La grande presse a annoncé dernièrement que deux mille
tonnes d'archives et de vieux papiers allaient être récupérées pour
confectionner du papier neuf. Que le public soit rassuré, il ne s'agit
aucunement de priver les contribuables de la joie de remplir des imprimés, et
encore moins d'enlever aux bienheureux ronds de cuir celle de les classer, pointer,
collationner, vérifier, modifier et autres formalités. Mais l'administration
manquait de place, et, pour en faire, on a songé à utiliser une découverte récente,
celle du microfilm.
Il s'agit très simplement d'utiliser la pellicule
cinématographique de format 35 millimètres dans une photocamera montée sur un
bâti spécial, au-dessus d'un plateau prévu pour réaliser les meilleurs
éclairements et réglages de temps de pose automatique.
Sur film normal de 35 millimètres, on obtient alors une
série d'images de format 18x24 ou 24x36 avec des bobines de longueurs variant
entre 30 et 210 mètres. On possède ainsi des images « macroscopiques »
de documents, et la place économisée est immense, le classement grandement
facilité, en même temps qu'il devient extrêmement facile de reproduire les
pièces intéressantes et de les céder. Ceci est particulièrement important
lorsqu'il s'agit d'originaux n'existant qu'en unique exemplaire.
Les Suisses, qui ont mis au point la meilleure caméra du
monde pour la prise de vues en format réduit, ont lancé le microfilm sur bandes
de 16 millimètres, et il en résulte une économie des trois quarts en surface de
pellicule et en prix de revient. A peine le 35 millimètres était-il diffusé en
France que l'on voit paraître ainsi un redoutable concurrent beaucoup moins
coûteux.
Cette nouvelle technique est peu commune, mais reste fort
intéressante.
Pour réaliser des microfilms, l'appareillage est très simple
et, en principe, ne demande qu'un pied stable et une lentille d'objectif très
lumineuse. Cependant, comme il s'agit de travaux importants, on a recours à peu
près toujours à un équipement moins sommaire, touchant en particulier le
plateau de fixation et présentation des documents, l'éclairement de ces
surfaces, avec des dispositifs de caches et de réglages.
Les appareils de prise de vues peuvent être ceux usuellement
connus sous le nom de « petit format » comme les Contax, Leica, Foca,
Alpa, Gamma, Rectaflex. Cependant, aux U. S. A., on utilise souvent
de véritables caméras de cinéma utilisées en prenant image par image, mais il
s'agit alors de firmes spécialisées travaillant professionnellement pour le
compte d'une clientèle. Avec le format réduit, la caméra suisse de Paillard en
16 millimètres a été perfectionnée par les Américains en lui adjoignant des
bobines de 120 mètres de long. Tout dernièrement, on a créé des appareils
spéciaux avec des objectifs donnant dans les angles la même netteté qu'au centre
et permettant des centrages et cadrages très perfectionnés et précis.
C'est à deux firmes françaises que l'on doit les deux
meilleurs appareils spécialisés pour ce travail : le Thomson et le Debrie.
Dans les deux, on a recherché la plus grande automaticité et la facilité de
manœuvre, mais la seconde réalisation est plus poussée que la première pour des
travaux plus compliqués ou de très grande série. Il y a même deux caméras
jumelées. Son avantage est de permettre des tirages à part sur un film de parties
importantes d'un document sans nécessiter ultérieurement des découpages du
film.
Le choix des émulsions, et donc de la pellicule, est très
important, car il faut un grain très fin avec environ 125 points au millimètre,
pouvant atteindre 150 et même 170, pour obtenir des projections-ultérieures. Il
faut tenir compte que le film est toujours utilisé en lumière artificielle, et
que les variations des couleurs, brillances ou matités des documents sont
importantes. On utilise donc des filtres. L'éclairage normal est constitué par
quatre lampes de 100 watts éclairant selon un angle de 45° et à une distance de
50 à 75 centimètres du document, suivant ses dimensions. La durée de pose est
de une ou deux secondes.
On a une tendance automatique, quand on pratique au début le
microfilm, de réduire au maximum. C'est une erreur, car il faut penser à la
reproduction et à la lisibilité beaucoup plus qu'à la conservation sous peu de
place et de volume. Théoriquement, les deux pages ouvertes d'un quotidien
peuvent tenir sur une seule image de format 16 millimètres. Pratiquement, il ne
faut pas dépasser le maximum de réduction de 1 à 20 et s'en tenir, en pratique
courante, de 1 à 10.
Le développement des films est sans difficulté, soit par
l'intéressé pour les petites longueurs, soit par des spécialistes pour les
bobines. Le classement ultérieur s'effectue sous deux formes : en boîtes
rondes pour les bobines plus ou moins longues, et dans des chemises
transparentes d'environ 23 centimètres pour les coupes. On a créé pour cela des
classeurs spéciaux en acier.
Mais le microfilm n'est pas un simple document d'archives,
il est une pièce devant être consultée facilement.
Cela se pratique au moyen de lecteurs dont le changement
d'objectif fait varier le rapport d'agrandissement, qui est généralement de 1 à
7,5 ou 1 à 12,5. La lecture se fait sur un écran opaque. Mais il existe
d'autres appareils plus perfectionnés. En particulier, la rotation d'un simple
miroir interposé dans l'axe du faisceau lumineux autorise la reproduction de l'image
sur un écran, ce qui est utile quand il s'agit d'examen collectif. Une autre
variante sert à projeter l'image à plat sur une table ou un bureau, et il
suffit de placer une feuille de papier pour pouvoir très simplement calquer au
crayon les traits et lignes figurés.
Telle est actuellement la technique du microfilm dont la
réalisation pratique est due à un français : Dagron.
S. LAJOUX.
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