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Les ferroviaires miniatures

es ferroviaires miniatures ne sont pas seulement des jouets pour enfants. Ils sont aussi une saine et passionnante distraction pour les amateurs de tous âges, qui, outre un dérivatif aux soucis quotidiens, cherchent une reproduction fidèle de la réalité jusque dans ses moindres détails.

Longtemps artisanale et manuelle, la production actuelle de ces modèles réduits est aujourd'hui entreprise en grande série et a dépassé les seuls voies, locomotives et wagons, pour atteindre les équipements d'exploitation, en particulier les signaux et installations fixes, bâtiments, grues, hangars, remises, réservoirs.

On arrive ainsi à de splendides réalisations, car il y a des centaines d'amateurs qui possèdent plusieurs dizaines de locomotives, des centaines de wagons et voitures avec des voies d'une longueur atteignant le millier de mètres. Ils se relient par des groupements dont la majeure partie des membres ont plus de quarante ans ... ce qui en dit long sur l'intérêt de ces collections. C'est logique en un siècle où le chemin de fer occupe encore une place importante dans la nation. Ces amateurs ont non seulement leurs clubs, mais encore leurs éditions et leurs publications périodiques. Ils forment ainsi une immense famille des amis des chemins de fer.

Les ferroviaires mécaniques « à ressort » restent l'apanage des enfants. Mais, dès que l'enfant grandit, son jouet devient jeu, puis collection, et à ce titre quitte le stade individuel pour atteindre le stade familial. Chaque année, pour chaque fête, anniversaire, on complète la collection.

Il y a, du reste, les grands bricoleurs qui se soucient de tout réaliser par eux-mêmes, comme aux temps héroïques de la photo, où tout un chacun voulait procéder aux développement et tirage. Cela demande des connaissances importantes. Il y a, à l'inverse, l'amateur achetant tout en état de marche. Entre les deux, et pour diminuer les frais, il y a l'amateur achetant en pièces détachées toutes prêtes et effectuant montage et réglage.

L'aménagement d'un réseau comporte d'abord le choix de son échelle. Avant 1914, la faveur allait aux grands modules, et l'on pratiquait normalement l'écartement de voie « 1 » correspondant au trentième. C'était très encombrant et cela limitait les possibilités de réalisations vivantes. Depuis 1925, la faveur passa au « 0 », correspondant au 1/43, mais c'était encore trop grand pour aménager des gares, ponts, triages, rotondes, et plus assez pour des détails minutieux. En 1933, on lança les 00 et H0, qui ont réunis tous les suffrages, avec une échelle de 1/86 = H0 en construction artisanale ; 1/75 = 00 U.S.A. ; 1/61 = 00 continentale. Ces variantes ne sont pas des inconvénients, puisqu'elles circulent toutes sur la même voie, et elles permettent tout au contraire de mieux reproduire les gabarits différents des États-Unis, de France et d'Angleterre. Actuellement, on cherche cependant à lancer deux échelles plus logiques, l'une au centième, dite 000, et l'autre centimétrique, soit au 1/144, où un centimètre de modèle correspond à l'écartement normal de la S.  N.  C. F. Ces nouveautés ne nuiront pas aux collectionneurs, car on pourra toujours considérer qu'aux côtés des réseaux à voies normales il y a ceux à voies étroites.

Le souci de reproduire la réalité a été poussé jusqu'à tenir compte des vitesses, en faisant circuler ces miniatures entre 450 mètres et 3km,800 à l'heure (4 à 30 mètres à la minute), correspondant à 40 à 150 kilomètres-heure de la réalité.

La difficulté commence lorsque, pour donner plus de vie au réseau, on veut posséder simultanément plusieurs trains. Grâce à l'alimentation par caténaire, on arrive à en commander deux. Mais on peut aller beaucoup plus loin, par le procédé des courants modulés d'usage actuel dans les P. T. T. pour passer simultanément plusieurs communications par le même fil. Par des procédés analogues, on actionne chaque locomotive d'une manière indépendante, et l'on acquiert ainsi la possibilité de supprimer le rail de contact central, non conforme au réel. On a réalisé ainsi le fonctionnement autonome d'une dizaine de trains sur un seul circuit de voies.

Mais le réseau n'est pas tout. Pour être vivant, il faut l'exploiter, et la base en est l'aménagement des signaux, qui ont une importance majeure. Il ne suffit pas de poser des panneaux décoratifs, il faut les faire agir, et à ce titre il faut savoir que tout signal est précédé, sur les grandes lignes, d'un indicatif d'avertissement attirant l'attention du mécanicien, répété à son tour pour lui commander la manœuvre, et enfin renouvelé pour l'exécution. Le cas type est celui de l'arrêt en gare.

Avec les embranchements, le cas devient plus complexe, car, outre ces mêmes dispositions, il y a les avertissements et leur répétition d'aiguilles, avec les signaux de positions de celles-ci, les dispositifs d'arrêt automatique au besoin.

Ce n'est pas tout ; un réseau ne se situe pas, pour la S. N. C. F., sur une table, mais dans la nature. Le modéliste doit donc reproduire celle-ci.

Les tunnels et les ponts, les passages à niveau ne doivent jamais être oubliés. Mais — surtout pour les, deux premiers — il faut savoir éviter le danger du gigantisme. Le Simplon mesure près de 20 kilomètres de long, et, à l'échelle H0, il faudrait un tunnel modèle de 230 mètres. Le viaduc de Garabit, avec ses 5.645 mètres, exigerait une maquette de plus de 6m,50. On s'en tiendra donc à une simple entrée de tunnel devant du papier froissé spécial simulant des rochers, comme il en existe au naturel de multiples sous de simples collines. De même pour les viaducs : un pont, déjà fort respectable, de 50 mètres de portée, sera représenté par une maquette d'une soixantaine de centimètres et, réalisé en modèle mobile, servira à unir une table centrale avec l'étagère contre le mur, supportant une voie.

Les passages à niveau méritent une attention spéciale, car leur ouverture et fermeture sera commandée automatiquement par l'approche et l'éloignement du train. La route ne doit pas être oubliée, car il existe encore en cette matière de magnifiques maquettes de véhicules routiers, et aussi d'animaux et voitures rurales.

Les gares échappent rarement au danger du gigantisme. On a toujours une tendance à reproduire les façades de « grandes gares », car elles sont spectaculaires. Mais leur encombrement accapare tout. Mieux vaut se contenter d'une modeste station de ligne secondaire, mais la compléter par ses annexes : voie d'évitement et de garage, hall à marchandises, gabarit à pailles et foins, quais de chargement, grue, et surtout ne pas oublier le réservoir et la fontaine d'alimentation aux locomotives.

Beaucoup d'amateurs croient bon d'acheter une multitude de véhicules : locos, voitures et wagons, et se targuent de l'abondance de leurs collections. C'est une erreur. Il est infiniment plus instructif et vivant de se soucier de reproduire une installation modeste, mais conforme au réel.

Un atelier de locomotives modeste, mais avec plaque tournante, réserves d'essieux, portique de levage, remise, est un thème de choix, si l'on veut bien se souvenir qu'il faut respecter les thèmes d'entrées et sorties en face d'une voie d'accès pouvant être accaparée par une machine en réparation.

Il en est de même de la figuration d'un chantier d'électrification : des voies sans caténaire et d'autres avec, et des wagons avec les rouleaux de câbles et les systèmes dérouleurs ; d'autres chargés de transformateurs, de feeders, pendant que sur le côté un bâtiment figure une station de distribution du courant en cours de construction. Il existe aussi des wagons de criblage et distribution du ballast. D'autres représentent les systèmes de pose de voies toutes montées. C'est avec cela que l'on donnera l'aspect du réel en figurant un chantier de transformation d'une voie.

Longtemps les modélistes n'ont pensé qu'à posséder « leur » train, et celui-ci était toujours de voyageurs, avec surtout des voitures de luxe, wagons-lits et autres. Ils se sont rendu compte de leur erreur. Le second stade a été de passer aux wagons de marchandises, moins long, moins grands, moins coûteux, et l'on a eu alors l'inconvénient de la quantité. Maintenant, et à juste titre, on en est à la figuration plus exacte, plus conforme au réel d'un cas concret, d'une gare, d'un chantier, d'un atelier.

C'est très bien, mais ce n'est pas tout. Le modélisme est une grande famille, et il ne doit pas s'enfermer dans une tour d'ivoire; même ferroviaire, il faut qu'il s'unisse aux autres maquettes à mêmes échelles : l'aviation, la mer et la route.

Les modélistes qui sont à la campagne, en banlieue, ou possèdent un jardin doivent posséder une voie extérieure et celle-ci aboutirait à un petit port de pêche avec ses barques, ou un terrain de secours d'aviation avec des avions légers. Mais attention encore ici à la tendance au gigantisme. Il vaut mieux posséder quelques ketchs, dundees, canoës qu'un seul Dunkerque ou Normandie et quelques Norécrin et Courlis de tourisme qu'un seul géant des airs, Constellation ou Douglas. Enfin, surtout, il ne faut pas oublier la route, car c'est la base même de la circulation.

S. LAJOUSE.

Le Chasseur Français N°645 Novembre 1950 Page 696