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Préparation du vol d'un avion long-courrier

L'avion long-courrier qui décolle d'Orly pour New-York sera dirigé, avec une précision rigoureuse, sur l'aérodrome de cette ville si ... la préparation de ce vol a été soigneusement étudiée et réalisée.

Les membres de l'équipage du géant des airs ne seront plus rigoureusement seuls maîtres à bord. Le commandant de bord devra exécuter scrupuleusement le « plan de vol » établi en commun avec certains services au sol de la base de décollage ... Splendide équipe : co-pilote, radio, mécanicien, navigateur, de toute leur intelligence, de toute leur âme vont faire bloc avec lui.

Préparation d'un vol.

— La préparation d'un vol long-courrier consiste essentiellement en une analyse des conditions du voyage. Analyse établie avec des éléments de prévision déterminant :

1° Le temps de vol approximatif, avec ou sans escale ;

2° Les quantités d'essence à embarquer, nécessaires au voyage prévu, plus les réserves de sécurité ;

3° Les éléments destinés au commandant de bord, lui facilitant ses décisions s'il doit en prendre inopinément au cours du voyage ;

4° Les documents qui permettront à l'exploitation de comparer les prévisions et la réalité rencontrée et d'en tirer des enseignements et une doctrine.

L'équipage possède en permanence une documentation importante : manuels divers d'utilisation (radio-navigation, sécurité, tables de navigation). Celle-ci est complétée au départ par les prévisions météo, le plan de vol, le plan chargement, le graphique de vol.

Prévisions météo.

— Celles-ci jouent un rôle de premier plan dans l'établissement de la route à suivre. Les services météorologiques d'Orly sont, en effet, à même de fournir à l'équipage :

1° Un aperçu d'ensemble des conditions atmosphériques ;

2° Un pronostic précis relatif à la ligne et les conditions météorologiques locales pour chaque zone traversée (nébulosité, précipitation, régime des vents aux diverses altitudes et risques de givrage) ;

3° Les conditions observées à l'aéroport de Paris et les prévisions de l'aéroport de New-York ou des terrains de remplacement. Pour un vol transatlantique de dix heures, les prévisions météorologiques sont calculées pour une durée de douze heures au minimum.

Ces renseignements sont inscrits sur des cartes fournies par la météo. Elles sont étudiées ensuite par l'équipage et le service d'opérations.

Choix de la route.

— C'est en fonction des conditions météorologiques que ce service et ses agents, appelés autrefois « dispatchers », déterminent avec précision les routes assurant, sur la base des conditions de sécurité les plus certaines, les meilleurs temps de vol et les conditions d'un confort optimum.

Parfois, certaines situations isobariques font choisir une route détournée, mais appuyée par un vent favorable, assurant un voyage plus rapide et une consommation en carburant plus faible que la ligne directe.

Ainsi, le Paris-New-York d'Air-France peut emprunter son itinéraire normal par Shannon et Gander, ou un détournement via l'Islande (Reykjavik) ou via les Açores (Santa Maria).

Dans un souci intense de sécurité, des aérodromes de « dégagement » sont aussi prévus. L'avion aura toujours une quantité d'essence suffisante pour les rallier.

Choix des altitudes et des puissances à utiliser.

— Les prévisions météo limitent le choix des altitudes possibles (zones de turbulence, zone de givrage à éviter, etc.). Il faut ensuite déterminer au mieux les puissances à utiliser, compte tenu des charges à transporter et de l'horaire à respecter.

Sur les lignes d'escales à escales de longueurs moyennes, les moteurs sont utilisés à puissance constante. Au contraire, sur une ligne long-courrier, la puissance varie le long de la route, afin d'obtenir constamment un compromis correct entre les divers paramètres de vol : consommation, vitesse, distance à parcourir.

Établissement du plan de vol.

— Les altitudes et les puissances étant choisies, les agents d'opérations aériennes établissent pour chaque route possible un « plan de vol ». Ils les soumettent au commandant de bord. L'étape à parcourir est divisée en plusieurs zones, délimitées en général par des repères de navigation.

Sur des feuilles spéciales sont notées pour chaque zone : les altitudes de vol, les puissances, les vitesses, les routes vraies, les déclinaisons, les routes magnétiques, la durée du vol, les consommations horaires de carburant, et, enfin, le poids de l'avion en différents points du parcours.

La somme des éléments partiels déterminés pour chaque zone, donne les résultats globaux pour l'ensemble de l'étape.

Sur les long-courriers, la notion du poids est un élément primordial de la détermination des vitesses qui intervient à chaque instant du calcul.

Elle est importante aussi lors des opérations de l'atterrissage, qui doit s'effectuer dans les meilleures conditions possibles, afin de ne pas imposer d'efforts anormaux à la structure de l'avion.

Dans le plan de vol, le poids fait l'objet d'une détermination au début de chaque zone par déduction des consommations, d'où les notions des « poids maximum au décollage » et « poids maximum à l'atterrissage ».

Le poids total de carburant à porter à bord d'un long-courrier est considérable (souvent plus de 10 tonnes, alors que la charge marchande ne dépasse guère 5 tonnes). À la quantité d'essence nécessaire pour la route, viennent s'ajouter diverses réserves :

1° 10 à 15 p. 100 comme marge de sécurité ;

2° L'essence nécessaire pour atteindre la base de dégagement la plus éloignée ;

3° Un surplus permettant d'attendre au-dessus de cette base l'autorisation ou la possibilité d'atterrir, soit, au minimum, une heure trente de vol.

L'établissement d'un plan de vol par des spécialistes exige au moins une heure et demie de travail. Le commandant de bord étudie ceux qui lui sont présentés, en fait la critique avec son équipage, apporte, le cas échéant, des modifications et choisit sa route. Ce n'est que lorsque le plan de vol du parcours a été approuvé et signé par ce commandant que le chef de service responsable établit un autre document :

Le plan de chargement.

— Il s'agit de calculer, en fonction du carburant à embarquer et des limites de poids autorisés au décollage et à l'atterrissage, la charge marchande de l'avion et d'en prévoir la répartition, afin de donner à la masse de l'appareil un centrage correct, nécessaire à l'équilibre de vol.

Au vu des derniers rapports de météo, le plan de vol est susceptible d'être modifié à la dernière minute. Il peut en résulter une diminution ou une augmentation de l'embarquement des passagers ou du fret, suivant les conditions atmosphériques.

Le graphique de vol.

— Ces deux documents, plan de vol et plan de chargement, sont complétés par un graphique de vol, destiné au contrôle de la marche durant la croisière. C'est une représentation graphique du plan de vol. Il permet, en y portant les observations faites au cours du voyage, de comparer les courbes de prévision et les courbes réelles, et d'en tirer un enseignement pour l'exploitation de la ligne.

Ces observations sont minutieusement tenues à jour par l'équipage au cours du vol.

La préparation radio et navigation, le contrôle mécanique.

— La préparation d'un vol-long-courrier comporte également des prévisions de navigation. Le radio de bord doit, avant le départ, connaître les postes avec lesquels il pourra entrer en communication et connaître ainsi les fréquences d'émission.

Il doit connaître aussi la position géographique des stations météorologiques flottantes en service sur le parcours, et la vitesse et la route des navires en cours de navigation sur l'itinéraire que l'avion va emprunter.

De son côté, le mécanicien de bord prend contact avec les services d'entretien en ce qui concerne l'état mécanique de l'appareil et ses principales particularités.

Derniers préparatifs.

— Il ne reste plus qu'à procéder aux formalités de douane et aux vérifications des papiers exigés pour les passagers ... tandis que sur l'aire de départ l'avion est chargé selon les consignes données par les services responsables. L'hôtesse de l'air surveille les embarquements des provisions de route, des bagages. Elle fait déposer dans des filets réservés à cet usage les couvertures qui serviront ... peut-être la nuit.

Les ultimes vérifications (check-list).

— Un document spécial (check-list) va en donner la liste : soixante questions. Elles sont effectuées en plusieurs temps dans un ordre immuable, avant et après la mise en route des moteurs, pendant les « points fixes » qui précèdent le décollage.

Le rôle du récitant est tenu par le co-pilote. Le commandant de bord, puis chacun des membres de l'équipage, interrogés séparément, répondent aux questions qui leur sont posées après avoir vérifié que leur réponse est fondée sur une réalité.

Ces ultimes vérifications revêtent un caractère liturgique, les navigants les désignent sous le nom de « litanies ».

Décollage et contrôle en cours de vol.

— Tout le monde est à bord, les passagers ont bouclé leurs ceintures pour le décollage. Dans un bruit de tonnerre, l'avion transatlantique a été arraché du sol ... La tâche de l'équipage commence.

Contrôle rigoureux de la marche de l'appareil. Mécanicien, navigateur, radio collaborent au tracé des courbes réelles du « graphique de vol ». Si le commandant de bord doit prendre une décision, il pourra ainsi choisir la plus rationnelle.

À intervalles de temps réguliers, des messages sont envoyés aux postes de contrôle des services d'opération au sol. Ces messages fournissent tous les renseignements concernant la marche de l'avion et les observations météorologiques effectuées en cours du vol. Sans discontinuité, l'avion est suivi dans sa progression et son itinéraire.

Pendant des heures et des heures il en est ainsi. Jusqu'à l'atterrissage. L'entrée de l'avion en zone d'approche à l'aérodrome d'arrivée, son atterrissage se font suivant une méthode et des consignes permanentes. L'équipage utilise encore une check-list.

Mais, dès que l'avion s'est posé et que les passagers ont satisfait aux rites des formalités douanières habituelles, les membres de l'équipage rédigent un compte rendu de leurs activités. Radio, mécanicien, tous ont leur part de ce travail. Le navigateur, lui, rédige le journal de route officiel, où il décrit le parcours. Ce journal est contresigné par le commandant de bord.

Les ingénieurs puiseront encore des enseignements dans ces documents ... Il faut toujours améliorer le rendement et la sécurité !

L'« équipage », merveilleuse équipe, va pouvoir enfin prendre un peu de repos ... Mais encore et avant ... il faut parfois « sabler » le Champagne qu'offre un passager enthousiasmé.

Maurice DESSAGNE.

Le Chasseur Français N°645 Novembre 1950 Page 697