se pratique alors à jauge simple ou à
double jauge.
Jauge simple.
— Découper à la bêche les limites du travail à
effectuer, ouvrir, sur le côté le moins large de la parcelle (lorsqu'elle est
en pente, commencer en haut de celle-ci), une raie suffisamment large :
deux bons fers de bêche en largeur, et opérer en profondeur selon les
indications données plus haut. Ramasser les cailloux, pierres et débris (bois,
etc.), retirer soigneusement les racines de liseron et de chiendent, de
renoncule — qu'il ne faut jamais enterrer dans la jauge, — tandis que
toutes les autres mauvaises plantes, en raison de la profondeur, pourront être
enfouies. On profitera du défoncement pour remettre la surface du sol à niveau
(comblement des creux).
Jauge double.
— Pour défoncer à double jauge, ouvrir la jauge a,
transporter la terre retirée à l'autre bout de la fouille, celle de la jauge b,
de même largeur, également. Le sous-sol étant mis à nu, enlever la terre en a',
la mettre également en réserve, rejeter alors en a' la terre de b’,
en a la terre de c, etc., et continuer en déplaçant ainsi
successivement les deux couches. À l'extrémité, utiliser la terre réservée pour
achever le travail.
Ainsi pratiqué à bon escient, le défoncement modifiera
totalement la constitution physique du sol : lorsque, pour planter la
vigne, celui-ci a été soigneusement défoncé, à 40 ou 50 centimètres, voyez avec
quelle vigueur croissent haricots, betteraves et toutes plantes en général.
Donc, lorsque le sous-sol ne se révèle pas infertile ou de mauvaise qualité, il
n'y a qu'avantage à en incorporer graduellement et, dans ce cas, mieux vaut
accroître la profondeur que de doubler la superficie : 6 ares défoncés
chaque fois que cela est possible rapporteront autant que 8 à 12 ares
travaillés superficiellement.
Bêchage d'automne.
— Si l'on se rappelle que le sol est un milieu vivant,
un « véritable laboratoire », on comprendra aisément le rôle multiple
joué par le bêchage ou labour d'automne.
1° Il ameublit le sol ultérieurement : les racines des
plantes doivent s'enfoncer aussi profondément que possible, afin d'y puiser
leur nourriture, ce qu'elles ne peuvent faire que si le sol est bien meuble ;
2° Il aère le sol : l'air est nécessaire à la vie des
milliards de microbes vivant dans ce sol ;
3° Il favorise la pénétration de l'eau : l'eau, élément
nécessaire à la vie végétale, ne peut pénétrer en sol tassé, sur lequel elle
ruisselle ;
4° Il permet l'enfouissement au moment opportun des engrais
(sauf nitrates), qui seront ainsi mis à la disposition des plantes de façon
favorable ;
5° Enfin ils nettoient le sol : les mauvaises herbes
enlevées ou enterrées ne grainent pas et débarrassent le terrain.
Pratique du bêchage d'automne.
— Il se pratiquera sous forme de « labour en
billons ». Diviser le carré en bandes de 80 centimètres de largeur et
bêcher à grosses mottes, ramener la terre vers le milieu de chaque
bande. Ne pas hésiter à faire des grosses mottes : les intervalles
permettront à l'air de circuler facilement, et les alternatives de gel et de
dégel les émietteront facilement. En terre forte et quelque peu humide,
orientez les billons dans le sens de la pente, afin de favoriser l'écoulement
de l'eau. Outre que cette disposition offre les avantages ainsi indiqués, au
printemps elle fera gagner du temps : pour dresser le terrain, il suffira
d'écrêter les billons à la fourche et de niveler. Un labour à plat sera le
complément heureux, car il donnera un sol meuble, aéré, régulier, également enrichi.
Ainsi pratiqués, défoncement et labour d'automne assureront
à notre potager une excellente structure physique ; ce gage de la bonne
constitution du sol est l'élément fondamental de la réussite ultérieure de nos
cultures.
BOILEAU.
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