Le flotteur.
— Le flotteur est la partie du matériel à lancer la
mouche la plus spéciale (1). C'est lui qui permet aux mouches de naviguer en
surface ou en noyée, et aussi de pouvoir les lancer en un point précis. Le plus
employé est le flotteur sphérique en celluloïd transparent, creux, muni d'une
petite ouverture pouvant se fermer à l'aide d'un petit clapet lié par un fil
intérieur au « buldo ». Ce système permet de le remplir plus ou moins
d'eau, donc de peser plus ou moins. Étant transparent, le « buldo »
ressemble à une de ces bulles d'air qui se forment dans les chutes et que le
courant emporte quelque temps. Le principe en est simple et ingénieux. Il a la
prétention de ne pas effrayer le poisson. Je crois, en effet, qu'il
n'effraierait pas le poisson, non parce qu'il ressemble à une bulle d'eau, mais
parce que le poisson ne s'effraie pas de tout ce qui navigue naturellement sur l'eau.
Mais, pour confectionner cette sphère, on a accolé, par un anneau plat, deux
demi-sphères. Deux petits trous, situés sur un même diamètre, permettent d'y
fixer les deux parties de la ligne. Mais cet anneau et la forme sphérique du « buldo »
provoquent un sillage très visible, très bruyant et antinaturel quand on le
ramène. C'est ce sillage à contre-courant qui effraie le poisson.
J'ai souvent observé, étant « en wading », des
poissons qui fuyaient devant lui comme devant un carnassier. En outre, le
clapet ferme mal assez souvent, le fil qui le retient casse assez vite. Il se
remplit alors d'eau, se noie et devient inutilisable. J'ai renoncé à lui et
n'emploie que des flotteurs en liège lestés. Après de multiples essais de
forme, de lestage, je me suis arrêté, pour l'instant tout au moins, à la forme
ovoïde ou elliptique à centres assez rapprochés avec lestage de plombs de
chasse.
Je les fabrique moi-même, évidemment : c'est à la
portée de tous. Munissez-vous de liège, de bouchons de bouteille cylindriques
ou tronconiques, de fil d'acier souple (le fil d'acier dont on se sert pour la
fabrication des cuillers ou le fil en bobine dont se servent les quincailliers
comme lien, pour emballer), des plombs de chasse nos 4, 6, 8,
un poinçon, une longue aiguille à repriser, une lime à bois fine, du
papier-verre fin, une pince coupante, une pince de fleuriste, et c'est tout.
Avec l'aiguille à repriser et votre pince, vous déterminez
l'axe du flotteur en traversant le bouchon, vous poussez l'aiguille d'un centre
de base à l'autre. Il y aura toujours un petit écart quand l'aiguille
apparaîtra, mais, s'il n'est pas trop grand, c'est sans importance (fig. 1).
Vous retirez l'aiguille et la remplacez par un brin de fil d'acier dépassant le
bouchon de 3 ou 4 centimètres de chaque côté. C'est l'axe de votre bouchon.
Vous vous guidez sur lui pour, à l'aide de votre lime et du papier-verre, façonner
votre flotteur selon la forme désirée. Vous faites ensuite une boucle ronde à
votre fil d'acier avec votre pince fleuriste aux deux pôles du flotteur, vous
veillez à les faire très près du liège, vous faites plusieurs tour de fil
autour de l'axe particulièrement à la base, afin que vos lancers futurs ne le
fassent pas pénétrer dans le liège : vous ne couperez pas complètement à
ras le fil d'acier dans ce but.
Il n'y a plus qu'à lester votre flotteur en le truffant
de plombs de chasse. C'est ici que le poinçon apparaît. Vous piquez le poinçon
dans le liège en des points choisis, c'est-à-dire situés sur un cercle de votre
flotteur divisé en quatre, cinq et plus parties égales, vous enfoncez un plomb
dans chaque trou et vous répétez cette opération sur trois ou quatre cercles
parallèles. Vous refoulez, avec une pointe à tête d'homme, tous ces plombs. Si
le liège est bon, le plomb disparaît, sinon il reste visible ; c’est sans
importance, car, pour finir, vous cirez le flotteur avec de la cire d'abeille légèrement
chauffée.
La cire bouche tous les trous ; si c'est nécessaire,
faites fondre la cire au contact d'un objet en fer chauffé ; mais, avant
cette dernière opération, vous pesez le flotteur et vous inscrivez sur lui, à
l'encre de Chine indélébile, le poids obtenu (fig. 2).
Faites-en beaucoup — c'est presque aussi vite fait que
de décrire ces opérations — de plusieurs poids, de plusieurs grosseurs.
Riche, vous ne craindrez pas d'en perdre quelques-uns, vos lancers seront plus
francs, plus audacieux, et vous acquerrez, de ce fait, une grande précision et
de la sûreté : li en est ainsi à la chasse pour devenir bon tireur.
J'ai adopté le plomb de chasse pour plusieurs raisons :
c'est le plus facile à trouver, on arrive vite à connaître le nombre de grains nécessaires
à chaque poids. Mais il est évident que n'importe quel plomb peut être utilisé :
olives longues de 3 à 5 grammes, fil de plomb en botte (le plus économique) en
l'enroulant autour du flotteur, et, si vous êtes habile, vous pouvez fondre des
plombs comme on le fait pour des plombs à cuillers dans un moule en plâtre ;
mais tout cela est plus compliqué que le plomb de chasse. En outre, le flotteur
lesté sur l'axe produit dans l'eau un choc plus violent que le flotteur truffé,
dont le poids est mieux réparti sur la surface.
P. CARRÈRE.
(1) Voir Le Chasseur Français, nos 644 et 645.
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