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Le canoé au salon nautique

Le Salon nautique exerce un attrait justifié sur tous ceux qui aiment 1'eau, les bateaux quels qu'ils soient et la navigation sous toutes ses formes. J'y retourne chaque année, certain d'y rencontrer quelques camarades ou amis, content de bavarder avec les constructeurs, dont certains sont de vieilles connaissances. La plupart travaillent sur le plan artisanal; ils aiment leur métier, et beaucoup ont compris les avantages qu'ils pouvaient tirer d'une collaboration étroite avec des canoéistes avertis.

En ce premier dimanche d'octobre, le ciel était couvert, un vent violent soufflait en rafales et, sur la Seine, hors-bord et canots automobiles lancés à grande vitesse créaient un violent ressac. Il n'en fallait pas plus pour que roulent et tanguent les très beaux voiliers amarrés au quai. L'illusion était complète, nous n'étions plus au centre de Paris, mais transportés en un port de plaisance breton ou normand.

Oui, il y a à chaque salon de très beaux voiliers, tant à flot qu'à terre, et le regard du canoéiste s'y attarde, ne serait-ce que pour admirer l'harmonie et la pureté des lignes. Taillés pour la course ou pour la croisière, ils matérialisent le rêve de beaucoup d'entre nous : être maître à bord et naviguer en mer avec tout ce que cela comporte de charme, de risque et d'aventure.

Mais revenons à nos canoës. Ils sont nombreux et, comme je le disais au début, on constate avec satisfaction que la plupart des constructeurs s'orientent vers les solutions les meilleures et recherchent la perfection. Il est vrai que l'usager, instruit par l'expérience, la fréquentation des clubs, la lecture d'ouvrages compétents ou de revues spécialisées, est à même maintenant de choisir à coup sûr. On ne rencontre plus guère de canoës aux dimensions insuffisantes, présentant de graves défauts tels que ; étraves trop élevées, fond arrondi, absence de courbure longitudinale, etc. Sous prétexte de vendre très bon marché, la qualité des bois était négligée et le travail mal exécuté.

La majorité des canoës exposés au Salon nautique sont aptes à la descente des rivières sportives, donc très stables et faciles à manœuvrer. La construction à membrures larges, que l'on ne rencontrait auparavant que sur les canoës entoilés, s'est généralisée, et c'est un bien puisqu'elle engendre une solidité supérieure et permet de supprimer la fausse quille intérieure. On rencontre aussi beaucoup de canoës munis d'un double plat-bord et de pontages bois très courts, mais suffisants ; incontestablement, les caractéristiques du canoë entoilé ont influencé d'une façon heureuse la construction actuelle. Cependant les canoës entoilés sont exposés en minorité ; il est vrai qu'ils s'adressent à une clientèle très avertie. Le profane craint, à tort, que des déchirures se produisent dans la toile et préfère l'aspect, plus agréable à l'œil, d'une coque vernie. Rappelons au passage qu'un canoë entoilé est plus solide et plus étanche qu'un tout-bois.

Sur le plan technique, peu de nouveautés extraordinaires, si ce n'est l'emploi d'un revêtement plastique extérieur sur un canoë primitivement entoilé. Ce procédé, du reste, a déjà été présenté au Salon de 1949, mais jamais expérimenté à ma connaissance, en rivières sportives. Ce revêtement doit ajouter une solidité telle que l'emploi des quilles devienne inutile, mais il a le grave défaut de coûter très cher. Par contre, il offre une surface très dure et parfaitement lisse qui a permis aux voiliers de course qui l'utilisent d'améliorer leurs performances en régate. Dans ce domaine, il semble que la dépense supplémentaire puisse s'amortir par la diminution des frais d'entretien et de réfection de peinture.

Notons encore un canoë entoilé recouvert seulement d'un enduit cellulosique liquide. Aspect peut-être moins beau que celui d'une peinture laquée, mais solidité supérieure et grande facilité pour réparer ou effectuer des raccords. Preuve de la collaboration entre fabricants et usagers, un de nos constructeurs expose un nouveau modèle, particulièrement bien réussi, exécuté sur un moule construit par un amateur.

Je pense avoir dit suffisamment de bien de la construction actuelle pour me permettre d'élever une critique au sujet d'un type d'embarcation généralement nommé «canoë camping», très large, ayant l'avant d'un canoë et l'arrière coupé par un tableau. Outre la pagaie, il est pourvu de dames de nage et d'avirons ; un puits de dérive et un gréement doivent permettre la navigation à la voile ; le tableau arrière peut recevoir un moteur hors-bord. C'est là une sorte de mouton à cinq pattes qui se comportera aussi mal à la pagaie qu'à l'aviron, à la voile ou au moteur. Le bateau à usages multiples n'existe pas : chaque mode de propulsion exige des lignes d'eau différentes et une construction appropriée. En outre, pour justifier l'appellation «canoë camping», on nous propose de recouvrir cette embarcation d'une toile de tente sous laquelle il n'est même pas possible de se tenir assis ; on peut se demander comment se terminerait une croisière entreprise dans de telles conditions, par mauvais temps.

Le canoë camping compte en France de nombreux adeptes, qui le pratiquent sous la seule forme possible, en transportant leur matériel dans un vrai canoë et en dressant la tente sur la rive. Cette façon de camper compte parmi les plus agréables, et, pour vous permettre d'en tirer le meilleur profit, nous lui consacrerons nos prochaines causeries.

G. Noël.

Le Chasseur Français N°647 Janvier 1951 Page 31