On nous demande de consacrer une de nos causeries à la
question du chargement des cartouches par l'usager. Ceux qui nous lisent
régulièrement n'ignorent pas notre opinion à ce sujet : pour tirer de
bonnes cartouches, il convient de se les procurer dans une maison soucieuse de
la garantie de sa marque.
Mais il y a en cette affaire une question d'économie ;
bien que la chasse soit actuellement un sport assez coûteux par ses à-côtés
bien plus que par le prix des munitions, il est très admissible que certains tirs
puissent accepter, en raison de leur consommation, quelques sacrifices en ce
qui concerne la confection des cartouches. Les catalogues des fabricants ont
toujours réservé une place à des cartouches à alouettes et à lapins.
Nous entreprendrons prochainement une étude du coup de fusil
au point de vue économique à différentes époques et nous nous efforcerons d'en
tirer quelques directives utiles. Nous nous bornerons aujourd'hui à rechercher
dans les divers éléments mis à la disposition des chasseurs quels sont ceux qui
peuvent fournir une cartouche moins coûteuse.
Nous supposerons en premier lieu que nous ne ferons pas
appel à une réduction de la charge et nous prendrons le calibre 16 comme
exemple.
Une cartouche de bonne qualité (amorçage fermé) est vendue
au prix moyen de 30 francs. En achetant au détail les éléments qui la composent :
La douille coûte |
11 fr. 50 |
Le jeu de bourres |
4 fr. 00 |
La charge de poudre |
5 fr. 40 |
La charge de plomb |
5 fr. 60 |
|
————— |
Total |
26 fr. 50 |
Soit une différence de 3 fr. 50 représentant le
coût de la fabrication et du paquetage. L'économie ainsi réalisée n'atteint pas
12 p. 100 : elle est à peine à prendre en considération pour le
chasseur qui dispose de son temps ; elle ne l'est plus du tout pour celui
qui possède une occupation lucrative.
Mais la bonne qualité des douilles actuelles nous permet, si
nous avons le soin de les recueillir, un réamorçage avantageux comme nous
allons le voir. Un amorçage fermé coûte actuellement 3 fr. 60, et la
douille peut être réamorcée environ quatre fois ; le prix moyen s'établira
donc comme suit, pour cinq usages :
Une douille neuve |
11 fr. 50 |
|
Quatre amorçages |
14 fr. 40 |
|
|
————— |
|
Total |
25 fr. 90 |
, soit 5 fr. 20 par usage. |
Si, d'autre part, nous remarquons que, pour des munitions qui
ne sont pas destinées au tir à longue portée, nous pouvons faire quelque
économie sur les bourres et gagner ainsi environ 1 franc, l'économie totale
sera de 7 fr. 30.
Ce qui correspond cette fois à près de 25 p. 100, et
c'est à prendre en sérieuse considération. Le réamorçage est donc intéressant,
mais il convient de l'exécuter très soigneusement, et voici pourquoi.
Une douille usagée est fortement déformée par l'explosion et
ne peut plus rentrer dans la chambre sans forcement préjudiciable au mécanisme
du fusil. Il est donc nécessaire non seulement de réamorcer, mais aussi de
recalibrer. En réalité, les opérations doivent se faire dans l'ordre ci-après :
— Extraction de l'amorçage usagé ;
— Brossage intérieur de la douille ;
— Recalibrage ;
— Réamorçage.
En outre, il est bon, pour faciliter le sertissage, de
paraffiner après le deuxième usage environ 5 millimètres de la douille ;
cette opération prend place après le brossage. On exécute très aisément ce
dernier au moyen d'une chignole serrée horizontalement dans un étau, dans le
mandrin de laquelle on place un écouvillon en crin. En tournant la manivelle
d'une main et en présentant les douilles de l'autre, on obtient un excellent
nettoyage en quelques secondes. On élimine ainsi les résidus de combustion, produits
très hygrométriques, toujours nuisibles à la bonne conservation des munitions.
Ainsi pratiqué, le réamorçage n'est guère critiquable tant
que le carton de la douille est en bon état général.
Actuellement, les chasseurs ont le choix entre plusieurs
systèmes d'appareils fort bien conçus pour réaliser le réamorçage et le
recalibrage. Nous donnons la préférence à ceux qui permettent de décomposer les
opérations ; il en résulte une petite perte de temps, mais on risque moins
de placer un amorçage sur une douille défectueuse.
On emploiera toujours des maillets et non un marteau pour
chasser la douille dans les recalibreurs et également des mandrins de bois pour
les faire sortir. On devra s'assurer que le dispositif choisi permet le
dressage à plat du culot, ce dernier ne devant ni rester bombé (difficulté de
fermeture), ni présenter de dépression (risques de ratés). Dans ces conditions,
la nouvelle amorce se trouvera toujours bien ajustée dans son logement et ne
causera pas de fuites de gaz.
Si l'on se trouve en présence d'amorçages trop libres, on
peut les fixer au moyen d'une très petite goutte de vernis à l'alcool, toujours
pour s'opposer aux fuites de gaz.
On constatera qu'un réamorçage bien conduit implique un
certain nombre de soins en contrepartie de l'économie qu'il procure :
c'est à l'usager d'apprécier.
Nous remarquerons enfin qu'une économie supplémentaire peut
être réalisée par diminution des charges de poudre et de plomb ; on peut,
sans grand inconvénient, adopter les charges du calibre inférieur.
Il reste à nous demander si les cartouches chargées
mécaniquement ne sont pas supérieures à celles qui sont faites par le chasseur.
Celui-ci, si soigneux soit-il, peut faire aussi bien, jamais mieux, car il ne
dispose pas des mêmes éléments de contrôle. Pour lui, le banc d'essai, c'est le
terrain de chasse : il fera bien, à l'occasion, de brûler quelques
cartouches de fabrication contrôlée et de comparer les résultats. S'il ne
constate pas de différence appréciable, il pourra continuer à charger lui-même ;
si l'épreuve n'est pas en sa faveur, il agira sagement en modifiant sa manière
de faire.
Bien entendu, ces conseils sont rédigés pour la majorité des
chasseurs. Ceux qui s'intéressent aux études balistiques et qui savent les
conduire aimeront toujours à faire tous les essais possibles, ce dont nous ne
les blâmerons pas, bien au contraire.
M. MARCHAND,
Ingénieur E. C. P.
|