Le vieillissement est le procédé le plus ancien pour la
conservation des vins. Aujourd'hui, on emploie des procédés modernes pour aider
dans certains cas ce vieillissement.
Dans l'antique Asie Mineure (mot que l'on a remplacé par
celui, moins phonétique, de Proche-Orient), la vinification se faisait dans des
cavités creusées dans la roche, ou dans des récipients bâtis soit avec la
brique, soit avec de la chaux. Le transport et la conservation étaient assurés
par des outres en peau de bouc.
Les Romains, eux, possédaient quelques crus fort réputés par
les gourmets, mais il paraît probable qu'ils ne connaissaient qu'imparfaitement
les moyens de conservation, car ils ajoutaient au vin soit du miel, soit de la
poix ou du goudron.
Il faut attendre chez nous la Renaissance pour trouver, par
des procédés empiriques, d'abord la vinification rationnelle, puis la
conservation par le vieillissement.
Dès lors, nos grandes régions viticoles se sont constituées
et se sont continuées en améliorant leurs produits par le perfectionnement de
la technique.
Le chimiste, personnage fort curieux de par sa nature, nous
a donné non seulement la composition exacte des moûts et des vins, mais encore
l'explication des phénomènes très complexes qui se produisent pendant le
vieillissement.
C'est ainsi que les acides, l'acide acétique en particulier,
et dont la teneur ne doit pas dépasser un demi-gramme par litre, réagit sur
l'alcool pour former un éther odorant, l'acétate d'éthyle. D'autre part, les
parfums contenus en quantité infime dans les constituants de la grappe vont se
transformer peu à peu en bouquet, la crème de tartre et une partie de la
matière colorante vont se précipiter et se retrouveront dans les lies, enfin la
glycérine produite pendant la fermentation du moût communique au vin un goût de
moelleux, etc. ...
En réalité, les transformations ne s'opèrent pas aussi
simplement que cela, elles se produisent en partie par l'oxygène de l'air, lors
des ouillages et soutirages, et, en partie, dans l'épaisseur du bois des
douves.
À un moment donné, le temps est variable avec les
différentes sortes de vins, le vieillissement en tonneau ne « donne »
plus, le vin risque de s'altérer, on procède alors à la mise en bouteilles,
dans lesquelles les transformations chimiques continuent, puis cessent.
Il y a fort longtemps que l'on a observé que le phénomène du
vieillissement tel qu'il vient d'être sommairement décrit suivait une courbe
ascendante, restait étale pendant un ou deux ans, puis la courbe descendait. À
ce moment, le vin commençait à « passer », selon le terme consacré.
Il nous souvient, à ce sujet, avoir dégusté, il y a de cela
un certain nombre d'ans, et lors d'une manifestation familiale, un vin ayant
trente ans d'âge et de bouteille ; il était presque décoloré et n'avait ni
parfum ni saveur.
Tous les vins ne sont pas aptes à la conservation, les vieux
vignerons le savent bien, aussi nous conseillons à ceux qui débutent dans cet
art d'être prudents et de prendre des conseils auprès de personnes
expérimentées.
Certaines opérations accélèrent les réactions chimiques ou
contribuent à une amélioration de la qualité du vin. Au temps de la marine à
voile, on s'était aperçu que les vins en cercles ainsi transportés se
bonifiaient à l'arrivée ; en effet, par suite des secousses dues au
balancement du navire, le vin était brassé avec le peu d'air que contenait les
tonneaux. Dire que l'on n'a pas ensuite utilisé ce procédé pour faire exécuter
aux fûts de vin un voyage maritime aller et retour n'aurait rien d'exagéré.
On a essayé de réaliser sur place cette agitation du vin, en
présence d'air ou bien d'oxygène. C'est un procédé délicat et qui risque
d'altérer les vins sujets à la casse.
Le chauffage par pasteurisation est un simple moyen de
conservation et non de vieillissement, nous l'avons décrit dans le n° 620 de
juin-juillet 1948 du Chasseur Français.
À l'opposé du chauffage, il y a le froid, lequel, selon M. Mathieu,
« peut être utilisé d'une façon rationnelle pour obtenir un vieillissement
plus rapide des vins. Il est bien entendu qu'il s'agit de vins normaux n'ayant
pas à redouter le contact de l'air et qui n'ont pas atteint le degré de
vieillissement convenable ».
Le froid fait subir au vin une sorte de stérilisation
temporaire en « engourdissant » les ferments de maladies qui sont
entraînés avec la précipitation du bitartrate de potasse (crème de tartre).
Cette opération peut être réalisée deux ou trois fois. Le froid fait aussi
subir au vin une clarification et un dépouillement plus rapides.
Ce qui précède nous fait comprendre qu'il faut exécuter les
soutirages par temps froid et sec, et qu'il faut entreposer le vin (tonneaux ou
bouteilles) dans un endroit aussi frais que possible. Nous parlerons
pour-mémoire de la congélation des vins (qu'il ne faut pas confondre avec le
refroidissement). Cette opération a pour but une concentration du liquide par
la formation de glaçons qui sont extraits automatiquement après leur formation.
Nous résumerons la question en écrivant que dans les
opérations de conservation ayant pour résultat le vieillissement du vin il ne
faut employer que des procédés licites et laisser à l'industrie de
transformation l'emploi de matériel compliqué et coûteux.
Que ceux qui produisent encore, et ils sont fort nombreux,
un vin sain, franc de goût, pratiquent le vieillissement tel que l'ont fait nos
ancêtres, en observant toutefois des mesures d'hygiène élémentaires : fûts
propres et désinfectés, bouteilles nettoyées à la brosse rotative, bouchons de
liège de première qualité, machine à boucher, bouteilles couchées dans un local
— nous le répéterons jamais assez — dont la température ne dépasse
jamais 13° C, que l'on vérifiera avec un thermomètre.
Alors vous pourrez, aux fêtes carillonnées, offrir à vos
invités une bonne bouteille de « derrière les fagots ».
V. ARNOULD,
Ingénieur agronome.
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