Parmi les troubles généraux dont souffrent fréquemment les
chiots, le rachitisme doit trouver place. C'est, en effet, une maladie des
jeunes et qui frappe plus spécialement les sujets de grandes races (danois,
setters), les chiens de race exiguë (fox-terriers, bassets et autres) étant
très rarement atteints.
Les causes du rachitisme sont multiples et elles doivent se
compléter les unes les autres. Parmi les plus importantes, citons une hygiène
défectueuse, le séjour dans des niches étroites, humides, mal aérées, à air
confiné, l'allaitement par une lice épuisée, anémique, l'excès de nourrissons
pour la même bête, un sevrage brusque ou trop précoce, une alimentation
insuffisante en qualité, trop pauvre en matières minérales, en principes
azotés et en vitamines, etc. Nous reviendrons plus loin sur ces différentes
causes.
Avant que la maladie n'ait retenti sur les os, le petit
sujet est déjà malade : il manque d'entrain, a un appétit capricieux, il
délaisse un mets délicieux pour un plat médiocre, il digère mal, vomit de temps
en temps.et présente quelques débâcles diarrhéiques. On ne s'inquiète pas de
ces troubles digestifs qu'on met sur le compte des vers intestinaux, de la
maladie du jeune âge, etc. Mais, bientôt, le squelette des membres se prend ;
les jointures, notamment le genou, le grasset, l'épaule, sont plus grosses que
d'ordinaire et deviennent noueuses ; les rayons osseux se déforment,
s'incurvent soit en avant, en dehors ou en dedans.
Nous extrayons, d'une lettre que nous a adressée M, D ...,
les passages suivants, qui montrent les déformations que peuvent subir les
membres des chiots d'une même portée, et qui illustrent d'une façon magistrale
ce que nous avons écrit sur ces déformations : « Malgré les sels de
calcium et les vitamines A et D contenues dans l'huile de foie de morue, je
note chez mes chiots des traces très nettes de rachitisme ; plus nettes
qu'il y a un mois, elles se sont aggravées au lieu de s'atténuer :
courbure des pattes chez les uns, torsion très nette et déviation des pattes
chez les autres, coudes décollés. »
Pour faire de l'élevage dans de bonnes conditions
hygiéniques, il conviendra d'avoir un chenil propre, sec, bien aéré, orienté de
préférence au sud-est. S'il s'agit de la campagne, le logement, niche ou gros
tonneau, sera placé de façon que son occupant bénéficie de l'air pur et de la
lumière. On sait que, d'après les travaux de Mac Callum et de ses
collaborateurs du laboratoire de Baltimore, on peut créer à volonté, chez des
animaux en bas âge, des déformations osseuses semblables macroscopiquement,
c'est-à-dire visibles à l'œil nu, et microscopiquement aux lésions du
rachitisme du jeune enfant, en soumettant ces animaux à la fois :
1° à l'élevage en chambre obscure ;
2° à une alimentation spéciale, carencée en phosphore, spécialement en composés
phosphores inorganiques (phosphates).
Les mêmes auteurs et les chercheurs ultérieurs ont vu que le
rachitisme expérimental rétrocédait et guérissait quand la lumière solaire
était rendue aux sujets en expérience ; ils ont remarqué que la partie
active de cette lumière était les rayons violets, et surtout les rayons
ultraviolets, ceux-ci jouissant de la propriété de transformer les stérols
en circulation dans le sang, en particulier l'ergostérol, en une substance
chimiquement voisine, L'ergostérol irradié, laquelle a un pouvoir
antirachitique tel qu'il suffit d'une dose d'un dix-millième de milligramme
pour s'opposer au développement du rachitisme expérimental.
Une deuxième indication est de ne laisser à la mère qu'un
nombre de petits en rapport avec sa taille, sa force et ses qualités laitières
de nourrice. Dans les portées nombreuses, si on laisse à la chienne tous ses
petits, ceux d'entre eux qui, dès leur naissance, présentent des proportions
notablement plus faibles que leurs frères de la même portée se voient écartés
des mamelles maternelles ; comme ils ne profitent qu'à de rares
intervalles du lait indispensable, ils sont fatalement voués au rachitisme.
Notre confrère J. Buttin a appelé l'attention sur un
fait singulier, peu signalé jusqu'ici. Il s'exprime ainsi dans son livre sur L'Élevage
pratique des chiots, page 100. « Il convient de signaler une
particularité déjà indiquée une quantité de fois et à laquelle, malgré sa
simplicité, nous n'avons pu trouver chez aucun auteur l'explication véritable.
» On voit la mère venir avec joie donner à téter à ses
chiots, puis, au bout de quelques instants, secouer sa marmaille et se sauver,
poursuivie dans tous les coins par ses enfants affamés. Si elle ne peut se
soustraire soit en s'éloignant suffisamment, soit en sautant sur un point
surélevé, elle n'hésite pas à les repousser en les grognant. » Puis, plus
loin : « Il est facile de constater qu'aucune blessure ni irritation
quelconque n'existe à l'extrémité du trayon saisie par le chiot. Mais, par
contre, un examen plus attentif montre que les mamelles elles-mêmes sont
couvertes d'éraflures qui, sur un organe aussi délicat et aussi congestionné,
sont aussi douloureuses que de profondes crevasses.
» Or toutes ces blessures chez la chien ne sont exclusivement
dues aux ongles des chiots, souvent malpropres. Connaissant la cause du mal, il
est facile d'y porter remède, puisqu'il suffit tous les huit jours de rogner
les ongles des chiots avec la pince à ongle ou à envie que l'on trouve sur
toutes les tables de toilette. La corne étant assez cassante, il est avantageux
de terminer l'opération par un coup de lime pour supprimer les bavures. »
Pour les petits, ne supprimer les tétées qu'à la dixième
semaine ou vers la fin du troisième mois, faire un sevrage progressif en
mettant à leur disposition de petits repas légers tels que soupes, panades,
laitage, riz, œufs, flocons d'avoine, pâtées à la viande hachée, etc., selon
les ressources dont on dispose. Mon confrère Buttin recommande le régime de la
viande crue dès le trentième jour. « Prenez, écrit-il, un morceau
d'intestin de vache, un morceau de panse ou de matrice et coupez en morceaux
gros environ comme des dés à jouer. Ne coupez pas trop fin et ne les passez pas
au hachoir mécanique ou autre pour les réduire en pulpe, etc. »
Traitement curatif.
— Le chien rachitique doit d'abord être soigné pour ses
troubles digestifs, puis, quand son estomac et son intestin fonctionnent bien,
on ajoute à sa ration des sels de chaux ; on saupoudre ses pâtées avec de
la poudre d'os frais râpés, 1 à 3 grammes par jour ; ou bien on a recours
aux sirops phosphatés, aux glycéro-phosphates de fer ou de chaux, etc. L'ergostérine
irradiée et l'huile de foie de morue trouvent ici leur emploi.
Enfin, sur les membres et les jointures des chiots
rachitiques, nous conseillons les massages ou des frictions légères avec de
l'eau-de-vie camphrée ou du vinaigre chaud. Les promenades, les bains de soleil
compléteront le traitement du rachitisme.
MOREL,
Médecin vétérinaire.
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