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Pêches côtières

La sardine

La sardine est, parmi les poissons de mer, l'un des plus importants au point de vue économique. Ce petit poisson est de la famille des clupéidés, qui renferme les poissons de mer les plus courants, tels que le hareng, la sardine, l'anchois et les aloses. C'est un poisson que tout le monde connaît, non seulement pour en avoir mangé à l'huile dans des boîtes où elles se présentent sans tête, mais pour en avoir vu, entières, à l'étal des marchands de poisson ou dans les paniers des pêcheurs à l'arrivée dans les ports de pêche.

La sardine, qui ne dépasse pas 15 à 20 centimètres de long, a la forme générale de l'ablette et est couverte de grandes écailles minces, particulièrement fragiles, et qui tombent avec facilité au moindre contact ; d'où la grande fragilité de ce poisson qui n'est pas sans présenter de grands inconvénients pour les pêcheurs de thons puisque, avec la méthode américaine, la sardine vivante sert d'appât pour cette pêche, et que la sardine blessée par la perte de quelques écailles seulement meurt rapidement, même en vivier.

La sardine de nos pays (alosa sardina) est abondante dans les eaux tempérées et chaudes ; on la trouve dans les eaux méditerranéennes et atlantiques, où elle ne dépasse guère toutefois la latitude de la Bretagne. Il y a d'autres espèces de sardines dans d'autres pays et, notamment, en Extrême-Orient, dans l'océan Indien et le Pacifique, mais il ne s'agit pas de la même espèce ni même de tribus voisines. Quant à la sardine française, si on ne trouve pas de différences morphologiques entre la Méditerranée et l'Atlantique, il n'en est pas moins vrai que leur biologie présente des divergences, particulièrement en ce qui concerne la reproduction ; aussi peut-on parler pour la sardine de races physiologiques différentes.

La sardine n'est pas un poisson que l'on prend normalement à la ligne ; elle se capture pratiquement uniquement au filet ; elle se nourrit exclusivement d'organismes du plancton ; le plancton marin est en effet abondant, surtout au printemps et en été, dans les eaux tièdes, et se compose de nombreux petits végétaux et animaux microscopiques, d'œufs et de petits poissons ainsi que de larves de crustacés. Comme ce plancton se trouve surtout dans les couches peu éloignées et peu profondes bien ensoleillées, on trouvera les sardines par bancs entiers cherchant ce plancton plus ou moins près des côtes et à plus ou moins de profondeur.

Il y a toutefois des cas particuliers où la sardine s'approche près des bords et où le pêcheur peut avoir l'occasion de faire une friture. Le cas sera d'ailleurs plus fréquent avec l'anchois qu'avec la sardine, mais la pêche de ces deux poissons est la même. Dans ce cas, il faut être monté extrêmement fin, c'est-à-dire avoir une simple canne en roseau ou bambou, sans anneaux, longue de 4 à 5 mètres, très légère, une ligne en nylon 10/100, un bouchon très fin, de petits hameçons simples, n° 16. On eschera avec un morceau de moule ou de palourde, et on appâtera abondamment le coup avec une « strouille » composée d'un mélange de têtes de sardines pilées, de rogue et de tourteau d'arachide. Parfois, l'été, dans un coin tranquille et, notamment, dans une anse ou à l'abri d'une digue, si on a la chance d'apercevoir des bancs de sardines et d'anchois, on fera facilement de très beaux paniers. Mais c'est une pêche de raccroc que l'on ne peut pratiquer que si l'on a la chance de tomber à l'improviste sur un banc de ces poissons.

En Méditerranée, la sardine est présente toute l'année avec, toutefois, plus ou moins d'abondance ; plus rare l'hiver, la sardine apparaît en bancs de plus en plus nombreux, semblant provenir des côtes espagnoles, s'avançant par le Roussillon vers le Languedoc ; il semble qu'il en vienne d'autres bancs de l'est, remontant les côtes italiennes, arrivant ensuite vers Nice et regagnant enfin l'embouchure du Rhône. S'agit-il d'une migration ou s'agit-il d'une remontée des profondeurs au fur et à mesure que le plancton se développe ? Nous n'en savons encore trop rien.

La sardine atlantique, elle, est totalement absente des côtes françaises pendant l'hiver au-dessus de l'embouchure de la Gironde ; en revanche, elle se trouve toute l'année sur les côtes marocaines, du Portugal et même de l'Espagne. Il en reste toujours un peu à la hauteur des côtes françaises du golfe de Gascogne et, notamment, près du port de Saint-Jean-de-Luz. Toutefois, aux mois de mars et avril, la sardine devient beaucoup plus abondante ; petit à petit, on la voit remonter vers le Nord et on peut la pêcher en Bretagne à partir de la fin mai et du début juin. Elle monte jusqu'aux côtes anglaises. Il semble que cette migration s'accomplisse selon les transgressions marines d'eaux chaudes et ne soit pas sans rapport avec les effluves tièdes du Gulf-Stream.

La sardine méditerranéenne est de taille un peu plus petite que la sardine atlantique. La ponte a lieu en hiver, alors qu'elle est âgée de trois et quatre ans. La sardine atlantique, elle, pond au printemps ; c'est alors une sardine assez grosse, âgée de quatre ans. La sardine normale d'été que l'on trouve dans l'Atlantique est plus petite, n'a que 12 à 15 centimètres, et n'a pas encore atteint la maturité sexuelle ; les œufs sont relativement gros pour un si petit poisson et atteignent 1mm,5 de diamètre, soit la grosseur des œufs de brochet ; ces œufs sont flottants et restent suspendus dans les couches superficielles de la mer ; ils éclosent en trois ou quatre jours et il en sort une larve petite et filiforme de 4 millimètres qui, plongée dans les essaims de plancton, grossit très rapidement.

Autre différence entre nos deux sardines méditerranéenne et atlantique : alors qu'arrivée à la taille de 2 ou 3 centimètres la jeune sardine atlantique, qui n'a pas encore d'écailles, disparaît des eaux de surface, en Méditerranée, les jeunes sardines restent toujours par bancs énormes à proximité des côtes ; les pêcheurs de la région de Nice le savent bien et capturent à grands coups d'épuisette des quantités extraordinaires de ce fretin qu'ils appellent « la poutine ».

La pêche professionnelle de la sardine se fait uniquement au filet ; le principe de la pêche consiste à favoriser la montée de la sardine en jetant à la surface de l'eau un appât spécial composé d'un mélange de « rogue », c'est-à-dire d'œufs de morue et de tourteau ; le poisson ainsi appâté est attiré à l'intérieur d'un énorme filet qui se referme sur le banc. Le filet est ensuite halé vers le bateau où les sardines sont versées par dizaines et parfois par centaines de kilos ; elles sont immédiatement mises dans des caissettes entassées les unes sur les autres et ramenées au port.

J'ai plusieurs fois assisté à bord de sardiniers d'Arcachon et de Saint-Jean-de-Luz à de telles pêches à bord de petits bateaux de 12 à 15 mètres, par de belles journées d'août et de septembre ; le spectacle en vaut la peine et je compte, la prochaine fois, vous en faire le récit.

LARTIGUE.

Le Chasseur Français N°646 Décembre 1950 Page 726