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Une entreprise algérienne

L'élevage industriel de plein air

L'élevage est la deuxième ressource de base de l'Algérie. Il vient après les deux cultures fondamentales : céréales et vigne, et convient à l'ancienne économie pastorale musulmane.

Jusqu'ici les Européens ont pratiqué surtout l'élevage des bêtes de trait, des porcs, la production laitière, l'embouche des moutons sur chaumes et pacages.

Cette forme d'élevage utilise les versants des montagnes et les steppes représentant 7 millions d'hectares de parcours, ainsi que les jachères et pâtures, soit 1.500.000 hectares, et 3 millions d'hectares de forêts claires dégradées, prairies naturelles et artificielles.

Le cheptel algérien comprend actuellement :

Moutons 2.500.000
Chèvres 2.200.000
Bovins 900.000
Chevaux 200.000
Mulets 200.000
Porcs 200.000
Chameaux 20.000

L'effectif ovin actuel représente environ un quart à un tiers as ce qu’il était avant la sécheresse prolongée des années 1943 à 1945. Sa lente reconstitution peut laisser espérer la reprise des exportations de viande sur pied, fraîche ou congelée.

Des organismes officiels guident les Musulmans dans le traitement des épizooties, la sélection des espèces animales, l'organisation de points d'eau.

Perspectives d'avenir.

— L'aménagement audacieux de la nappe souterraine du Chott-Chergui transformera complètement la géographie humaine et agricole de l’Oranie du Sud-Est par l'irrigation et l'énergie hydro-électrique ; annuellement 1 milliard de mètres cubes d'eau et autant de kilowatts-heure. On prévoit que ces grands travaux, les plus importants de l'Union française, commenceront vers 1952.

Le grand élevage de plein air deviendra donc industriellement possible, après aménagement de ce haut lac souterrain, notamment sur les réputés plateaux des Kassasnas et du Djebel Nador.

D'autre part, le port d'Oran exportait avant la guerre, annuellement, 1.200.000 moutons. Ces exportations n'ont pas encore repris, sauf un récent lot de 1.200 moutons, ce qui laisse supposer, pour l'avenir, d'intéressantes possibilités commerciales.

Enfin, le centre d'abatage et frigorifique de Tiaret est prévu pour absorber Journellement 1.000 moutons et 30 bovins, capacité donnant à l'élevage haut-oranais un moyen immédiat d'écouler les produits constamment disponibles.

D'après les statistiques, les troupeaux d'ovins appartiendraient pour 90 à 95 p. 100 aux éleveurs indigènes. Nous croyons cette proportion inexacte, car d'importants troupeaux appartenant à des colons européens sont confiés aux pasteurs indigènes considérés comme possesseurs, qui disparaissent dans la nature, obéissant aux exigences de la transhumance millénaire.

L'existence de cette forme d'association permet de penser qu'en sédentarisant l'élevage, c'est-à-dire en lui accordant des espaces définis, techniquement aménagés, il deviendra possible d'accroître l'importance du troupeau, en maintenant son effectif aussi élevé que possible.

Cette réalisation d'un caractère industriel, exigeant la multiplication des points d'eau et la création de réserves alimentaires, ne sera possible que par l'apport de l'initiative européenne associée aux pratiques indigènes devant indispensablement évoluer vers l'emploi de techniques rationnellement appropriées.

Dans ces conditions, le grand élevage de plein air est susceptible de passer au premier plan des spéculations algériennes.

R.-Louis JOLY.

Le Chasseur Français N°645 Novembre 1950 Page 694