Nous avons étudié, dans une de nos précédentes causeries
(1), les différents moteurs à réaction actuellement réalisés dans le monde : turbo-réacteurs,
turbo-propulseurs et stato-réacteurs.
Nous en avions décrit les particularités, les principales
caractéristiques et le fonctionnement.
Volontairement, afin que nos lecteurs se familiarisent bien
avec les réacteurs, j'avais négligé de leur causer d'un dispositif qui faisait
l'objet de recherches passionnées dans les laboratoires et bureaux d'études des
constructeurs de moteurs d'aviation ; je veux dire le dispositif de post-combustion.
À l'heure actuelle, ce mécanisme a été pratiquement mis au point par certains
constructeurs. Examinons en quoi il consiste.
Chacun a pu se rendre compte que l'on demande sans cesse
davantage aux moteurs à réaction. Conçus primitivement pendant la dernière
guerre pour réaliser des chasseurs toujours plus rapides, ils équipent
aujourd'hui des avions commerciaux géants.
Cependant, l'adaptation des réacteurs sur ces avions n'est
pas sans offrir certains inconvénients ... Le réacteur primitif ne peut
pas tout. Ainsi, le décollage d'appareils lourdement chargés au mètre carré
exige une poussée très élevée qu'il lui est impossible de fournir ; c'est
au sol, en effet, et à basse altitude que les moteurs à réaction ont leur plus
mauvais rendement en poussée. Cet inconvénient majeur créait l'obligation
d'accroître la longueur de roulement au sol de l'avion, et évidemment celle
d'allonger les pistes d'envol.
Post-combustion.
— Les constructeurs, d'ailleurs toujours « talonnés »
par les exigences des règlements de l'O. A. C. I., ont mis au
point, pour résoudre ce problème, la post-combustion.
L'on sait que la valeur limite de la poussée d'un réacteur
est fixée par la température maximum que peut supporter le métal des pales de
la turbine, qui, soumises à une force centrifuge élevée, s'échauffent très
rapidement.
En fonctionnement, la température de 850 à 900° est
rapidement atteinte : c'est la plus haute que les alliages les plus
modernes supportent sans trop, ou pas de déformations. Elle serait d'ailleurs
dépassée, si on ne la maintenait pas à cette valeur par une aspiration d'air
très supérieure à celle que nécessite le mélange convenable pour réaliser la
combustion. C'est trois à quatre fois plus d'air qu'il n'en faudrait à basse
altitude qu'emmagasine le réacteur. Il reste donc dans les gaz d'échappement, à
leur sortie par la tuyère, une quantité d'oxygène qui n'a pas été utilisée. Il
s'agissait de ne pas laisser perdre ainsi une source d'énergie.
Son nom l'indique, la post-combustion se fait après la
combustion normale du carburant, qui a lieu dans la chambre principale du
réacteur. Elle consiste donc à utiliser l'oxygène non consommé, en le
mélangeant à une injection nouvelle de carburant, pour obtenir un regain de
poussée par une nouvelle combustion du mélange.
Cette opération se produit dans un mécanisme statique ;
on peut donc pratiquement définir la post-combustion comme l'apport d'un stato-réacteur
(2) à un turbo-réacteur.
Si, à première vue, le principe nouveau semble d'une grande
simplicité, la réalisation en est infiniment plus compliquée.
Le turbo-réacteur se termine par une tuyère d'éjection dont
la forme convergente permet aux gaz de transformer en énergie cinétique une
partie de leur pression. Les ingénieurs ont tenu compte, dans l'installation du
mécanisme de post-combustion, du fait que les gaz qui sortent de cette tuyère
ont une température de 600°, ce qui correspond à une vitesse de 550
mètres-seconde, beaucoup trop grande pour obtenir un rendement intéressant du
mélange.
Ils ont donc interposé, au début du mécanisme de
postcombustion, un diffuseur analogue et dont les sections croissantes ont pour
effet d'augmenter la pression des gaz tout en ramenant leur vitesse au tiers de
celle du son.
Des injecteurs de carburant sont placés à l'admission de ce
diffuseur, ce qui permet d'obtenir un nouveau mélange parfait à l'arrivée de la
seconde chambre de combustion et des brûleurs.
L'analogie du mécanisme de post-combustion avec celui du stato-réacteur
est alors frappante, comme on va le voir.
Pour que la seconde combustion puisse utiliser totalement
les gaz, l'on a allongé la chambre de combustion, et le dispositif de post-combustion
n'a donc, comme le stato-réacteur, aucune pièce mobile.
La température des gaz n'a, théoriquement, plus besoin
d'être limitée. Elle pourrait atteindre 1.800 à 2.000°... Il faut cependant
assurer le refroidissement total des parois de la chambre, car actuellement le
point de fusion des meilleurs matériaux réfractaires utilisés en aviation est
d'environ 1.500°.
Utilisation.
— Le dispositif de post-combustion apporte donc une
nouvelle poussée au turbo-réacteur lorsqu'il est mis en action.
Certains constructeurs ont obtenu un gain de 50 p. 100
de la poussée maximum au décollage sur les avions commerciaux. Certains
chasseurs à réaction sont munis de système de post-combustion ; il leur
apporte un supplément de puissance considérable lors des combats à basse
altitude.
Le mécanisme de post-combustion peut être mis en route ou
stoppé au gré du pilote, au sol ou en vol. Il est complété par une tuyère
d'éjection à orifice réglable, suivant la masse des gaz à évacuer.
Dispositif de post-combustion sur moteurs à pistons.
— Depuis quelques années déjà, les constructeurs de
moteurs à pistons s'ingéniaient à utiliser les gaz d'échappement de leurs
moteurs. Ceux-ci sont toujours imparfaitement brûlés. Des dispositifs de post-combustion
équipent actuellement certains moteurs. Ils s'apparentent à celui que nous
venons de décrire en utilisant les gaz des « pots » d'échappement.
Leurs poussées s'ajoutent à la propulsion fournie par
l'hélice. Ils améliorent considérablement les performances des appareils qui en
sont équipés : notamment leur vitesse ascensionnelle.
Les dispositifs de post-combustion seront certainement
encore améliorés ; il est fort probable qu'ils supplanteront les fusées de
départ, que certains avions étaient obligés d'utiliser, au décollage,
lorsqu'ils étaient lourdement chargés sur des pistes trop petites.
Maurice DESSAGNE.
(1) Voir Le Chasseur Français de janvier 1949,
(2) Voir Le Chasseur Français d'août 1949.
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